Jupiter's Legacy (Netflix)
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Le créateur des comics nous raconte sa passion des super-héros et comment sa dernière œuvre amène quelque chose de nouveau au genre.

C'est à lui que l'on doit l'agent secret Kingsman, mais aussi le vengeur masqué sans pouvoir, Kick-Ass, ou encore les flingueurs de Wanted. Tous ont eu droit à des adaptations cinématographiques à gros budget. Mais pour la première fois, avec Jupiter's Legacy, Mark Millar porte son travail à la télévision. Après avoir vendu les comics de son Millarworld à Netflix en 2017, le premier projet est arrivé sur la plateforme la semaine dernière. Une version série de Jupiter's Legacy, qui truste déjà la première place du Top 10 du streamer...



Vous vous êtes demandé si Jupiter's Legacy allait pouvoir trouver sa place, dans la foule de programmes de super-héros proposés sur le grand et le petit écran depuis des années ? 
Je suis certainement des plus critiques en ce qui concerne la série, parce que je veux protéger mon bébé. Quand j'ai commencé à travailler avec Netflix, j'ai été enchanté d'entendre ce que le showrunner, Steven S. DeKnight avait en tête. Après, les gens parlent de l'usure de la mode des super-héros, mais en réalité, cela fait deux ans qu'aucun film de super n'est sorti au cinéma. Le dernier, c'était Avengers : Endgame, au printemps 2019 ou le Spider-Man qui est arrivé peu de temps après. Mais je crois qu'il y a un manque. En ce qui me concerne, j'adore ces trucs-là, je pourrais en voir un par semaine. Et au bout du compte, je suis ravi que Jupiter's Legacy ouvre, en quelque sorte, la saison des blockbusters de l'été. C'est vraiment chouette d'avoir ces gens avec des capes de retour.

Au départ, l'idée était moins de faire une série, mais plutôt un film ?
Oui... et je suis ravi qu'on en ait pas fait un film. C'était le plan à l'origine, mais ça aurait été dommage, parce que toute la partie dans les années 1920 se serait résumée à une séquence de 5 minutes... Là, on a pu y passer 2h30 et cela permet d'informer les personnages en profondeur, avant qu'ils n'arrivent sur l'île.

Comment vous est venue l'idée d'aborder le thème des super-héros sous cet angle ? Qu'est-ce qui vous a inspiré ?
Les comics sont très dramatiques. C'est complètement du Game of Thrones. Je suis allé en mode full Shakespeare. Il y des bains de sang et de vrais tragédies à venir. Après, j'ai commencé à imaginer Jupiter's Legacy en 2008 et je crois que j'ai été inspiré par le livre autobiographique de Carrie Fisher, Wishful Drinking, qui est sorti la même année. En le lisant, j'ai été fasciné de voir qu'on pouvait être quelqu'un d'aussi cool que la Princess Leia de Star Wars, mais vos parents sont tellement célèbres (ceux de Carrie Fisher étaient l'actrice Debbie Reynolds et le chanteur Eddie Fisher, NDLR) que vous avez le sentiment de ne jamais remplir tout votre potentiel. D'ailleurs je l'ai rencontrée en 2015, grâce à Mark Hamill, qui est un ami à moi. Je lui ai raconté qu'elle m'avait inspiré une histoire de super-héros... mais ça ne l'intéressait pas vraiment je crois (rires).

Jupiter's Legacy
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De Kick-Ass à Utopian, vous avez ce penchant pour les super-héros alternatifs. D'où ça vient ?
J'ai toujours eu cette envie d'écrire des histoires de super-héros que je ne peux pas lire autre part. Et des histoires que j'aurais envie de lire moi-même. Parce que je suis d'abord et avant tout un grand fan d'histoires de super-héros, d'aussi loin que je m'en souvienne. Je ne me souviens même pas de mon premier comics, tellement j'étais petit quand je suis tombé dedans. Du coup, j'essaye toujours de signer quelque chose d'original, que les gens n'ont jamais vu. Créativement, c'est motivant de savoir que les gens sont prêts à payer pour lire ou regarder votre oeuvre. En tant qu'Ecossais, je veux qu'ils en aient pour leur argent ! (rires) Kick-Ass avait ce côté complètement inédit. Et je pense qu'après 20 années de super-héros dans les salles, Jupiter's Legacy donne ce même sentiment. C'est assez unique comme approche. C'est très différent de tout ce qui a déjà été fait, notamment la partie dans les années 1920, avant qu'ils n'aient leurs pouvoirs. Mais c'est aussi ce que tout le monde essaye de faire depuis toutes ces années, amener quelque chose de nouveau au genre.

Jupiter's Legacy pose effectivement des questions philosophiques originales, sur ce qu'on doit faire, ou pas, avec des pouvoirs...
C'est un thématique essentielle de l'histoire des comics, où j'explore cela même plus profondément. Les super-héros existent concrètement depuis plus de 80 ans et suivent le même code moral, alors c'est intéressant de voir des super-héros casser les codes. Si vous avez le pouvoir de, littéralement, déplacer des montagnes, le pouvoir de changer le monde, ne serait-ce pas immoral de ne pas le faire ? De ne pas l'utiliser ? C'est le dilemme qui tiraille la jeune génération de Jupiter's Legacy notamment. Ils ne sont pas très fans des méthodes du passé... Est-ce normal de ne pas se mêler des histoires de l'humanité ? De laisser les gens mourir de faim ? Ou d'avoir laissé faire les camps de concentration ? Ou même le réchauffement climatique ? Mais dans le même temps, les parents de Jupiter's Legacy présentent aussi de solides arguments. On ne peut pas dire au monde quoi faire, simplement parce que nous sommes surpuissants. Notre histoire dépasse le concept un peu répétitif des vengeurs contre les super-vilains. On va plus loin que ça.