"Le fond de ces dessins est finement hachuré, autant de petits barreaux sur lesquels s’impriment les images qu’ils dessinent au stylo bille", décrit Christian Berst, propriétaire de la galerie du même nom. Les détenus chicanos (personnes originaires du Mexique vivant aux Etats-Unis) ont adopté ces mouchoirs ("paños" est le diminutif de "panuelos", "mouchoirs" en français) dès les années 1940 pour transmettre des messages au monde libre. Une poste informelle toujours populaire."Les paños ne sont pas nécessairement perçus comme quelque chose de dangereux. Une correspondance qui sort de prison est relue, validée par l’administration pénitentiaire, et comme là il est question d’un dessin ne donnant pas forcément d’indication sur sa dangerosité, à ma connaissance, ces mouchoirs circulent sans trop de difficultés". Inoffensif (au premier abord), le paño est aussi facile à transporter. "En 1940, le papier était une denrée parfois rare et coûteuse pour des populations désargentées alors que les mouchoirs étaient fournis par l’administration pénitentiaire. Ils présentent l’avantage, non seulement d’être le support d’un message, mais de pouvoir se plier et d’encombrer au minimum. Les paños passaient de main en main ou étaient glissés dans une enveloppe".Ces mouchoirs dessinés au stylo bille sont destinés aux membres d’une famille (épouse, enfants, parents, petite copine), mais pas que : "Ces détenus, il ne faut pas l’oublier, sont membres de gangs et grâce au dessin ils transmettent des messages à leurs comparses en utilisant des codes. Sur un mouchoir comportant beaucoup de clowns, il ne faut pas se méprendre, le paño n’est pas destiné aux enfants : la grimace de la figure du clown est extrêmement codifiée. Elle signifie quelque chose et est souvent associée à plusieurs éléments dessinés dans le mouchoir. Cela raconte quelque chose".Les paños sont utilisés essentiellement dans le sud-ouest des USA, à savoir : en Californie, au Texas et au Nouveau Mexique. Le support du paño intéresse aussi les artistes comme le fait remarquer Christian Berst. "J’ai entendu dire récemment que des artistes commencent à se servir de ce support – cela n’a pas à voir quelque chose avec le milieu carcéral – donc il est probable que dans les années qui viennent nous verrons circuler une chose inspirée par les paños. Mais ils seront peut-être vidés de leur force et de leur caractère indispensable car il ne faut pas oublier que c’est le seul moyen pour les détenus de communiquer avec l’extérieur".L’exposition "Paños prison break" est aussi l’opportunité de voir le travail de l’artiste Boris Santamaria qui dessine sur des mouchoirs. "J’ai découvert il y a quelques mois à la Havane ce détenu, il a eu affaire avec la justice de nombreuses fois. Santamaria a développé un langage qui lui appartient, une grammaire plastique assez cohérente. Il déploie une grande critique sociale, c’est un observateur acerbe des autorités ecclésiastiques (représentation du pape avec des croix gammées) et politiques, on peut y voir des thèmes d’extrême gauche". Aux dernières nouvelles, il est en liberté assure Christian Berst. "Il appartient à une très grande famille révolutionnaire, sa grand-mère a été l’une des pionnières avec Fidel Castro à se soulever contre Batista et je pense que cela le préserve probablement d’un traitement plus difficile ou plus cruel".Les paños seront aussi à l’honneur dans le cadre de l’exposition "Tatoueurs, Tatoués" du Quai Branly qui débute au mois de mai.Expo "Paños Prison Break", jusqu'au 19 avril 2014 à la Galerie Christian Berst Guillaume Roche
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Paños prison break : les mouchoirs dessinés des détenus chicanos
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