Première a rencontré Ken Scott, le créateur d'une comédie québécoise originale sur un homme découvrant qu'il est le père de 533 enfants.
Starbuck parle entre autres de la quête d'identité. A partir de là qu'est ce que ce film a de fondamentalement québécois ?
Ken Scott : Cette histoire se passe dans le Mile-End, un quartier de Montréal. Il a donc au minimum cette identité québécoise. Ensuite, il y a le titre, inspiré du nom d'un taureau canadien dont le sperme a servi à ensemencer des centaines de génisses, pour donner naissance à des centaines de milliers de veaux. Il en est devenu un héros national. Mais au-delà de ça, Starbuck exprime un point de vue spécifiquement québécois sur la paternité. Chez moi, le rôle du père à énormément changé ces dernières années, les nouveaux papas sont beaucoup plus présents, prennent beaucoup de congés paternité. Le scénario de Starbuck n'aurait vraiment pas été le même il y a ne serait-ce que dix ans. A l'époque, les films parlaient de pères trop absents. Je pense que dans dix ans, ils parleront de pères trop présents. (rires).
Starbuck prend à rebours les clichés des films où le personnage central doit assumer sa responsabilité. La nature profonde de David, celui de ce film, ne varie finalement pas tant que ça.
C'est une comédie dramatique : on voulait, avec Martin Petit, mon co-scénariste que cette histoire soit enracinée dans quelque chose de vrai, de plausible. Je connais Martin depuis que j'ai dix-sept ans, ça nous a laissé le temps d'observer des amis communs qui nous ont, à différents degrés, inspirés pour écrire David. Notamment pour en faire un quadragénaire qui n'a pas encore tout à fait rompu avec un mode de vie adolescent. La vie ne fait que lui donner un coup de pouce en le rattrapant, mais vous avez raison : au fond de lui, il est prêt, même sans ce qui lui arrive, à faire le pas, il a atteint une maturité suffisante de lui-même.
David se découvre cinq cent trente-trois enfants ; cent quarante-trois mènent une action civile pour le connaître, mais vous ne vous attardez que sur quatre d'entre eux, qui ont en commun d'être en crise. Pourquoi ceux-là et pas d'autres ?
Pour aller dans le sens de la structure du film. Je voulais qu’on voie rapidement David dans des situations où il doit être dans la position d'un père. J'aime particulièrement le moment où il est face à sa fille et qu'il ne sait pas s'il doit signer les papiers pour qu'elle entre en cure de désintox, parce qu'elle lui jure qu'elle va se sevrer d'elle-même. Comment réagir dans ce contexte-là, quand ton enfant t'assure qu'il va se sortir des ennuis tout seul et que le reste du monde te dit qu'il vaut mieux agir ? Le challenge de ce film était d'efficacement placer David face à ce type de dilemme, que ce soit avec un enfant handicapé ou un ado Emo. Starbuck n'est pas un mode d'emploi de la paternité, mais l'exploration de ses facettes.
Starbuck va connaître non pas un mais plusieurs remakes (on parle d'au moins un américain, un bollywoodien et un français). Qu'est ce que cela fait de faire un film sur la paternité, qui engendre en quelques sortes ces propres enfants ?
On a compris dès la projection au festival de Toronto que Starbuck avait quelque chose d'universel. Il a été acheté quasiment partout, en Chine, au Brésil, en Australie, dans les pays nordiques. Mais avant même que le film ne soit sorti au Québec, nous avons été contactés pour d'éventuels remakes. Au départ on s'est dit qu'avant de considérer ces offres, l'important était que le film original connaisse une carrière en soi. Et pour le moment, je crois que c'était le bon choix. Je travaille en ce moment sur le remake commandé par Dreamworks, que je vais réaliser. C'est génial, mais ce qui l'est encore plus c'est que Starbuck exauce mon envie de raconter des histoires qui puissent toucher les gens quelle que soit leur culture. Le fait même qu'on nous ait proposé des remakes ne tient qu'à la force de ce scénario. Parce qu'il parle à tout le monde ou parce qu'il correspond à notre époque.
Starbuck raconté selon Bollywood ou Hollywood, ce ne sera quand même pas les mêmes codes culturels ?
Dans le cas du remake bollywoodien, je suis beaucoup moins impliqué : je ne connais rien à la culture indienne, à cette manière de faire des films. Mais, je suis ravi qu'ils aient eu envie de raconter ce film selon leurs codes. Et ne demande qu'à voir ce qu'ils vont en faire. A Hollywood ce sera autre chose puisque j'en serai le réalisateur, mais je suis forcément plus familiarisé avec la culture américaine.
Actuellement là-bas, faire un film qui parle autant de paternité que de masturbation et de sperme n'offre que deux options : les frères Farelly ou Judd Apatow. De laquelle vous sentez-vous le plus proche ?
Évidemment Judd Apatow. Mais lorsqu'on a commencé à travailler sur Starbuck, on avait ces deux références. Et on s'est d'ailleurs demandé si on allait faire une comédie sur la masturbation avec un rapport à la paternité en fond ou une sur la paternité avec en arrière-plan des vannes sur la masturbation. On a fini par choisir la première option. Le remake américain ira sans doute dans ce sens parce que c'est une sensibilité vers laquelle je tends.
Aux derniers échos, on parle de Vince Vaughn pour en tenir le rôle principal...
Ce sera bien lui...
Il offre presque une voie intermédiaire entre les univers des Farrelly et d'Apatow...
On l'a choisi un peu pour les mêmes raisons que Patrick Huard dans notre Starbuck : Vince a lui aussi cette incroyable capacité d'une imposante présence physique mais aussi de pouvoir jouer sur des nuances de vulnérabilité. Tout en sachant faire rire.
Propos recueillis par Alex Masson
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