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BIM. Deuxième réalisation pour Tommy Lee et deuxième sélection officielle. 10 ans après son beau premier film Trois Enterrements, Tommy Lee Jones repasse donc par la case Croisette. Avec un nouveau film-frontière, et, cette fois-ci, un vrai western. Vraiment ? Juste avant le festival TLJ essayait pourtant de nous prévenir : « ces étiquettes, ça me gonfle. Parce que ça stigmatise et que ça ne veut rien dire. Tu peux définir le western toi ? ». Alors disons que The Homesman se déroule dans l’Ouest, qu’il y a des chevaux, des cowboys et même une bande d’Indiens. Précisons aussi que The Homesman commence exactement comme Josey Wales Hors-La Loi (Hilary Swank a juste remplacé Clint Eastwood derrière l’araire), que le film développe des fixettes eastwoodiennes (la transmission, la folie, la sauvagerie VS l’humanité) et fait beaucoup penser à Convoi de Femmes. Alors c’est quoi le problème ?Au fond, si TLJ refuse cette étiquette, c’est que son monde n’est pas un monde de cinéma et qu’il se refuse à toute interprétation postmoderne. L’Ouest qu’il filme c’est celui qu’il voit depuis les fenêtres de son ranch, pas un farwest passé à la moulinette des fantasmes hollywoodiens. Quand on lui parle de ses références, il évacue vite les cinéastes de l’Ouest pour parler des minimalistes texans (Donald Judd en tête) ou des écrivains mexicains (Juan Rulfo notamment), des artistes qui ont tenté de fondre leur paysage, leur quotidien, celui de la frontière et des horizons écrasants dans des œuvres à vocations universelles… Un voyage à reboursComme Trois Enterrements, dont il pourrait être une version dégraissée, The Homesman fait le récit d’un retour. Adapté d’un roman de Glendan Swarthout, le film suit le parcours de Briggs, vieux soldat lessivé (Tommy Lee Jones), et de Cuddy, femme désespérée (Hilary Swank géniale comme chez Eastwood), chargés de ramener à la civilisation trois femmes que la violence de l’Ouest a rendu folles. Ce qui frappe tout de suite, ce sont ces femmes justement, que TLJ filme frontalement. Un peu comme le Ford de Frontières Chinoises (l’une des vraies matrices du film sans doute), l’acteur-cinéaste plante sa caméra dans leur imaginaire, dans leurs têtes, dans leurs corps. Swank, vieille fille frustrée, ne parle que de survie et d'amour tandis que les « folles » ont des airs de furies shakespeariennes ou de lolitas déchaînées. Le seul homme du voyage (TLJ himself) est un type à moitié fou, tour à tour dur à cuire et bouffon. Mais The Homesman est d’abord un voyage existentiel qui chemine à rebours (de l’Ouest vers l’Est, de la sauvagerie vers la « civilisation », de la lâcheté à l’héroïsme). L’équipée de Cuddy et Briggs devient une leçon initiatique sur la culpabilité et la rédemption, une émigration à l’envers. Et cette fable se double d’une réflexion fascinante sur le coût réel de la conquête de l’Ouest. Quel est le prix de l’impérialisme yankee et de ses mythes fondateurs ?Autant de questions brûlantes que TLJ pose dans un cinéma d’une nudité hyper raffinée, un cinéma qui murmure son élégie blanche et cruelle née sous la pierre et un soleil de plomb. On n’est pas prêt d’oublier la photo de Rodrigo Prieto (le chef op de Inarritu), sublime, qui laisse infuser les paysages de l’Ouest, arides et fantastiques. Pas un western ? Comme il veut, mais quelle claque !Gaël GolhenThe Homesman de Tommy Lee Jones avec Tommy Lee Jones, Hilary Swank et David Dencik est présenté à Cannes en compétition et sort aujourd'hui dans les salles. Voir aussi :La conférence de presse de The Homesman à Cannes :