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Zero Dark Thirty raconte les dix ans de traque d’Oussama Ben Laden : avec un sujet aussi sensible, le nouveau film de Kathryn Bigelow (Démineurs) attire forcément la polémique. Et la plus récente vient du directeur de la CIA lui-même, Michael Morell : dans un communiqué officiel (mis en ligne sur le site de l’agence d’espionnage US), il rappelle que "la CIA a collaboré au film via notre Bureau des relations publiques" mais reproche au film "de prendre de sérieuses libertés artistiques tout en se considérant comme étant historiquement exact."Morell reproche précisément trois choses à Zero Dark Thirty :- Premièrement, le film attribuerait la réussite de la chasse à Oussama à "quelques individus" alors qu’elle fut le résultat "du dévouement extrême de centaines d’agents". C'est partiellement vrai : si Bigelow donne le premier rôle à Maya, personnage interprété par Jessica Chastain, jamais ZDR ne contredit l'idée que la traque de Ben Laden résulte d'un effort collectif et global de la CIA. Bigelow prend bien soin de montrer tous les secteurs de l'agence (les cellules d'intervention comme celle de pure recherche).- Deuxièmement, le script donnerait l’impression que seule la torture (que Morell désigne sous le terme de "technique améliorée d’interrogatoire") de certains prisonniers a pu donner l’indication de la dernière planque du leader d’Al-Qaïda, alors que la CIA a utilisé de nombreuses autres d’informations. Là encore, c'est un peu exagéré : si le nom d'Abou Ahmed - le "courrier" de Ben Laden qui mènera au compound - sort d'abord dans un interrogatoire musclé, son nom resurgit grâce à un travail minutieux d'écoute et de surveillance.- Troisièmement, "le film prend trop de libertés pour décrire le personnel de la CIA, notamment certains agents qui sont morts au service de leur pays. Nous ne pouvons permettre à un film hollywoodiens de ternir leur mémoire."Dès la mise en chantier du film, on se demandait si l’on avait suffisamment de recul face à la mort de Ben Laden (qui a eu lieu le 2 mai 2011) pour en faire le récit. Rappelons tout de même que Zero Dark Thirty est une fiction, et que le film se plie aux nécessités romanesques en racontant l’exécution d’Oussama par le prisme de la quête obsessionnelle d’un officier de la CIA (joué par Jessica Chastain). Mais Bigelow et Mark Boal ont visiblement effectué un travail de recherche colossal. La réaction du directeur de la CIA démontre plutôt que son film appuie précisément là où ça fait mal (la torture peut-elle servir au combat pour la liberté ? Et quelles furent vraiment les méthodes de travail de la CIA ?)Alors que Zero Dark Thirty, nommé quatre fois aux Golden Globes 2013, est bien parti dans la course aux Oscars, le film n’en finit plus d’alimenter le moulin à polémiques : on l’accuse aussi bien d’être un relais de propagande pro-Obama que d’être une apologie de la torture et de la "guerre contre le terrorisme". Mais la polémique politique ne doit pas occulter le fait que Zero Dark Thirty est un gros morceau de cinéma, un thriller tendu et d'une limpidité exemplaire (vu la complexité de son sujet) qui autopsie les dix ans de luttes obscures des USA et s'achève sur une scène de raid filmée en temps réel (plus de 40 minutes) proprement anthologique.Zero Dark Thirty, qui est sorti aux USA hier, débarquera en France le 23 janvier prochain. Bande-annonce :