Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
TOY STORY 4 ★★★☆☆
De Josh Cooley
L’essentiel
Le nouveau volet de la fameuse franchise affiche une qualité standard satisfaisante mais guère plus.
Qu’est-ce que Toy Story 4 pouvait bien raconter que les trois premiers n’avaient pas déjà développé en long et en large ? Comment éviter le film de trop, alors que le précédent semblait conclure définitivement les aventures de Woody et Buzz ? Un petit coup d’oeil à l’impressionnante liste de scénaristes présents au générique (huit, dont Rashida Jones, partie suite à des « différends artistiques et philosophiques ») suffit à imaginer combien le studio s’est arraché les cheveux pour faire naître cette suite.
François Léger
PREMIÈRE A AIMÉ
YVES★★★☆☆
De Benoît Forgeard
En ouvrant sa programmation par Le Daim et en fermant le ban par Yves, la Quinzaine des réalisateurs 2019 a fait le choix de la cohérence en clamant haut et fort son amour des cinéastes français aimant manier l’absurde dans d’apparentes comédies qui vont à chaque fois vagabonder vers d’autres rives. Mais si Quentin Dupieux et Benoît Forgeard partagent un penchant pour les pitchs bien secoués, la comparaison entre eux s’arrête là. Car à mille lieues du nihilisme assumé et rageur de Dupieux, Forgeard trace, lui, sa route, mû par une générosité empathique envers les personnages qu’il a imaginés.
Thierry Cheze
LA FEMME DE MON FRÈRE★★★☆☆
De Monia Chokri
Les muses prennent le pouvoir. Au dernier Festival de Cannes, Hafsia Herzi présentait à la Semaine de la critique Tu mérites un amour, son premier long métrage de réalisatrice, où palpitait à chaque plan l’influence esthétique d’Abdellatif Kechiche, son pygmalion de La Graine et le Mulet. Et, toujours à Cannes, quelques dizaines de mètres plus loin, à Un certain regard, Monia Chokri dévoilait elle aussi son premier long, un récit initiatique dans la droite lignée des Amours imaginaires, le film de Xavier Dolan qui l’avait révélée en 2010.
Frédéric Foubert
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
TEEN SPIRIT ★★☆☆☆
De Max Minghella
Pour son tout premier long, le fils du réalisateur du Patient anglais s’embarque dans un Flashdance d’aujourd’hui où les télécrochets musicaux ont remplacé les castings traditionnels chez ceux qui aspirent à changer de vie en s’adonnant à leur passion. Tel est le cas de Violet, ado rêvant de quitter son quotidien morne d’Europe de l’Est pour devenir une pop star internationale. La trame est donc classique et le traitement, en mode montagnes russes émotionnelles, l’est tout autant. Mais Max Minghella a conscience d’avoir face à lui une comédienne d’exception, tant dans la justesse jamais appuyée des sentiments qu’elle exprime que dans son aisance à jouer cette ascension d’une apprentie chanteuse d’abord malhabile, puis rayonnante de charisme. En laissant à Elle Fanning l’opportunité de cette démonstration de force saisissante de naturel, il offre à Teen Spirit le piquant qui lui manquait.
Thierry Cheze
CONSÉQUENCES★★☆☆☆
De Darko Štante
Le réalisateur slovène de ce premier long possède un talent indéniable pour faire monter la tension chez le spectateur. La manière, d’abord, dont il introduit son héros, accusé de viol par une ado vexée qu’il ait refusé ses avances, et placé dans un centre de détention pour mineurs. Puis la description étouffante de la relation aussi fascinée qu’ambiguë que ce petit dur entretient avec le caïd du centre, un chef de gang qui comprend vite son emprise sur lui. Et enfin, la prise de conscience difficile de son homosexualité dans cet univers testostéroné où les différences finissent par se retourner violemment contre soi. Dommage alors que la conduite scolaire de son récit affaiblisse ce climat de tension savamment orchestré et tue dans l’oeuf tout effet de surprise. Sa volonté de dénoncer l’hypocrisie de son pays prétendument progressiste envers les gays prend le pas sur tout le reste.
Thierry Cheze
BIXA TRAVESTY ★★☆☆☆
De Kiko Goifman & Claudia Priscilla
Linn da Quebrada (la Belle des bas-fonds en français) est un travesti brésilien et activiste de la cause LGBT dans un pays où la chose n’est pas aisée tant les crimes antigays sont légion. Ce film documentaire en forme de portrait énergique et énervé ressemble à son modèle : brûlante et sauvage à l’extérieur mais dotée d’une sensibilité à fleur de peau à l’intérieur. Née en 1990, Linn affiche un bagout, une présence scénique indéniables et délivre sa rage à coup de punchlines très explicites dans des transes baile funk délirantes. L’intéressée se définit elle-même comme une terroriste du genre, son corps devenant une arme braquée contre ses ennemis. Le film suit cette queen trans dans ses diverses activités (radio, concerts...) et son intimité. C’est peu dire que l’indomptable occupe tout l’espace et que le cadre d’un film semble bien trop étroit pour elle.
Thomas Baurez
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
THE MOUNTAIN : UNE ODYSSÉE AMÉRICAINE★☆☆☆☆
De Rick Alverson
L’ « odyssée » du sous-titre français de The Mountain désigne le road-trip, dans l’Amérique des années 50, d’un jeune homme mutique venant de perdre son père (Tye Sheridan) et d’un mystérieux médecin (Jeff Goldblum) qui fait la tournée des hôpitaux pour promouvoir sa méthode de lobotomie, très controversée… Le réalisateur Rick Alverson raconte ce voyage géographique et surtout mental sur un rythme somnambulique, elliptique, allégorique, et pour tout dire, franchement nébuleux. La patine fifties volontairement très neutre, très beige, a d’abord quelque chose d’intrigant, mais le refus obstiné de donner des clés de lecture au spectateur finit par se retourner contre le film, qui s’enfonce dans des territoires symboliques de plus en plus insondables, atteignant un point de non-retour quand débarque Denis Lavant dans la peau d’un médecin new-age éructant un charabia franglais énigmatique. Le rapport père-fils, la masculinité en crise, les mystères de l’esprit humain, les dangers de l’utopie et de l’esprit de conquête : thématiquement, on n’est pas très loin d’une variation sur The Master. Mais sans l’élan romanesque et le génie poétique azimuté d’un PTA.
Frédéric Foubert
BEAU JOUEUR ★☆☆☆☆
De Delphine Gleize
Octobre 2016. La réalisatrice Delphine Gleize (Carnages, La Permission de minuit) part à la rencontre des joueurs et du staff de l’Aviron bayonnais, club de rugby qui se débat dans les tréfonds du Top 14 pour ne pas descendre en Pro D2. Elle est persuadée « qu’ils préparent un casse ». Le dénouement est connu : l’Aviron bayonnais ne fera pas de miracle. Beau Joueur se présente donc non pas comme une success story – façon Les Yeux dans les Bleus– mais comme l’histoire d’un échec. Au lieu des larmes de joie et de l’exultation, les pleurs de rage et l’accablement. De cette frustration, Delphine Gleize ne tire cependant rien de mythique ou d’édifiant, s’attardant sur les habituelles causeries viriles ou sur la réputation intello des rugbymen (l’un d’eux lit Bachelard dans le vestiaire). Un doc qui botte en touche.
Christophe Narbonne
VILLE NEUVE ★☆☆☆☆
De Félix Dufour-Laperrière
Réalisé au moyen d’encre sur papier, ce premier long métrage d’animation est « une œuvre d’art », nous prévient-on – façonpudique et élégante de définir un film d’auteur ennuyeux. Très bavard, il raconte la crise existentielle traversée par un homme qui s’installe dans une maison en bord de mer, dans un coin de Gaspésie où il aima sa femme, jadis. Les deux ex se retrouvent au même endroit des années plus tard sur fond de campagne référendaire sur l’indépendance du Québec, en 1995. Visuellement splendide, flirtant avec l’abstraction, Ville Neuve peine à conjuguer le tour de force technique, la poésie des images et la force du récit. Pourtant, il y avait certainement quelque chose à tirer de moins abscons de cette histoire de reconstruction maritale sur les cendres d’un espoir politique brisé.
Christophe Narbonne
Et aussi
Brightburn, l’enfant du mal de David Yarovesky
Golden glove de Fatih Akin
Je la rencontrerai de Raphaël Kirgo
Made in China de Julien Abraham
Together Alonede P. J. Castellaneta
Reprises
Docteur Folamour de Stanley Kubrick
La terre tremble de Luchino Visconti
Les Doors de Oliver Stone
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