"Aucun studio ne s'intéressait à Spider-Man. Aucun studio ! Ils ont tous refusé",
Le 3 mai 2002, un tisseur vadrouillant dans les rues de New York débarquait dans les salles américaines. Spider-Man ne savait pas encore qu'il allait révolutionner l'industrie. Le cinéma. Et le 7e art dans son ensemble. Car sans lui, sans Sam Raimi, sans Sony Pictures, il n'y aurait probablement pas eu de Marvel Universe aujourd'hui. Il n'y aurait pas eu de trilogie Dark Knight. Ou même de Justice League.
Évidemment, Spider-Man n'a pas inventé le genre. Avant lui, les super-héros avaient déjà connu le succès au cinéma, que ce soit avec la franchise Superman des années 1980 ou celle des Batman des années 1990, stoppée net par le légendaire Batman & Robin de 1997... Si bien qu'à la fin de la décennie 90's, aucun studio majeur ne prenait au sérieux l'idée de refaire des films avec des vengeurs en collant. Jamais un comics Marvel n'avait d'ailleurs été porté à l'écran. Des problèmes de droits, incroyablement compliqués, entravaient largement la chose. Mais le genre, de toute façon, n'intéressait plus grand monde :
"Aucun des studios ne s'intéressait à Spider-Man. Aucun studio ! Ils ont tous refusé", se souvient Avi Arad, le patron de Marvel Studios à l'époque. "C'était une vieille marque pour eux. Évidemment, je n'étais pas d'accord. Pour moi, c'était énorme. Alors on a continué à frapper aux portes, assurant que Spider-Man était une idée à 1 milliard de dollars ! Je ne savais pas à quel point j'avais raison..."
Au cours d'une vaste story publiée dans Variety ces jours-ci, ceux qui ont contribué au développement du film se souviennent ainsi de la galère que fut le projet Spider-Man. David Koepp, scénariste, confirme que "les films de super-héros avaient connu des moments difficiles. Ils n'établissaient aucun lien culturel avec le public et la plupart étaient des films bon marché, pour ne pas dire considérés comme de la merde !" Matt Tolmach, ancien boss de Columbia Pictures, confirme avoir dû "surmonter cette perception que les comics, c'était un truc pour les enfants. On voyait ça comme ça à l'époque. On savait que ça allait coûter un bras à produire, mais pour quel public à l'arrivée ?"
Le succès de Blade en 1998, chez New Line Cinema, a ouvert une première porte, prouvant qu'une propriété Marvel pouvait marcher. Alors que Fox bossait de son côté sur les X-Men, Sony Pictures décida de se lancer et d'acheter les droits du film pour seulement 7 millions de dollars, Marvel conservant 5% des bénéfices et 50% du merchandising.
David Koepp, qui avait signé les scénarios de Jurassic Park et Mission : Impossible, a été engagé pour écrire le scénario, notamment parce qu'il a vu l'histoire comme une grande histoire d'amour entre Peter et Mary-Jane :
"Mon gros argument a été de dire qu'il fallait laisser beaucoup de temps à Peter Parker avant de devenir Spider-Man. Non, on ne le verra pas en costume pendant les 45 premières minutes, et c'est très bien comme ça. Parce que le personnage a une Origin Story tellement puissante, qu'il fallait oser la raconter, s'appuyer dessus. Et l'autre chose, c'était que son couple avec MJ ne devait pas finir ensemble à la fin du film. Ils devaient être séparés, parce que c'était romantique. Sony a accepté. Ils étaient prêts à embrasser ces idées. Il fallait du cran, parce que d'habitude, à la page 10, il devient un super-héros et puis tout s'arrange à la fin... Là, nous voulions essayer quelque chose de différent."
Pour mettre en images les idées de Koepp, Sony et Marvel sont donc partis en mission pour trouver le réal adéquat. "Je me souviens qu'Amy Pascal (productrice) m'a dit qu'ils avaient rencontré Tim Burton, qui avait répondu qu'il se sentait plus proche des comics DC..." Sam Raimi n'était même pas dans la short list. Loin s'en faut. Mais le réalisateur d'Evil Dead a su défendre sa cause, expliquant avoir été, depuis l'enfance, un fan du tisseur, un gamin à la marge qui s'est toujours identifié à Peter Parker. "Sam était unique", reprend Avi Arad dans ce long papier de Variety. "Sam ne venait pas pour de l'argent. Il avait besoin de le faire."
Et pas n'importe comment ! Pas question de prendre toute cette histoire de super-héros par-dessus la jambe. Il fallait rester premier degré : "J'ai tenu à m'assurer que nous n'allions pas faire un sketch pour le public. Pour moi, il n'y avait pas de blague", insiste Sam Raimi. "Je n'ai jamais voulu avoir une quelconque distance avec la source d'origine. Je voulais qu'on y croit pleinement et partager un vrai drame avec le public." Une vision de l'adaptation qui rejoignait celle de David Koepp : "Je n'ai jamais voulu écrire quelque chose qui soit un clin d'œil aux fans ou qui soit trop conscience de ce qu'il est. C'est un vrai drama de lycée, Spider-Man. Ces personnages ont des sentiments vraiment puissants, aussi réalistes que possible."
En gardant son héros chevillé au monde réel et en abordant l'histoire sans le moindre cynisme, les producteurs, le scénariste et le réalisateur ont ainsi monté un Spider-Man en connexion avec le public. Un vaste public, puisque le film a battu des records au box-office, devenant le premier à franchir la barre des 100 millions de dollars lors de son week-end d'ouverture. Il cumula 825 millions $ à l'arrivée dans le monde et plus de 6,4 millions d'entrées en France.
Et ironie du calendrier, alors que Spider-Man souffle 20 bougies aujourd'hui, Sam Raimi fera son retour demain chez Marvel, dans Doctor Strange 2.
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