Entre le high concept animé et la chronique réaliste, entre la musique ambient et le jazz afro-américain, le nouveau Pixar ne parvient pas à choisir. Restent un design et un casting (mais oui) affolants.
La « simplexité » est un des principaux commandements de Pixar, et peut-être la meilleure définition de son art : une idée complexe exécutée avec une évidence absolue. Mais depuis plusieurs années, ça n'a plus rien d'évident. Les animateurs Disney (que ce soit chez Pixar ou aux studios « historiques ») doivent se mettre au service de films pensés comme des univers et non plus comme des idées de cinéma guidées par l'action. Dans Soul, tout semblait réuni pour retrouver le souffle du grand, du « simplexe » Pixar. Et si l'âme d'un pianiste de jazz, tombé dans le coma, se retrouvait dans le « grand avant » ? Et si pour pouvoir repartir sur terre, elle devenait le mentor d'une âme revêche refusant, elle, de se laisser incarner ?
On retrouve dans ces prémisses le « world building » cher à Pixar : le « grand avant » est un monde peuplé d'âmes en forme de petits fantômes adorables, encadrées par des créatures divines à l'allure de fil de fer (qui s'appellent toutes Michel). Les âmes suivent une espèce de séminaire pour tracer les futures lignes de leur personnalité...
Cet univers laiteux, qui évoque autant le pop art abstrait que les cartoons seventies (La Linea), est servi par un casting vocal brillant (même en VF : les voix d'Omar Sy et Camille Cottin jonglent à la perfection), et fonctionne à plein régime. On retrouve le génie de Pete Docter dans ce séminaire, où les âmes ont le droit à des formations vidéo et doivent porter leur autocollant nominatif. Pourtant, à la différence de Monstres et Compagnie, où la vie de l'entreprise américaine nourrissait un propos sarcastique à la Chaplin, ici, le discours se veut plus oecuménique, moins critique. Mais de toute façon, on passe très vite à autre chose, car ce « grand avant » n'occupe que la moitié du film.
La deuxième partie de Soul bascule dans une aventure mouvementée qui se déroule dans notre réalité et qu'on ne vous spoilera pas. On dira juste que l'équilibre du buddy movie se perd un peu en chemin. Et surtout, que le monde réel est modélisé avec un désir de réalisme hallucinant. Trop ? En tout cas, ça ne sert jamais le propos du film. On ne voit plus la différence entre le fruit de l'érable qui tourbillonne lorsqu'il est animé par les génies d'Emeryville ou quand il est capté par une vraie caméra.
Le grand avant et le réel, opposés par leur esthétique et leurs musiques (d'un côté la partition ambient de Trent Reznor/Atticus Ross, de l'autre, le jazz) finissent presque par s'annuler. Vice Versa, Coco et En avant bâtissaient des mondes compliqués, allaient au bout de leur concept, et fonctionnaient malgré leur concept. Ils parvenaient surtout à atteindre l'émotion pure. A contrario, Soul manque sûrement un peu de « simplexité ».
Soul, disponible sur Disney+. Bande-annonce :
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