Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
PLAY ★★★☆☆
D’Anthony Marciano
L’essentiel
Une jolie comédie-concept avec Max Boublil dans son éternel rôle d’adulescent comico-dépressif mais davantage porté sur l’émotion.
Dans Les Gamins, Anthony Marciano tirait le portrait d’un quinquagénaire (Alain Chabat) et de son gendre potentiel (Max Boublil) déterminés à faire les 400 coups ensemble pour échapper à la routine du mariage pour le premier et à une voie tracée pour le second. Entre comédie régressive et bromance intergénérationnelle, Les Gamins traçait le sillon de la comédie américaine sans toutefois assumer toutes ses audaces : la régression restait plutôt dans les clous et l’opposition hommes-femmes obéissait à un certain schématisme – là où les personnages féminins bénéficient d’un traitement plus complexe chez Judd Apatow, par exemple. Sept ans plus tard (et l’erreur de parcours Robin des bois, la véritable histoire dans l’intervalle), Anthony Marciano et Max Boublil semblent avoir pris un peu de plomb dans la tête. Toujours coauteurs, les désormais jeunes quadragénaires (nés tous deux en 1979) interrogent toujours la masculinité, mais à l’aune d’un rééquilibrage des rapports hommes-femmes, caractéristique de l’ère #MeToo.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE A ADORÉ
LES FILLES DU DOCTEUR MARCH ★★★★☆
De Greta Gerwig
Au départ, il y a évidemment le roman de Louisa May Alcott, publié en 1868. L’histoire de quatre filles de la classe moyenne durant la guerre de Sécession où leur père, pasteur, est parti servir comme aumônier. Un succès public et critique immédiat qui a su traverser les époques. À la fois comme œuvre littéraire – Simone de Beauvoir a souvent expliqué combien elle s’était reconnue dans ce récit – et sur grand écran. Harley Knoles fut le premier à s’en emparer au temps du muet. Puis George Cukor en signa une nouvelle version en 1933 dont Mervyn LeRoy fit un remake plan par plan en 1949. Un demi-siècle plus tard, Gillian Armstrong s’en empare sans marquer les esprits, malgré la présence toujours incandescente de Winona Ryder. En 2019, Greta Gerwig a donc souhaité remettre au goût du jour l’œuvre de Louisa May Alcott.
Thierry Cheze
SÉJOUR DANS LES MONTS FUCHUN ★★★★☆
De Gu Xiaogang
Gu Xiaogang, réalisateur chinois de l’impressionnant Séjour dans les monts Fuchun, a 31 ans et est déjà au pied d’un Everest dont il a déjà largement dépassé le camp de base. Son film, empruntant son titre à une peinture ancestrale du XIVe siècle, est une chronique familiale contemporaine qui voit une fratrie se croiser et se décroiser sur quatre saisons. Il est présenté par son auteur comme le premier volet d’une trilogie. Péché d’orgueil de jeune cinéaste à l’ego envahissant ? À l’issue des 2 h 20 de ce film, on a envie de se projeter un peu plus loin. Avec ce long métrage, Xiaogang marche rien de moins que sur les traces d’Edward Yang, Hou Hsiao-Hsien ou Jia Zhangke.
Thomas Baurez
PREMIÈRE A AIMÉ
MANHATTAN LOCKDOWN ★★★☆☆
De Brian Kirk
Première réalisation cinéma de l’Irlandais Brian Kirk, bon soldat de la télé adulte des années 2000 (il a tourné des épisodes de Luther, Boardwalk Empire ou encore trois épisodes de la saison 1 de Game of Thrones), Manhattan Lockdown possède un concept bien excitant : les forces de la police new-yorkaise ferment l’île de Manhattan pendant une nuit afin de capturer deux tueurs qui viennent de massacrer les flics pendant un braquage. Andre, un policier impitoyable (joué par l’excellent Chadwick Boseman), est sur leurs traces...
Sylvestre Picard
L’ART DU MENSONGE ★★★☆☆
De Bill Condon
Roy, vieux roublard vétéran, monte des arnaques de haut niveau. Il cherche l’ultime gros coup qui lui permettra une retraite dorée sous les cocotiers. Sa prochaine cible : Betty, une veuve millionnaire et un peu trop confiante. Est-elle si dupe ? Qui arnaque qui ? Bon, admettons-le, L’Art du mensonge n’inspire pas une confiance folle : un film d’arnaque « troisième âge » (c’est un genre en soi : cela fait longtemps que Michael Caine paye ses impôts grâce à ça) avec un duo d’acteurs cabotins et des blagues sur le dating carte vermeil à l’ère d’internet autour du tea time. Mais ce n’est pas une comédie, c’est un gros thriller romanesque dont l’intrigue, particulièrement abracadabrante, est beaucoup, beaucoup plus ambitieuse que ses prémisses ne le laissaient deviner. On ne va rien vous spoiler, bien sûr, sauf que l’on peut prendre un certain plaisir à ces rebondissements, finalement plutôt rigolos malgré la noirceur intrinsèque du sujet. Ian McKellen rafle la timbale en jouant sur tous les tableaux. Il parvient à passer en l’espace d’une microseconde d’un personnage à un autre : l’arnaqueur gentleman devient un attendrissant papy gâteau, puis un terrifiant enfoiré garanti chimiquement pur. Tout cela en paraissant beaucoup s’amuser, mais sans jamais oublier la précision de son travail (c’est sa troisième fois devant la caméra du très aléatoire Bill Condon, après Gods and Monsters, inédit en France, en 1998 et Mr Holmes en 2015). C’est réellement très impressionnant.
Sylvestre Picard
LE MIRACLE DU SAINT INCONNU ★★★☆☆
De Alaa Eddine Aljem
D’abord, un homme qui court, seul au milieu du désert marocain. Il a la police aux trousses mais a le temps de planquer son butin sous une tombe bricolée à la va-vite en pensant le retrouver plus tard. Mais dix ans plus tard, quand il vient le récupérer, il découvre un lieu métamorphosé : la colline aride est devenue un lieu de culte car les habitants du village attenant et les pèlerins ont la certitude que le saint Inconnu est enterré à cet endroit ! Le ton est donné d’emblée : l’absurde va régner en maître dans les (més)aventures de ce petit voleur pour récupérer son argent. En dépit de quelques coups de mou, cette fable burlesque séduit par sa façon malicieuse d’aborder les questions de croyance et de foi à mille lieues des débats survoltés et stériles des chaînes d’info. Le tout avec un art maîtrisé du comique de situation.
Thierry Cheze
ECHO ★★★☆☆
De Rúnar Rúnarsson
Impossible de ne pas penser au cinéma de Roy Andersson (Chansons du deuxième étage) face au nouveau Rúnar Rúnarsson révélé en 2016 par Sparrows. On y retrouve la même idée centrale : raconter un pan de vie(s) à travers un enchaînement de vignettes (56 scènes, ici) sans autre lien les unes avec les autres que le lieu et la période (les fêtes de Noël) où elles se déroulent. Ici, un employé des pompes funèbres au téléphone avec son fils devant un cercueil où gît un enfant. Là, un vieux monsieur reçoit la visite d’une femme qu’il ne reconnaît plus. Plus tard, une ronde aquatique de bébés nageurs... D’abord circonspect devant le sens de ce collage, on se laisse emporter par la beauté de la photographie de Sophia Olsson et cette manière singulière de croquer la société islandaise en l’éparpillant tel un puzzle que chaque spectateur reconstruira à sa manière.
Thierry Cheze
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
CUNNINGHAM ★★☆☆☆
De Alla Kovgan
On le sait depuis le renversant Pina de Wenders, la 3D sied à la danse. Ce documentaire consacré au danseur et chorégraphe américain Merce Cunningham disparu en 2009 à l’âge de 90 ans) le confirme avec beauté tant la reconstitution par ce biais de pièces créées par cet immense artiste se révèle un régal pour les yeux. Ce n’est d’ailleurs pas la seule qualité de ce film qui a ainsi notamment le mérite de ne pas chercher à raconter sa vie de manière exhaustive, mais de se concentrer sur une période précise, de 1942 à 1972, entre la naissance de sa troupe et la retraite de ses interprètes historiques. Pour autant, le parti pris chronologique très plan-plan du récit ne rend pas grâce à l’inventivité permanente du chorégraphe. Et ce Cunningham ne choisit finalement pas son camp : pas assez pédagogique pour les profanes et trop scolaire pour les connaisseurs. Aux moments de danse près.
Thierry Cheze
FIRST LOVE, LE DERNIER YAKUZA ★★☆☆☆
De Takashi Miike
Cent troisième opus de Takashi Miike (si nos calculs sont bons), First Love, le dernier yakusa a l’immense avantage, par rapport à une grosse partie du corpus du stakhanoviste japonais, de sortir en salles en France. Ce qui fait qu’on est partagé entre l’envie de ne pas bouder notre plaisir et l’obligation de constater que ce « Premier Amour » n’est pas aussi fou qu’espéré. C’est l’histoire de la rencontre, dans la nuit tokyoïte, entre un boxeur en sursis et une call-girl parano, et de leur traque par un policier corrompu, un yakusa déchaîné et une tueuse dépêchée par les triades chinoises. Le film file à cent à l’heure, s’autorise des embardées romantiques, un détour par l’animation, et délivre incontestablement son quota de fun et d’adrénaline. Mais le chaos mis en scène ici paraît souvent forcé, mécanique, et l’excitation provoquée en nous, presque trop pavlovienne.
Frédéric Foubert
GHOST TROPIC ★★☆☆☆
De Bas Devos
Le film s’ouvre sur le plan fixe d’un intérieur simple : une télé, un canapé, une table, quelques bibelots... Jour, pénombre, nuit noire. Une voix off s’interroge sur la manière de ressentir et d’occuper cet espace familier. « Mais si soudainement un étranger devait entrer dans cette pièce, que verrait-il ? Qu’entendrait-il ? Est-ce qu’il sentirait quelque chose ? » Le Belge Bas Devos semble ici marcher sur les traces de la regrettée Chantal Akerman. Comme l’auteure de Jeanne Dielman..., il part du théorique pour aller vers l’humain. Ici, Khadija, employée de ménage, s’endort dans le dernier métro qui la ramène chez elle. Arrivée au terminus, elle se retrouve lâchée et coincée dans un lieu qu’elle ne connaît pas. Elle devient ce corps étranger dans un espace nocturne et dépeuplé. Son retour chez elle prend des allures de (trop) lente épopée.
Thomas Baurez
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