Nia DaCosta, la réalisatrice de The Marvels, est lucide : "C'est le film de Kevin Feige"

Elle raconte avec une étonnante franchise son parcours à Vanity Fair, du succès surprise de son film indépendant Little Woods à cette super-production du MCU.

Nia DaCosta n'avait que 30 ans et n'avais mis en scène qu'un seul film quand elle a été choisie par Kevin Feige pour réaliser The Marvels. Quatre ans plus tard, cette suite de Captain Marvel, gros succès de 2019 avec Brie Larson (le film d'Anna Boden et Ryan Fleck a fait 1 milliard de dollars de recettes), mais victime de critiques sexistes qui ont plombé son accueil, s'apprête à sortir au cinéma : réunissant aussi Teyonah Parris et Kamala Khan, le blockbuster sera visible à partir du 8 novembre, exactement.

En 2019, cette artiste afro-américaine a été révélée au public grâce à Little Woods, un thriller sombre tourné grâce au soutien du festival de Sundance, qui avait apprécié son scénario. Porté par Tessa Thompson et Lily James, le film a gagné 77 millions de dollars de recettes pour moins d'1 million de budget, ce qui a attiré l'attention du boss de Marvel, Kevin Feige. Il faut dire que ce score a permis à sa créatrice de débuter sa carrière par un record : celui du premier film réalisé par une femme noire à avoir été en tête du box-office américain. "C'est dingue, confie-t-elle à Vanity Fair. Je pensais que c'était Ava (DuVernay) ou Gina (Prince-Bythewood) ou Melina (Matsoukas) qui avaient accompli cela. J'étais sous le choc."

Engagée dans la foulée pour donner un coup de jeune à Candyman, le film horrifique des années 1990, qu'elle a relancé avec Yahya Abdul-Mateen II, elle a donc signé pour mettre en scène The Marvels, qui bat lui aussi un record avant même sa sortie : avec plus de 200 millions de dollars de budget, il s'agit de la plus grosse somme jamais dépensée par un studio de cinéma pour un film réalisé par une femme noire. Ava DuVernay détenait jusqu'ici ce record grâce à une autre production de Disney, Un raccourci dans le temps (qui a coûté 100 millions tout rond, sans compter sa promotion).

"Vont-ils détruire mon âme ?"
Nia DaCosta raconte avoir demandé conseil à des réalisateurs venus comme elle du cinéma indépendant avant de signer pour de grosses productions super-héroïques, comme Chloe Zhao (Les Eternels), Taika Waititi (les dernier Thor) ou James Gunn (Les Gardiens de la Galaxie). Citant aussi Jordan Peele (Get Out) comme un exemple à suivre, elle révèle avoir hésité avant de signer pour un si gros projet : "Je leur ai demandé : 'Est-ce qu'ils vont essayer de me tuer ? Vont-ils détruire mon âme ? Kevin Feige est-il une mauvaise personne ?' (rires) Tous m'ont répondu : 'Non, c'est juste un mec qui était un nerd.'"

Elle raconte ensuite, plus sérieusement, avoir accepté tout en considérant qu'il s'agirait d'un film de Kevin Feige auquel elle collabore, mais pas de sa propre réalisation à 100% : "C'est une production de Kevin Feige, c'est son film. Je crois qu'on vit dans cette réalité, mais j'ai tout de même essayé, tout en sachant que parfois j'allais devoir m'assoir sur la banquette arrière."

Elle détaille alors considérer avoir été embauchée pour apporter certaines idées, tout en ayant conscience qu'elle ne tournerait pas tout le film toute seule. Notamment parce que Disney est connu pour avoir des équipes chargées de mettre en scène les passages d'action ou ceux demandant beaucoup de retouches en numérique. Des séquences qui peuvent être filmées sans faire appel au réalisateur. Sans détailler le processus, elle commente : "Vous ne pouvez rien faire, à part être vous-même. Ils peuvent garder vos propositions, en enlever... voilà votre boulot."

Elle ajoute que le fait de considérer The Marvels comme une collaboration d'équipe plus que comme "son" film n'en fait pas moins un projet ambitieux, qu'elle prend au sérieux : "Les gens me disent : 'Oh, tu fais un film Marvel. Cool, cool, cool.' Mais vous savez, j'aurais mon nom dessus, je veux pouvoir en être fière."

Elle raconte d'ailleurs avoir eu des moments de stress lors de la fabrication de The Marvels. Elle envoyait alors des textos à Destin Daniel Cretton, le réalisateur de Shang-Chi et la légende des Dix anneaux, pour avoir des conseils. "Je lui disais : 'Je suis débordée, ça me stresse.' Parfois, vous êtes au milieu d'une scène et vous vous demandez : 'Mais qu'est-ce que tout ça veut dire, p*** ?" Ou vous observez un acteur en train de jouer une scène où il se passe un truc complètement dingue dans l'espace, mais en fait il est juste en train de fixer un écran bleu. Evidemment qu'il y avait des jours difficiles, des jours où on se dit : 'Non, ça ne marche pas.'" Et c'est là que Kevin Feige a su la rassurer grâce à son expérience de longue date au sein du Marvel Cinematic Universe.

Elle ajoute avoir pu s'entourer de personnes de confiance sur The Marvels, ce qu'elle n'attendait pas forcément d'une si grosse production : "J'ai réalisé que l'important, ce n'était pas le pouvoir que je pouvais avoir sur le plateau. Ni le nombre de bons films que je pourrais faire ou le nombre de prix que je serais capable de recevoir. Non, ce qui compte, ce sont les gens que je peux embaucher, qui viendront m'entourer. Ce qui m'a le plus surpris récemment, c'est à quel point j'ai reçu des marques de respect de la part d'hommes blancs d'âge moyen avec qui je travaille."

Toujours aussi franche sur sa perception des productions Marvel, elle avoue avoir envie de revenir à un cinéma plus indépendant. "C'est vraiment sympa de jouer dans ce monde-là, et de participer à le construire, mais ça m'a aussi donné evie de fabriquer mon propre univers", conclut-elle.