A la suite de la fameuse tribune du producteur Vincent Maraval parue en décembre dernier, les débats sur l'argent du cinéma français continuent. Dernier intervenant en date : Michel Hazanavicius, le réalisateur du succès international The Artist avec Jean Dujardin (et vainqueur de 5 Oscars et 6 César). Dans une tribune publiée par Le Monde du 3 mai sous le titre "Cinéma : jusqu'ici tout va bien" (les références à La Haine de Mathieu Kassovitz, éternel contempteur du cinoche made in France, abondent dans le texte), Hazanavicius avertit que la polémique lancée par Maraval ne doit "masquer la crise profonde que connaît le cinéma français."Trop de gros (et mauvais) films ?En effet, "notre système de financement connaît une "bulle" inflationniste particulièrement dangereuse en période de crise économique. Cette inflation est notamment due à un non-partage des recettes." Le réalisateur estime que tous les acteurs du système de financement des films préfèrent maximiser leurs profits "en amont de la sortie", notamment avec la pratique "de gonfler les devis pour récupérer le maximum d'argent pendant le financement, d'autre part de dépenser le minimum de cet argent pendant la fabrication – entraînant ainsi le sous-paiement des techniciens, la délocalisation, la fabrication au rabais, etc. –, et enfin de produire un maximum de films, quelle que soit la qualité des scénarios en cours... La qualité des films en fait souvent les frais." Ce qui rejoint dans une certaine mesure le ressenti des petits producteurs, dont certains estimaient à notre micro en janvier dernier qu'il était plus facile aujourd'hui en France de produire des navets coûteux que des petits films de qualité.Internet ne joue pas le jeuUn autre aspect évoqué par Hazanavicius concerne le rôle des chaînes de télévision, toujours dans la même politique du profit immédiat : "Les obligations des chaînes de télévision vis-à-vis de la création, sans doute obsolètes, ont été avec le temps détournées et ne répondent plus à l'objectif recherché. La prise de risque a laissé place au préfinancement assuré et encadré." L'inflation des budgets et le manque de prise de risque des télés ont conduit à la disparition des "films du milieu" (suivant l'expression lancée par Pascale Ferran), ces productions de taille moyenne plus risquées financièrement que plus personne ne semble pouvoir produire.Quelles solutions ?Mais Hazanavicius ne se contente pas de constater la crise, puisqu'il évoque des pistes de sauvetage : notamment en imposant une "régulation" européenne sans avoir peur du mot ("le mot "régulation" est devenu une forme d'obscénité depuis que Google, Apple et Amazon ont décidé ensemble de le rayer du dictionnaire international et qu'ils le prononcent avec un léger accent luxembourgeois", écrit-il). Notamment en imposant enfin aux fournisseurs d'accès Internet (FAI) le fait qu'ils doivent participer au financement des films à l'instar des chaînes de télévision. Et évidemment en réhabilitant le système de partages des recettes "Partager équitablement la recette, c'est le seul moyen de rétablir la confiance, et ainsi de refaire baisser le coût des films. Il faut évidemment que nous soyons, nous fabricants, intéressés au succès de nos films. Nous aurons d'autant plus intérêt à en faire de bons, et pour moins cher s'ils peuvent rapporter de l'argent."Donc, les solutions d'Hazanavicius : obliger les FAI à financer les films à l'instar des chaînes de télé, et réhabiliter le système de partage des recettes. Hazanavicius ne semble pas vraiment intéressé par relancer la polémique du "salaire des acteurs", et semble plutôt optimiste pour le futur. Rappelons qu'en janvier dernier, le producteur de The Artist Thomas Langmann dénonçait quant à lui le "comité de copinage" du système de l'avance sur recettes et estimait surtout que globalement, le système de financement du cinéma français fonctionne bien. Le débat continue, alors que le monde du cinéma s'apprête à se retrouver au Festival de Cannes...A lire aussi :Mathieu Kassovitz : "Le cinéma français n'est plus excitant"
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Michel Hazanavicius veut sauver le cinéma français
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