DR

Une carrière qui s’étire sur plus de cinquante ans. Des choix aussi ardents au théâtre qu’au cinéma, où les registres s’entrechoquent dans une corne d’abondance et de diversité. Bunuel, Robbe-Grillet, Orson Welles, Beckett et... James Bond. A l’occasion de la sortie du jeu vidéo 007 Legend, nous avons pu parler avec Michael Lonsdale qui a composé l’un des vilains les plus iconique de la saga, Hugo Drax, le mégalo de Moonraker. Rencontre avec un monument d'élégance au rire pointu et ironique.    

 

Qu’est-ce que vous êtes allé faire dans un film comme Moonraker ?

 Je ne sais pas (rires). Je m’étonnais. Je suis très anglais dans la conception de ce métier. En France, les gens sont contents de vous mettre dans des cases. Quand j’avais fait Le Chacal par exemple, pendant trois ans on ne m’a plus proposé que des rôles de commissaires. Après Le Nom de la rose, j’ai fait une douzaine de prêtres. Je voulais arrêter un peu, mais le Frère Luc est arrivé et je ne pouvais pas dire non. J’aime avoir la liberté de changer, de naviguer entre les rôles et les univers. Mon modèle c’est Laurence Olivier qui, un jour faisait du Shakespeare et le lendemain enchaînait avec une pièce de boulevard anodine parce que ça lui faisait plaisir. En France il y a cette distinction entre la rive gauche et la rive droite; les intellectuels et le boulevard. Moi, j’ai commencé en faisant du boulevard et je suis passé rive gauche, Ionesco, Beckett, Duras. Quand j’ai fait ce choix, les gens sont venus me voir en me disant : “Comment ? Mais tu vas pas t’emmerder à jouer ces trucs incompréhensibles”. Et bien si ! Précisément parce que c’est ce que j’aime ces pièces, les rejetés de Becket ou la folie de Ionesco.  

 

Et quand vous êtes revenus au boulevard vous l’avez payé...

Les gens de la rive gauche m’ont dit que ce n’était pas moral ! Tout de suite, les grands mots. Moi je suis comédien et le comédien doit être disponible pour toutes sortes de choses. Et plus c’est différent, mieux c’est; Je ne vais pas faire des religieux toute ma vie quand même ?

 

Ne me dites pas que vous mettez la même implication à jouer du Robbe-Grillet et Drax dans Moonraker ?

Ah ben non ! Robbe Grillet c’est l’intellectuel avec des choses très compliquées et qui ne s’adresse pas à tout le monde. Alors que James Bond... James Bond, c’est pour tout le monde. C’est pour les enfants et surtout les grands enfants que sont les Américains. Ils sont comme des gosses quand ils voient ça les Américains (rires).

 

Franchement, pour un comédien comme vous, quelle est la part de fantasme à jouer dans un Bond ?

Hu hu hu. Quand on est enfant on est Tarzan, on est Zorro. Et bien là, c’était pareil : on a des armes et quand on appuie sur le revolver, POUF, ça tue des gens. Ca donne un pouvoir colossal. C’était très amusant. Très très amusant.

 

Comment avez-vous imaginé Drax ? En le revoyant récemment, je me suis aperçu du côté cartoon de ce vilain. Les pyjamas ocres, votre barbe bien taillée... on dirait du Spirou presque.

Ah mais c’est exactement ça. C’est du comics. C’est Hitler version américaine. La destruction du monde pour mettre une nouvelle race. N’importe quoi !

 

Vous parliez de vos rôles de prêtres, la référence de Drax est pourtant à chercher du côté de Dieu avec l’arche de Noé...

(Rires) Je n’avais pas vu ça.

 

C’est dans le film carrément !

J’avais oublié, mais ça doit être vrai. Franchement, c’était excitant. C’est un fou Drax (il imite le pistolet laser) ZZZZZZZZZzzzzzzz. J’avais l’impression d’être en enfance. Je replongeais dans mes jeux de gamins

 

Vous avez amené des idées pour donner chair à ce personnage ?

Mais mon ami, je ne travaille pas comme ça. Je ne compose pas ! Je ne cherche pas à savoir qui était la grand-mère de Drax. Hu hu hu. Ou pourquoi il est devenu si méchant ! Ca ne m’intéresse pas l’actor’s studio. Le cinéma est un art de l’invention immédiate. C’est pour ça que je l’aime autant. Aujourd’hui, c’est bien, on peut improviser de plus en plus. C’est plus léger et on laisse plus de place à l’improvisation. Evidemment, c’est à double-tranchant parce que certains acteurs, on ne comprend pas ce qu’ils disent - et ce n’est pas la faute de l’ingénieur du son. Mais on est loin de James Bond.

 

Vous connaissiez la série ?

Bien sur ! C’est bien fichu d’ailleurs. C’est du grand spectacle avec les ingrédients qu’on aime bien : la force du mal combattue par un héros. Un grand idéal humain. Et les enfants ils ont envie qu’on leur raconte ces histoires. Moi quand je jouais Zorro c’était délicieux hu hu. C’est pour ça que ça parle aux Américains, qui sont de grands gamins. Je me souviens quand on a présenté le film à New York. C’était du délire : les gens hurlaient, sifflaient, applaudissaient, chantaient, criaient... N’importe quoi ! Incroyable.

 

Vous avez revu le film ?

De temps en temps. C’est un dessin animé bien fait. C’est américain !

 

Bon, et le jeu vidéo ? Quelle fut votre implication ? Vous voyez bien la tête que j’ai dans le jeu et celle que j’ai aujourd’hui face à vous. Pas exactement la même chose (rires). Je n'ai rien fait de spécifique hein ! Ils ont repris les constantes du personnage et c'est très réussi.

 

Et vous allez y jouer ?

 Ouh là, je laisse ça à la jeune génération plutôt !

 

 

 

Propos recueillis par Gaël Golhen