Après Hostile en 2018, le réalisateur français Mathieu Turi revient avec Méandre, un huis clos angoissant mettant en scène une jeune femme (Gaia Weiss) qui se réveille prisonnière d’un tube rempli de pièges mortels. Sa survie se jouera à sa capacité à avancer… Rencontre.
Le « retour » du cinéma de genre français qui a lieu depuis quelques années passe beaucoup par l'adoption des codes du cinéma indépendant traditionnel. Ce que Méandre refuse catégoriquement : le film revendique pleinement ce qu’il est. C'est un processus conscient de votre part ?
En effet, l’idée avec Méandre était d’assumer le côté rollercoaster et divertissement, même si j’y insère une symbolique et un message sur des sujets qui me tiennent à coeur. Ma priorité a toujours été, avec ce film, de faire vivre une expérience au spectateur, en le mettant à l’intérieur du tube, aux côtés de Lisa. On a presque un côté interactif, ou en tous cas immersif, que nous avons travaillé à l’image mais aussi au son, pour que l’expérience en salle soit la plus intense possible.
On pense beaucoup à Cube en voyant Méandre. À quel point le travail de Vincenzo Natali vous a-t-il influencé, et quel est l’héritage de son film dans le cinéma contemporain ?
C’est évidemment logique qu’avec ce postulat de départ de petit film de science-fiction en huis clos, dans un lieux rempli de pièges, on pense à Cube. Je suis un grand fan du travail de Vincenzo Natali, mais je n'ai pas revu Cube depuis des années. Je pense qu’un film comme La Plateforme se rapproche plus de son film, dans les thématiques sociale, la dynamique de groupe… Avec Méandre, on est plus dans un rapport à soi-même, et les pièges ne sont qu’une partie du film… Mais ce serait mentir que de dire que Cube ne m’a pas influencé, au moins de façon indirecte. Et en parler me donne envie de le revoir !
Quel a été le point de départ de Méandre ? Du pur scénario ou une idée visuelle ?
Je cherchais à faire un huis clos en mouvement, c’est-à-dire l’inverse de la plupart des films claustros. Souvent, l’idée, c’est que le personnage est coincé, sans pouvoir bouger ou presque. Avec Méandre, je voulais faire l’inverse : un personnage qui ne peut pas s’arrêter, et doit aller de l’avant, en permanence. Et je me souvenais de cette scène dans Aliens de James Cameron : Bishop qui doit ramper dans un tuyau pour aller réactiver l’antenne et faire revenir le vaisseau en mode « remote ». J’étais terrifié pendant le visionnage de cette scène, cette courte focale collée à sa tronche, sa respiration et le bruit de cette lampe qu’il pousse devant lui… Je pensais qu’un Alien allait lui sauter au visage ! Mais rien… Et ça m’a tellement marqué que j’ai voulu réutiliser ce concept sur un film entier. Ensuite, j’ai développer le thème du deuil et de la perte d’un enfant, pour que mon personnage affronte à la fois des épreuves physiques - les pièges -, mais aussi des épreuves psychologiques et mentales. C’est un mélange qui me permet de développer pas mal de chose au sein de ce tube.
Le principe du film est de faire avancer en permanence l’héroïne. Vu votre budget réduit, comment avez-vous géré les décors ?
Avec beaucoup de préparation. Je dessine tous mes plans - mais avec le talent d’un enfant de six ans ! -, donc même si ça ne ressemble pas à grand-chose, ça permet à tout le monde de voir où on va, et de travailler dans la bonne direction. Je voulais, malgré l’espace réduit, avoir un découpage cohérent, et une mise en scène du mouvement. Pour cela, nous avons du créer de toutes pièces de la machinerie complexe, permettant de « jouer » avec la caméra, de retirer certaines parties du tube. Il nous est même arrivé de créer un morceau de décor pour un seul plan ! Puis, nous avons fait un gros travail de recherche avec Alain Duplantier, le chef opérateur, et avec Thierry Jaulin, le chef décorateur, pour que tout soit cohérent et marche en symbiose. La texture du tube devait « accrocher » la lumière, et le bracelet est devenu la pièce centrale de la façon nous avons éclairé Méandre. Le plus gros travail d’un réalisateur, c’est de savoir bien s’entourer. Et à ce niveau-là, j’ai eu énormément de chance d’avoir de tels talents dans mon équipe.
Qu'est-ce que vos expériences d’assistant réalisateur sur des films américains comme Inglourious Basterds ou Sherlock Holmes : Jeu d’ombres vous ont appris de votre métier ?
Ce fut la meilleure école du monde, même si je ne travaillais que sur les parties tournées en France de ces énormes films. Mais je dirais que ce que j’ai le plus retenu, c’est surement le côté carré, efficace, tout en prenant un véritable plaisir à faire du cinéma. Car au final, même s’il y a beaucoup d’argent en jeu, on reste des enfants avec de très, très gros jouets !
Méandre, le 26 mai au cinéma.
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