Le réalisateur a adoré le film et regrette qu'il n'ait pas plus de spectateurs.
Grand réalisateur mais aussi grand amateur de cinéma, Martin Scorsese a récemment pris la défense de Guillermo del Toro, ou plutôt de son nouveau film Nightmare Alley, recommandant au grand public de prendre le temps d'aller voir la nouvelle adaptation du roman éponyme de 1946 signée del Toro et Kim Morgan.
Nightmare Alley : Guillermo del Toro signe une fable noire envoûtante [critique]Dans un éditorial publié par le Los Angeles Times, le réalisateur des Affranchis et du Loup de Wall Street a en effet vanté ce film "particulier" dont la "puissance" et "l'émotion" ont résonné en lui. Scorsese, qui s'est dit "impressionné et ému" par le long métrage, s'est ensuite étonné du peu d'entrées enregistrées pour le drame porté par Bradley Cooper et Cate Blanchett. Rien qu'en France, Nightmare Alley a rassemblé 142 309 spectateurs après trois semaines de distribution, contre 862 075 sur la même durée pour La Forme de l'eau, son précédent film (2019). Une injustice que Scorsese explique pour deux raisons : la terminologie utilisée pour parler du film et la pandémie.
"Je parierais que le terme "noir" est apparu dans la plupart des critiques et commentaires sur Nightmare Alley, et ce à juste titre. Les personnages sont tous hantés, beaucoup sont condamnés, et le film est basé sur un roman avec le genre d'intrigue labyrinthique sauvage qui est une caractéristique du film noir. De plus, le roman a déjà été adapté une fois, juste après sa publication en 1946, et la version antérieure réalisée par Edmund Goulding a longtemps été considérée comme un classique du genre. Mais le terme "noir" a été utilisé si souvent et de manière si effrontée qu'il ressemble plus à un parfum qu'à autre chose, et il pourrait bien conduire quelqu'un qui cherche des informations sur le film dans la mauvaise direction. Il pourrait s'attendre à un "pastiche" de film noir, comme il y en a eu beaucoup. Cela ne rend pas justice à l'adaptation de Guillermo et Kim Morgan", explique le réalisateur, avant d'ajouter que "le COVID-19 a également été extrêmement dur pour le cinéma en général."
Pour autant, Martin Scorsese affirme que Nightmare Alley mérite d'être vu, tant pour son adaptation par Guillermo del Toro que pour sa ressemblance avec la société actuelle. Pour lui, del Toro ne rend pas hommage au roman, et au contraire en fait une adaptation fidèle, comme "une sonnette d'alarme". "La majeure partie du film se déroule dans les années 30, et il semble être né de l'amertume et du désespoir de la dépression : on le ressent dans les images et dans le langage corporel des acteurs. Tous les personnages de ce film ressentent une douleur réelle, un sentiment de désolation spirituelle ancré dans la vie quotidienne. Ce n'est pas seulement une question de "style" ou de "visuel", aussi exquis que soit le film. Il s'agit de l'engagement total de Guillermo envers le matériau, de sa volonté de donner vie à sa vision avec son concepteur de production, son costumier, son directeur de la photographie et son incroyable casting, mené par Bradley Cooper et Cate Blanchett. Ils travaillent ensemble pour créer un univers sans issue à partir du passé américain, et ils le font de part en part, de part en part. En ce sens, le film est plus fidèle à l'esprit animateur du film noir que les nombreux "hommages" qui ont été faits au fil des ans et qui le sont encore aujourd'hui. Guillermo parle certainement de son époque et s'adresse à elle, mais il le fait dans l'idiome d'une époque révolue, et l'urgence et le désespoir d'alors se superposent à l'urgence et au désespoir d'aujourd'hui d'une manière assez troublante."
Martin Scorsese : "Le cinéma est dévalué au rang de contenu"Pour conclure, Scorsese invite ses lecteurs à se rendre en salles pour visionner Nightmare Alley sans attendre. "Si vous avez décidé de classer "Nightmare Alley" dans la catégorie "noir" ou autre, je vous invite à y regarder de plus près. Et si vous avez décidé de le laisser tomber, pour quelque raison que ce soit, reconsidérez-le. En fait, ce que j'essaie de dire, c'est qu'un cinéaste comme Guillermo, qui nous offre des films réalisés avec autant d'amour et de passion, n'a pas seulement besoin de notre soutien : il le mérite" termine-t-il, car comme il le disait un peu plus tôt : Nightmare Alley est pour lui "Troublant, mais en même temps exaltant. C'est ce que l'art peut faire."
Sorti en France le 19 janvier, Nightmare Alley est réalisé par Guillermo del Toro, qui signe le scénario avec Kim Morgan. D'une durée de 110 minutes, il est projeté exceptionnellement en noir et blanc du mercredi 26 janvier au mardi 8 févier au cinéma Max Linder de Paris. Peut-être pour voir si ce film noir est vraiment si noir que ça.
Guillermo del Toro du pire au meilleur
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