Lou Lampros dans Ma nuit d'Antoinette Boulat
Epicentre Films

La jeune comédienne porte sur ses épaules le premier long métrage d’Antoinette Boulat, déambulation nocturne envoûtante dans les rues de Paris. Portrait.

Hier

Le cinéma a ceci de passionnant que jamais il ne semble en mesure d’épuiser notre capacité d’émerveillement. Ma nuit, le premier long métrage d’Antoinette Boulat en apporte encore la preuve cette semaine en propulsant Lou Lampros sous les feux des projecteurs avec son premier grand rôle sur grand écran. Ecran qu’elle illumine à chaque plan (et elle en est de quasiment tous !) où elle apparaît au fil de cette déambulation nocturne envoûtante dans Paris. L’envie de jouer est née très tôt chez celle qui a pris ses premiers cours de théâtre à 11 ans avant que le hasard – celui qu’inconsciemment on force toujours un peu – rende les choses plus concrètes. « J’ai commencé à faire du mannequinat à 13 ans, grâce à une photographe italienne qui m’a repérée sur un pont de Paris. Dès lors, j’ai eu la chance que les shootings se succèdent. Jusqu’à ce qu’un jour une styliste qui allait être costumière sur un long métrage m’offre l’opportunité de passer son casting. » Ce rôle, elle le décroche. Et même si le film ne voit jamais le jour, son destin vient de nouveau de basculer. « Comme je n’avais aucune idée de la manière de préparer un rôle, j’avais appelé mon grand frère médecin qui avait un ami acteur. Et en plus de ses conseils, celui- ci m’a présenté celle qui allait devenir mon premier agent, la première qui a cru en moi : Elise Fécamp. » Dès lors, tout s’accélère. Elle décroche en 2019 son premier rôle sur grand écran dans Madre de Rodrigo Sorogoyen. Et vont suivre dans la foulée une série Mortel d’Edouard Salier , Venise n’existe pas, un court- métrage réalisé par Ana Girardot et trois autres longs métrages : Médecin de nuit d’Elie Wajeman, The French Dispatch de Wes Anderson où elle apparaît brièvement dans le rôle du personnage de Léa Seydoux ado et De son vivant d’Emmanuelle Bercot où elle campe une apprentie comédienne amoureuse de son prof de théâtre, magistralement incarné, avec un César à la clé, par Benoît Magimel

Aujourd’hui

Mais dans ce parcours, dans cette ascension, Ma nuit marque une étape décisive. Elle y est Marion, une jeune femme de 18 ans qui décide de fuir l’appartement familial - où sa mère et des amis commémorent le cinquième anniversaire de la disparition brutale de sa grande sœur - pour s’engouffrer dans une nuit parisienne riche en surprises et en émotions fortes. La première rencontre de Lou Lampros avec Antoinette Boulat date des castings successifs de The French dispatch et De son vivant dont cette dernière avait la charge. C’est là que naît chez elle l’envie de lui faire passer des essais pour ce rôle de Marion… car dans la vie, Lou est son opposée. « Lou dégage quelque chose de tellement lumineux qu’elle apportait ce contraste indispensable à ce personnage. Sans quoi il y aurait eu de quoi se pendre ! », explique la cinéaste. « Lou m’a tout de suite évoqué Monica Vitti dans les films d’Antonioni. Tu ne peux pas amener cette lumière qui émane spontanément d’elle à quelqu’un qui ne l’a pas. Ca ne s’enseigne pas. Lou a ce don- là et en plus c’est une vraie bosseuse. Quelqu’un qui a envie d’apprendre. Elle a été un soutien indéfectible dans toute cette aventure. Tout le temps concentrée, tout le temps à fond alors que précisément le temps nous manquait. » La lecture du scénario emballe immédiatement la comédienne. « L’écriture d’Antoinette est incroyablement précise. Je visualise donc immédiatement le film qu’elle veut faire mais sans m’imaginer une seconde en Marion. » D’ailleurs, après un premier essai, lorsqu’elle retrouve Antoinette Boulat pour un déjeuner, elle est à mille lieux de deviner qu’il se terminera par la proposition de l’incarner, la joie immense… mais aussi la pression intense qui va avec. « C’était la première fois que j’allais me retrouver à porter un film sur les épaules qui, plus est, dans un rôle aux antipodes de moi. » Pour trouver le chemin vers cette Marion, elle s’appuie évidemment sur des échanges permanents avec Antoinette Boulat et les films que cette dernière lui recommande de voir : « Cléo de 5 à 7, beaucoup de Monica Vitti, American honey mais aussi Panique à Needle Park par rapport au binôme que je forme à l’écran avec Tom Mercier (Synonymes) et cette idée de rencontre de ces deux personnages dans la rue. » Mais, comme point d’ancrage, Lou Lampros choisit de partir d’elle : « je me suis simplement demandé comment je me serais comportée à sa place. Et comme j’ai eu la chance de ne jamais avoir vécu de deuil comme elle, j’ai essayé de m’imaginer ce qui se serait passé si j’avais perdu ma sœur 5 ans avant le tournage. Quelles seraient mes relations avec les autres, avec Paris, avec les attentats. » Un travail payant qui s’efface à l’écran pour ne laisser paraître que grâce et éblouissement. Lou Lampros transcende ce rôle complexe qu’il faut habiter le plus souvent dans les silences, sans la béquille des dialogues, par un mélange parfait de cinégénie renversante et de finesse dans l’incarnation des émotions contradictoires qui ne cessent de la traverser, au fil d’une déambulation nocturne peuplé de moments de moments d’angoisse surgissant hors- champ avant que les menaces se rapprochent. Une démonstration de force… tranquille.


Après

Désormais représentée par Cécile Felsenberg (l’agent de Benoît Magimel et Emmanuelle Bercot), Lou Lampros poursuit son irrésistible marche en avant. Elle a ainsi tourné à l’automne dernier sous la direction d’Olivier Assayas pour sa série Irma Vep. Et en parallèle, elle prépare le concours de Conservatoire à l’Atelier Juliette Moltes tout en préparant sous la direction de cette dernière avec quinze de ses camarades un projet autour du suicide. Devant la caméra comme sur les planches, on n’a donc pas fini d’entendre parler de Lou Lampros. Quiconque a eu le bonheur de voir Ma nuit depuis mercredi sait à quel point cette phrase sonne comme une évidence.