Un beau et cruel conte japonais, esthétiquement très stimulant, que l'on n'avait jamais vu en France.
Un sacré morceau de cinéma ressuscite en salles françaises, et c'est d'autant plus important que le film n'était jamais sorti en France : Les Funérailles des roses, réalisé par Toshio Matsumoto en 1969, raconte l'histoire d'Eddie (formidable Shinnosuke Ikehata, de son nom d'artiste Peter, qui jouera le Fou dans Ran de Kurosawa), un jeune travesti travaillant dans un bar gay tokyoïte, qui va se retrouver dans une sale affaire de pouvoir et de vengeance. Narration fractale, noir et blanc surstylisé, découpage sexy, Les Funérailles des roses multiplie les styles (le thriller sanglant, la romance mélo, le brulôt politique) sans jamais verser dans une posture arty gonflante. Chaque scène surprend et surexcite, et le film parvient très bien à trouver sa voie entre captation d'un monde (le Tokyo interlope et underground de la fin des 60s, avec ses hippies croqués sans ambages) et le tissage de sa trame tragiquement esthétique.
Vous lirez un peu partout que Stanley Kubrick a pompé sans vergogne Les Funérailles des roses pour Orange mécanique : notamment cette séquence en accéléré au son de l'Ouverture de Guillaume Tell, qui sera reprise presqu'à l'identique deux ans plus tard dans le film de Kubrick. Mais dans l'ensemble, le film de Matsumoto, avec sa construction méthodique et son twist final particulièrement pervers le fait plutôt ressembler au papa nippon de toute la filmo de Park Chan-wook.
Aucune raison de louper Les Funérailles des roses, donc. Le film est projeté dans 5 salles en France à partir du 20 février : deux salles à Paris (Relfet Médicis et Mk2 Beaubourg), le Comoedia de Lyon, le Studio au Havre et le 11x20+14 de Mons-en-Montois.
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