Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
LA REINE DES NEIGES II ★★★★☆
De Jennifer Lee et Chris Buck
L’essentiel
Disney libère la magie et délivre une suite au cultissime La Reine des neigesà la hauteur des attentes.
Il y a 6 ans, le monde a vécu à un véritable raz-de-marée : une comédie musicale digne de Broadway célébrait le girl power en animation. Depuis, les chansons de La Reine des neiges ne sont jamais sorties de la tête du public. Une suite était donc logique et espérée. Ou redoutée, c’est selon. Dans La Reine des neiges 2, on retrouve donc Elsa et Anna, les deux sœurs du royaume d’Arendelle dans une nouvelle aventure qui les emmène à la recherche de l’origine des pouvoirs d’Elsa et met à l’épreuve une nouvelle fois leur entente.
Sophie Benamon
PREMIÈRE A ADORÉ
LES MISÉRABLES ★★★★☆
De Ladj Ly
« Jusqu’ici tout va bien. Mais l’important c’est pas la chute, c’est l’atterrissage. » En 1995, La Hainese concluait par ces mots terriblement prémonitoires, dix ans avant les émeutes de Clichy-sous-Bois et Montfermeil qui allaient embraser la banlieue parisienne. Ladj Ly, petit gars de Montfermeil qui y a documenté une bavure policière en 2008, a décidé à son tour de prendre les armes pour raconter « sa » banlieue.
Christophe Narbonne
IN FABRIC ★★★★☆
De Peter Strickland
Après le blouson serial killer du Daim, la robe rouge meurtrière d’In Fabric. À travers l’itinéraire de ce vêtement qui finit par tuer ceux qui le portent, instrument d’un complot nébuleux ourdi par les vendeurs maléfiques d’un grand magasin (imaginez les sorcières de Suspiria au Bon Marché), l’esthète anglais Peter Strickland remet sur le métier ses obsessions fétichistes : érotomanie, couleurs primaires, révérences au giallo, personnages égarés dans un labyrinthe de sensations morbides. Sans retrouver les sommets hypnotiques de son précédent film, le génial The Duke of Burgundy, il arpente néanmoins son petit territoire de cinéma avec une ardeur inentamée et, surtout, un humour sarcastique salvateur, qui empêche son maniérisme de tourner à vide. In Fabric est tellement chic et singulier qu’il ferait presque passer The Neon Demon pour du prêt-à-porter.
Frédéric Foubert
PREMIÈRE A AIMÉ
LES ÉBLOUIS★★★☆☆
De Sarah Suco
Traiter de la question religieuse et des dérives intégristes pour son premier long a tout du geste kamikaze. Car votre film a alors toutes les chances d’être rangé dans la catégorie société et de servir à nourrir l’infernale machine à débats des chaînes d’info plutôt que de susciter des échanges sur son contenu. Pourtant, Sarah Suco, la comédienne révélée chez Louis-Julien Petit (Discount) a bel et bien choisi de s’aventurer sur ce terrain qu’elle connaît parfaitement pour avoir vécu, enfant, avec sa famille, dans une de ces communautés religieuses catholiques (dites charismatiques) aux dérives sectaires tentaculaires. Les Éblouis est donc le récit d’un embrigadement vu par le regard de la fille aînée, âgée de 12 ans, d’un couple qui, en cherchant du réconfort dans une communauté basée sur le partage et la solidarité, va peu à peu perdre pied. Mais parce qu’elle connaît cette situation de l’intérieur et a désormais le recul nécessaire, Sarah Suco ne fait jamais assaut de raccourci facile. Elle montre le côté enveloppant de cette « nouvelle famille » pour mieux en pointer l’aveuglement tragique et pervers qu’elle crée. L’aspect formaliste assumé de sa réalisation renforce la puissance de son récit. Son choix parfait de casting (Éric Caravaca et Camille Cottin en parents sous emprise, Jean-Pierre Darroussin en gourou faussement patelin), aussi. Avec, pour couronner le tout, la révélation de Céleste Brunnquell, dont le visage et l’intensité rappellent ceux d’une Signoret jeune.
Thierry Cheze
TERMINAL SUD ★★★☆☆
De Rabah Ameur-Zaïmeche
Rabah Ameur-Zaïmeche a imposé son propre territoire. Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe ?, Dernier Maquis, Les Chants de Mandrin, Histoire de Judas... À chaque fois, on croit s’accrocher à une matière tangible (film historique, récit biblique, chronique sociale...), mais celle-ci se dérobe au profit d’une douce incertitude qui sait aussi se montrer brutale (violence du contemporain). Le style d’Ameur-Zaïmeche donne le vertige. Nous voici ici dans un pays non identifié, sous pression sécuritaire. Un médecin (Ramzy Bedia, d’une sobriété exemplaire) tente de faire son travail mais la tension à l’extérieur finit par le rattraper. Le désenchantement guette à mesure que l’étau se resserre. Terminal Sud interroge notre rapport à un monde (le nôtre) confisqué par des forces extérieures. À chacun dès lors de s’interroger sur ce qui vaut la peine d’être défendu. Passionnant.
Thomas Baurez
ANTHROPOCÈNE – L’ÉPOQUE HUMAINE ★★★☆☆
De Jennifer Baichwal, Nicholas de Pencier & Edward Burtynsky
L’image est terrible : une église est détruite par un bras mécanique surpuissant. Assiste-t-on à un acte terroriste dans une région reculée du Moyen-Orient ? Non, cela se passe en Allemagne, de nos jours, dans la plus parfaite transparence. Cette église était le dernier vestige d’un village rayé de la carte pour favoriser l’expansion d’une gigantesque mine à ciel ouvert. Ainsi va notre monde « civilisé » qui sème la graine de sa propre destruction en exploitant les ressources terrestres de façon exponentielle. Anthropocène – L’Époque humaine, avec ses sublimes et inquiétantes vues du ciel (mais pas seulement), est le descendant direct de Home de Yann Arthus-Bertrand qui alertait, il y a dix ans déjà, sur les dangers du non-respect de l’environnement. Le combat continue. Est-il perdu d’avance ?
Christophe Narbonne
VIVRE ET CHANTER ★★★☆☆
De Johnny Ma
Découvert lors du dernier Festival de Cannes où il était présenté à la Quinzaine des réalisateurs, ce film chinois a été un petit choc esthétique. Le cinéphile occidental habitué à arpenter le pays via les errances de Jia Zhangke ou plus récemment les plans-séquences hypnotiques de Bi Gan ou de Hu Bo, avait peut-être oublié qu’une certaine légèreté pouvait aussi surgir du cadre. Vivre et chanter, qui emprunte autant aux Chaussons rouges de Powell et Pressburger qu’au cinéma d’Ozu (références avouées de Johnny Ma), raconte la vie d’une petite troupe d’opéra traditionnel du Sichuan qui essaie de survivre et de réveiller une gloire passée. Le film dégage une belle vitalité et brouille avec intelligence les frontières entre le monde du spectacle et la vraie vie. Témoin, cette séquence ahurissante de combat entre deux protagonistes sur une scène d’opéra. Une excellente surprise !
Thomas Baurez
TEMPORADA ★★★☆☆
D’André Novais Oliveira
On parlera de petit miracle, de ceux qui permettent de tout sublimer, de restituer chaque émotion sans avoir l’air de nous l’asséner. Temporada, ce titre exprime à lui seul une certaine langueur, un espace-temps qui s’étire. On suit ici Juliana, qui intègre une équipe d’employés au service municipal de la propreté d’une métropole brésilienne. Le job l’oblige à faire du porte-à-porte, à se retrouver face à des habitants pas toujours sympas, à observer des morceaux d’intimité qui la renvoient souvent à sa propre solitude. Heureusement, Juliana peut compter sur ses nouveaux collègues qui vont bientôt former une joyeuse bande. La caméra d’André Novais Oliveira capte avec une simplicité désarmante les pulsations de ce road-movie pédestre, où l’espoir réussit à envahir tout le cadre. Un feel-good movie.
Thomas Baurez
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
KNIVES AND SKIN ★★☆☆☆
De Jennifer Reeder
Pour son premier long métrage découvert récemment au festival de Deauville, Jennifer Reeder, jusqu’alors connue pour ses courts incisifs au coeur du ciné indépendant américain, propose un teen moviedépressif qui analyse les conséquences de la disparition d’une lycéenne sur une petite communauté de l’Illinois. Clairement sous influence lynchienne (jusqu’à l’excès) et proche du cinéma de Gregg Araki, Knives and Skin déroule dans une ambiance électrique et une atmosphère oppressante une galerie de personnages pathétiques et surprenants. Un peu trop, parfois. Ce qui donne une trame souvent décousue. Mais le véritable intérêt du film se situe ailleurs : dans la manière dont Jennifer Reeder analyse le malaise de ces jeunes héroïnes et leur donne les clés de l’« empowerment ».
Sophie Benamon
LES ENFANTS D’ISADORA ★★☆☆☆
De Damien Manivel
Un ballet en trois temps. Voilà comment Damien Manivel (qui fut danseur contemporain avant de devenir cinéaste) a conçu cet hommage à la mythique danseuse Isadora Duncan, dont la vie fut brisée par la mort accidentelle de ses deux enfants. Une danseuse dans un studio avec, en voix off, des extraits de la bio de Duncan. Puis, une chorégraphe qui prépare un spectacle autour d’elle avec une danseuse atteinte du syndrome de Down. Et enfin une femme noire âgée rentrant chez elle bouleversée après la découverte de ce spectacle. Le geste est poétique et gracieux. Mais comme toujours chez Manivel (Un jeune poète), la cérébralité finit par prendre l’ascendant sur tout le reste et créer une distance avec le spectateur non familier de son travail. Tout le contraire, au final, de la liberté qu’avait su insuffler Duncan en faisant voler en éclats l’univers parfois corseté de la danse.
Thierry Cheze
NOUVELLE CORDÉE ★★☆☆☆
De Marie-Monique Robin
Marie-Monique Robin met en lumière une expérimentation mise en place à Mauléon dans les Deux-Sèvres pour enrayer le chômage de longue durée. « Personne n’est inemployable », se dit un député, qui initie une loi sur les « entreprises à but d’emploi » (EBE) dont le but est d’embaucher des chômeurs. L’équation est simple : un chômeur coûte 18 000 euros par an (RSA, Pôle emploi, couverture maladie, prestations sociales...). Cette nouvelle loi permet de transférer cet argent vers l’EBE. À charge pour l’entreprise de trouver encore 5 000 euros grâce à la facturation de services, afin de leur assurer un smic annuel. Marie-Monique Robin sait écouter et transmettre les récits de ces gens en grande précarité, brisés par la vie. On les voit renaître et se transformer tout en espérant que ce film permettra à l’initiative de s’étendre sur l’Hexagone.
Alexia Couteau
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