Outre Paterson en compétition, le cinéaste présentait son documentaire sur le groupe d'Iggy Pop en séance de minuit.
Pour un fan des Stooges, Gimme danger était probablement le film le plus gratifiant de tout le festival. Iggy Pop (69 ans !) en est l'invité principal, qui évoque la carrière chaotique et flamboyante du groupe séminal avec une intelligence aigüe et une diction inimitable. Son discours est appuyé par de nombreux autres témoignages, dont ceux des membres originaux du groupe, que Jarmusch a eu le temps d'enregistrer avant que la mort les emporte : le guitariste Ron Asheton (2009), son frère Scott (2014), et le saxophoniste Steve Mackay (2015).
Pour les fans qui connaissent toute la littérature attachée à Iggy et aux Stooges, ce film est un complément idéal, qui enrichit les informations en les illustrant d'images de toutes sortes : archives qui témoignent autant de l'énergie dégagée pendant les concerts que du contexte de l'époque (les émeutes de Detroit), extraits d'émissions de télé qui ont influencé le jeune Osterberg, clips de films en forme de contrepoints ironiques... Chaque seconde est un plaisir pour les sens et l'esprit. Deux jours avant sa présentation, le réalisateur nous confiait comment il avait conçu le film.
"Les Stooges ont persisté alors que le monde entier les rejetait"
"Je suis originaire d'Akron, Ohio, à la frontière du Michigan. Quand j'étais ado, avec mes amis, les groupes les plus importants pour nous étaient le MC5, les Stooges et le Velvet. J'ai eu la chance depuis 20 ans d'être ami avec Jim Osterberg, alias Iggy Pop. C'est l'une des personnes les plus remarquables que j'ai rencontrées. Mentalement et physiquement, c'est une sorte de mutant, je ne comprends pas. Il y a environ huit ans, il m'a dit, "Oh man, ils commencent à faire des films sur ma vie, mais j'aimerais que quelqu'un de vraiment motivé en fasse un sur les Stooges". Puis il m'a regardé en disant: "J'aimerais que ce soit toi, man". Je lui ai dit: "si tu me le demandes, je commence demain". Il a dit oui, et je l'ai fait. J'ai commencé à faire des recherches, je l'ai financé moi-même jusqu'à ce que je manque d'argent. Only lovers est arrivé, puis nous avons repris Danger jusqu'à une nouvelle interruption pour Paterson. C'est un collage d'éléments venus de sources multiples. J'ai essayé de faire en sorte qu'il soit fidèle aux Stooges : sauvage, brouillon, sophistiqué d'une façon très peu sophistiquée, drôle, émouvant, primal. Et il y a un lien avec Paterson, même si le style est totalement différent, dans l'idée de connaître ses forces et de les exprimer autant que possible. Paterson conduit un bus et écrit des poèmes pendant sa pause déjeuner, mais il a quelque chose à donner. Laura (sa femme) a des idées créatives qu'elle utilise dans le cadre de sa maison. Et les Stooges, contre vents et marées, ont persisté alors que le monde entier les rejetait. Et le film dit: "voyez où ils sont pour nous maintenant". Ce n'est pas un documentaire, plutôt un essai ou une lettre d'amour aux Stooges. Je ne m'en lasserai jamais."
Gérard Delorme
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