Après sa sortie sur deux jours en décembre, le prequel japonais de Godzilla est de retour en salles du 17 au 31 janvier.
Magie des enchaînements : découvrir Godzilla Minus One juste après avoir vu la bande-annonce de Godzilla x Kong : The New Empire. Il y a un gouffre entre les deux. Plus qu’un gouffre, en fait. On dirait que les deux films ont carrément été réalisés sur deux planètes différentes. Sur la planète A, la suite de la franchise boursouflée et fluo où ce qui restait de la personnalité d’Adam Wingard s’est définitivement dissout. Sur la planète B, et bien… l’inverse absolu ?
Reprenons, un peu plus clairement : dans ce tout nouveau Godzilla, nous sommes au Japon, en 1947 (sept ans avant la sortie du tout premier film de la saga). Le pays est en ruines, et les survivants tentent de rebâtir sur les ruines. Une famille recomposée (un kamikaze raté, une voleuse et un bébé orphelin) vit dans un bidonville -inattendu décor fantôme surgi de Chien enragé de Kurosawa- tandis qu’une bête monstrueuse, réveillée par les essais nucléaires américains du Pacifique, s’approche du Japon pour tout détruire. Dans Minus One, Godzilla est tout autant l’incarnation des conséquences de la bombe que celle de la culpabilité des survivants de la guerre : son héros, Shikishima, est traumatisé la fois par sa lâcheté (il a refusé d’accomplir sa mission de pilote-suicide) et sa première rencontre avec le monstre à la fin de la guerre.
L’horizon de Minus One n’est pas celui d’un bête reboot : nulle relecture de la franchise à l’esthétique des années 2020 : le réalisateur Takashi Yamazaki, déjà chargé des effets visuels du magnifique Shin Godzilla (qui vient enfin de sortir en Blu-ray en France, sept ans après sa sortie japonaise), donne à son film une épatante patine rétro, où l’on trouve des éclats spielbergiens (ceux d’Always et des Dents de la mer, réunis dans le même film), des personnages tout droits sortis du ciné de SF des années 50 (le savant à binocles qui présente son plan farfelu pour vaincre le monstre sur des diapos)… GMO s’apprécie avant toute chose comme un grand film d’aventures lumineux et prolo, qui célèbre joliment la force du collectif face aux inerties gouvernementales.
Cette façon d’exorciser le souvenir de la guerre peut être critiquée (c’est bien une plaque allemande qu’on voit dans le cockpit d’un avion prototype, qui joue un grand rôle à la fin ?), mais le bougre en profite aussi pour nous cueillir par d’étonnants tunnels mélo, où les larmes ne sont jamais loin : témoin cette formidable histoire d’amour balbutiante entre le héros et Noriko, sa compagne d’infortune, à jamais réunis par le poids d’un deuil qui ne s’effacera jamais.
Le blockbuster américain est dans un coma dépassé, et la dernière réussite incontestable en date était Nope de Jordan Peele, tout autant un film à énigmes tordu et obsédant, qu’une chasse au monstre spectaculaire en IMAX. Godzilla Minus One -qui ne sortira que deux jours seulement en France, dans les salles IMAX notamment- est son cousin japonais : aussi clair et précis que Nope était tordu, mais tout aussi obsédant, et tout aussi spectaculaire. Quelle chance on a d’être sur la planète B.
Godzilla Minus One, au cinéma du 17 au 31 janvier 2024
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