Des Rois du désert en passant par Une nuit en enfer et Tomorrowland.
George Clooney vient d’entrer dans la soixantaine, et on ne peut pas dire que ça le réjouit plus que ça. "C’est toujours mieux que d’être mort", déclarait il y a quelques jours la star hollywoodienne. Pour lui remonter le moral (ou pas), la rédaction de Première a décidé de sélectionner les 10 plus grands rôles de sa carrière d’acteur. Un top à déguster avec un bon expresso.
Douglas Ross dans Urgences (de 1994 à 2000)
Fils de Nick Clooney, journaliste et présentateur télé, George se lance dans une carrière d'acteur au milieu des années 1980, contre l'avis de son père. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il va galérer, tournant pas moins de 15 pilotes de séries jamais diffusés, et cachetonnant dans Rick Hunter ou Arabesque. Il faudra qu'il passe la trentaine pour enfin décrocher un rôle valable : en 1994, il enfile une blouse blanche qui va changer sa vie. Le docteur Doug Ross sera l'un des personnages principaux d'Urgences pendant 6 saisons. Le couple qu'il forme à l'écran avec Julianna Margulies conquiert le cœur du public, au point de rapidement taper dans l'œil des studios hollywoodiens. L'appel du grand écran lui fera quitter le drama médical culte en 2000.
Seth Gecko dans Une nuit en enfer (Robert Rodriguez, 1996)
Pour se débarrasser de la blouse blanche du docteur Ross, quoi de mieux qu'un bon bain de sang ? Une nuit en enfer était aussi l'association Rodriguez (sorti du carton de Desperado avec Banderas) et de Tarantino (qui signe le script et joue dedans). George incarne Seth Gecko, charmant desperado en veste noir armé d'un gros calibre qui aligne les fuck et les shots de tequila en fantasmant sur la lap dance d'une vampire nommée Satanico Pandemonium. On n'est plus à Chicago, Toto. Cette série B rigolote et juvénile, bourrée de références et de caméos, produite par les Weinstein en pleine Tarantino-mania, connaîtra un succès suffisant (surtout en VHS) pour que Clooney puisse prétendre à une carrière hors Urgences. La preuve, Clooney fera suivre ce carton par l'über nanar Batman & Robin, qui mit un terme à la franchise du Dark Knight jusqu'à l'arrivée de Nolan... mais pas à la carrière de George. Fun fact : bien plus tard, Robert Rodriguez tournera les fameuses pubs Nespresso où John Malkovich, incarnant Dieu, passe ton temps à voler les capsules de café de George. What else ?
Jack Foley dans Hors d’atteinte (Steven Soderbergh, 1998)
Le film de la rencontre, décisive, avec Steven Soderbergh, qui va aider Clooney à fixer sa persona de cinéma, quelque part entre le gendre idéal et le bad boy intello. L’intrigue aérienne, la photo enjôleuse, le flow des dialogues d’Elmore Leonard, le groove de la BO electro-lounge de David Holmes, et une scène anthologique avec Jennifer Lopez dans un coffre de voiture pour faire grimper la température… Une tarantinade sexy qui résiste superbement au temps et a fini par devenir un petit classique. "Il y a très peu de gens qui ont su faire sonner mes dialogues à l’écran comme ils sonnent dans mes romans", disait Elmore Leonard. "Il y a Timothy Olyphant dans Justified, Richard Boone dans L’homme de l’Arizona et Hombre, le casting de Jackie Brown, et George Clooney dans Hors d’atteinte." Respect.
Major Archie Gates dans Les rois du désert (David O. Russell, 1999)
Alors que l’on se demande toujours si le talent de David O. Russell n’avait pas été un poil surestimé, on ne peut que s’incliner devant cette relecture assumée de De l’or pour les braves (Brian G. Hutton, 1970), où Clooney reprenait - plus ou moins - les traits de Telly « Kojak » Savalas, à moins que ce ne soit ceux d’Eastwood (David O Russell le voulait d’ailleurs à sa place dans la peau du Major Gates !). Qu’importe, en chercheur d’or sur les cendres encore brûlantes de la Guerre du Golfe, George s’amuse aux côtés d’Ice Cube et Marky Mark (il y a même Saïd Taghmaoui !). Si une décennie auparavant, Stallone ou Schwarzy auraient fait le job avec une ironie relative, le clown Clooney assume le caractère pathétique et désuet de l’action-man dans un monde qui s’apprêtait alors à entrer dans un nouveau millénaire. Mais le vrai truc de ces Rois du désert, c’est la haine que se vouaient O. Russell et Clooney au point d’en venir aux mains sur le tournage. Mais ceci est une autre histoire...
Danny Ocean dans Ocean's Eleven (Steven Soderbergh, 2001)
Avec 450 millions de dollars de recettes mondiales, Ocean's Eleven a longtemps été le plus gros succès de George Clooney au box-office (avant le phénomène Gravity, sorti en 2013). Cerveau charismatique d'une équipe de braqueurs, Danny Ocean s'imprime dans l'esprit des spectateurs comme un héros classe, malin, charmeur, mais jamais dupe, plus cool que son modèle Frank Sinatra, qui était le leader du film original, L'Inconnu de Las Vegas, dans les années 1960. Un arnaqueur au grand cœur, qui n'hésite pas, au fil des épisodes, à laisser de plus en plus de place à ses collègues. C'est d'ailleurs sur cette trilogie à succès que le grand public découvre George le bon pote, qui fait des blagues en coulisses et devant à presse à ses collègues Julia Roberts, Matt Damon ou Brad Pitt, tout en se montrant très fidèle dans le travail : il les embauchera ainsi sur son premier film en tant que réalisateur, Confessions d'un homme dangereux, en 2002, et les recroisera régulièrement par la suite (Matt dans Syriana ou Monuments Men, Brad dans Burn After Reading, Julia dans Money Monster...). Un braquage plus que réussi pour George et sa bande de copains !
Ulysses Everett McGill dans O’Brother (Joel Coen et Ethan Coen, 2000)
« I don't want Fop goddammit, I'm a Dapper Dan man ! » Entre Les Rois du désert et En Pleine Tempête, George fait le plein de gomina chez les frères Coen. Petite moustache, sourire charmeur et authentique tête d’ahuri qu’il ne reproduira jamais plus aussi bien : Clooney se marre comme un môme et atteint un niveau de timing comique proprement stupéfiant, qui lui a d’ailleurs valu un Golden Globe. « Mais au début je jouais le truc comme un idiot », racontait-il dernièrement. « Joel arrive et me dit juste : ‘Tu sais George, Everett est certain d’être un type très malin’. Oh, OK. Je n’avais pas du tout le bon angle. Et à partir de ce moment-là, j’avais pigé. Tout est devenu facile. » Un demeuré persuadé d’être un gros malin, pas plus compliqué que ça.
Michael Clayton dans Michael Clayton (Tony Gilroy, 2007)
Nuit, pluie, costard, regard sombre mais pas de tétons saillants. Clayton n’est pas Batman bien qu’il avance lui-aussi masqué. Avocat de façade, nettoyeur de l’ombre, le beau Michael C. fait place nette quand les gros clients déraillent, jusqu’au jour où celui qui a été passé au kärcher est son ami. « Masqué » donc mais aussi « égaré » dans les méandres d’une intrigue où tout n’est que faux semblants et chausse-trappes. Clooney jamais ne renonce et avance avec l’autorité de ceux qui acceptent les angles morts. Ici Clayton-Clooney fait régulièrement face à son boss joué par le cinéaste Sydney Pollack qui s’y connait mieux que personne en matière d’espionnage. Clooney qui avait reçu un Oscar en 2006 pour Syriana avait la planche un poil savonnée un an plus tard pour remporter à nouveaux les beaux lauriers hollywoodiens. Nuit, pluie, regard sombre et déjà une belle gueule poivre et sel.
Mr Fox dans Fantastic Mr Fox (Wes Anderson, 2009)
George Clooney n'a fait que deux doublages en presque 40 ans de carrière. Un caméo improbable dans la peau du Dr. Horatio Gauche dans film déjanté South Park en 1999. Et dix ans plus tard, c'est un rôle plus sérieux qu'il a accepté pour Wes Anderson. A la tête d'un casting de dingue, il joue de son charme et de son flegme pour donner vie au renard du formidable long métrage d'animation, adapté du livre de Roald Dahl et nommé aux Oscars. L'incarnation est d'autant plus saisissante que les dialogues n'ont pas été enregistrés en studios, mais dans des décors réels !
Jack/Edward dans The American (Anton Corbijn, 2010)
Salué du bout des lèvres par la critique et bien trop rapidement classé comme un Clooney movie mineur, The American mettait la star dans la peau d’un tueur à gages cramé, planqué dans un village des Abruzzes et poursuivi par des confrères qui veulent lui faire la peau. Un film mortuaire et volontairement nonchalant, dont George se saisit pour aller à l’essentiel : du Clooney à l’os, grave et sérieux, dépouillé de tout effet de manche. La marche funèbre semi-passive d’un homme qui résiste encore un peu à son destin, un loup solitaire qui se rêve humain. Très beau rôle crépusculaire.
Frank Walker dans A la poursuite de demain (Brad Bird, 2015)
Film imparfait mais fascinant, où Brad Bird -pour son deuxième film en live action- aligne les étourdissantes promesses de SF libertaires et se heurte violemment à la froide mécanique Disney. Résultat, un bon gros flop en salles, mais surtout le souvenir d'une opportunité ratée. De cet échec, on retient quelques très belles choses : la partition incroyable de Michael Giacchino, et la beauté stupéfiante de Clooney, plus Gary Cooper que jamais, qui joue un unsung hero américain, au génie caché et au front soucieux, portant éternellement un généreux et héroïque rêve d'ailleurs. Le rôle a été écrit pour lui et personne d'autre. George en rigolait lors de la première du film à Londres : « Je voulais tellement travailler avec Brad Bird... et j'ai lu le script qui décrivait mon personnage comme un has been aigri et colérique de 55 ans ». C'était il y a cinq ans. Et maintenant ?
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