Festival jour 5
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Tous les matins, entre le film, l'interview et la star du jour, le point à chaud en direct du 74e festival de Cannes.

Le film du jour : Où est Anne Frank ! de Ari Folman (Hors compétition)

Ari Folman revient à Cannes. 8 ans après sa dernière apparition sur la croisette, il présentait hier un nouveau film animé qui combine toutes ses obsessions : expérimentales (un dessin animé follement méta), politiques (le sort des migrants mêlé à celui d’Anne Frank) et poétiques (le rêve, le souvenir et le fantasme comme chemin vers la vérité). Aussi sophistiqué que Le Congrès et cherchant la puissance émotionnelle de Valse avec Bachir, ce nouveau long commence à Amsterdam, aujourd’hui. Un orage gronde et dans le musée d’Anne Frank la cage de verre qui protège le journal original se brise en mille morceaux. L’encre s’échappe du livre et prend la forme d’une jeune fille, Kitty, l’amie imaginaire d’Anne à qui elle s'adressait dans son journal. Si au début, Kitty reste cachée dans le musée, elle finit par sortir et par interroger l’héritage du livre de son amie. « Où est Anne Frank ? », demande-t-elle. La réponse ? Partout : on trouve un pont Anne Frank, un hôpital Anne Frank, une école Anne Frank, un théâtre Anne Frank... Mais à force de devenir un nom dévitalisé, une marque, son message s’efface. Et en partant sur les traces de son amie, en passant du monde contemporain aux épisodes bien connus de la vie d'Anne Frank, Kitty va découvrir que les migrants d'aujourd'hui sont les nouvelles victimes de la barbarie et de l'injustice.

On a entendu à la sortie que ce film était un peu enfantin. Sans doute parce qu'il s'agit à la base d'une commande du fond Anne Frank pour toucher la nouvelle génération. Pourtant, loin d'un "Auschwitz pour débutant", ce film sur la puissance de l’écriture et la douloureuse réification du souvenir carbure à la dérive mentale et à la rêverie dark. On pense souvent à Satoshi Kon pour ce voyage dans l'espace temps. A Miyazaki aussi pour le portrait de cette ado exaltée. Tout n'est pas parfait (la partie sur les migrants est parfois un peu didactique) mais sa morale est très claire et passionnante. En fétichisant Anne, le monde moderne a perdu de vue son véritable enseignement : la compassion et l'ouverture aux autres. 

La star du jour : Sean Penn (réalisateur et acteur de Flag Day, en compétition)

Sa cote critique a été pulvérisée en une seule projection cannoise. En 2016, Sean Penn se prenait les pieds dans le tapis rouge avec The Last Face, love story sexy sur fond de guerre civile au Liberia, accueilli comme un nanar par les critiques du monde entier – hilarité générale dans le Grand Théâtre Lumière, déferlement de reviews et de tweets assassins, note lamentable de 0,2 sur 4 dans le magazine Screen Daily (qui compile les avis de la presse internationale)… On connaît certains festivaliers qui ricanent encore à l’évocation de The Last Facepalm (son petit surnom). En deux heures, les précédents longs métrages de l’acteur-réalisateur (The Indian Runner, Crossing Guard, The Pledge, Into the Wild, soit une filmo de très bonne tenue) étaient oubliés, rayés des mémoires. Et Sean Penn était condamné à tout reprendre de zéro… Flag Day, son nouveau film (le portrait d’un faussaire où il donne la réplique à sa fille Dylan Penn) arrive donc cette année en compétition avec une drôle de mission. De la même manière que The Last Face avait effacé le souvenir des quatre films qui l’avaient précédé, celui-ci a pour tâche d’envoyer The Last Face aux oubliettes. Personne ne demande à Flag Day d’être un grand film (ça tombe bien, d’ailleurs, ce n’en est pas un). Un Sean Penn « pas mal » ? Ce sera pour l’instant amplement suffisant.

L'interview du jour : Pio Marmaï et Marina Foïs pour La Fracture (en Sélection officielle) 


 

Révélation du jour: Halima Benhamed dans Bonne mère d’Hafsia Herzi (Un Certain Regard)

Bonne mère

Ce jour-là, elle était simplement venue accompagner sa fille Sabrina au casting de Bonne mère, le deuxième long métrage d’Hafsia Herzi qui commence alors à désespérer de trouver l’actrice qui en incarnera le rôle- titre: une femme de ménage qui veille telle une louve sur sa famille nombreuse dans les quartiers nord de Marseille. Son coup de foudre pour Halima Benhamed - qui cherchait pourtant à se faire la plus discrète possible - est immédiat. Elle réécrit même le rôle pour elle, en le rajeunissant et engage aussi sa fille comme partenaire dans une distribution qu’elle n’a voulu composée que de non-professionnels. Et si Hafsia Herzi fait mieux que confirmer tous les espoirs placés en elle avec Tu mérites un amour, elle le doit aussi à cette débutante incroyablement cinégénique et impériale de bout en bout en résistante qui plie mais ne rompt pas. Voilà 6 ans, dans Fatima, Philippe Faucon avait révélé là encore dans le rôle- titre Sonia Zeroual qui, elle non plus n’avait jamais mis les pieds sur un plateau, avant de finir nommée aux César. Et si Halima Benhamed suivait le même destin ?

Phrase du jour : Pio Marmaï à la conférence de presse de La Fracture

"En l'occurence, Macron, j'aimerais bien aller chez lui en passant par les chiottes et par les tuyaux et lui péter la gueule, ça évidemment un peu comme tout le monde dans l'absolu” 

Le délire du jour : Oranges Sanguines de Jean-Christophe Meurisse (séance de minuit)

C'est l'ovni du festival, le film encensé ou détesté qu'il fait bon aller voir pour s'encanailler entre deux projos plus « convenables ». Oranges Sanguines, présenté en séance de minuit, est le deuxième long de Jean-Christophe Meurisse après Apnée (2016). Une triple histoire (un couple de retraités surendettés qui tente de remporter un concours de rock ; une ado qui veut avoir sa première expérience sexuelle ; un ministre empêtré dans une affaire de fraude fiscale) qui oscille entre comédie à mourir de rire (quels dialogues), film de torture (!) et film social. Un objet vraiment punk, vraiment réjouissant, vraiment bordélique, mais qui n'oublie jamais de traiter son sujet - la lutte des classes - en bruit de fond, même quand il se permet de changer de genre comme on change de slip. A ne pas mettre entre toutes les mains, mais si vous avez envie de voir du cinéma libre et qui ose aller très loin sans pour autant vouloir choquer le bourgeois, Oranges Sanguines est un excellent point de chute.

Les Oranges Sanguines : teaser décapant pour le film sélectionné à Cannes

Le son du jour : "Voyages Voyages" de Desireless dans Compartiment numéro 6

Compartiment numéro 6 commence comme un Pavel Lounguine des années 90. On plonge dans une soirée moscovite avant d’embarquer dans un train pour Mourmansk en compagnie d’une jeune finlandaise. Comme la Julie de Joachim Trier, elle se cherche et pense se trouver ailleurs. Mais ce qu’elle découvre dans son compartiment c’est un russe aviné, agressif et bas du front… Ils vont partager ce lieu clos pendant des jours sans rien dire. Le paysage défile, la trouille augmente et le silence s’installe. Pas totalement. Depuis le début, les nappes synthétiques et les boites à rythmes de Voyage Voyage reviennent régulièrement. L’héroïne plaque son casque de walkman sur les oreilles pour fuir son inquiétant compagnon. Le russe boit, éructe, menace et Desireless chante. La beauté du monde, l’envie d’ailleurs et l’idée que c’est dans l’errance qu’on trouve finalement ce qu’on cherche...

Voyage, voyage

Plus loin que la nuit et le jour (voyage, voyage)

Voyage, voyage

Dans l'espace inouï de l'amour

Voyage, voyage

Sur l'eau sacrée d'un fleuve indien, (voyage, voyage)

Voyage, voyage

Et jamais ne revient...

  

Le coup de chaud : Léa Seydoux positive

Variety a fait tomber l’info dans l’après-midi, confirmant la rumeur qui courait depuis vendredi : Léa Seydoux est positive au Covid. Elle ne pourrait pas se rendre au Festival de Cannes - déjà devenu dans l'imaginaire médiatique un cluster en puissance, symbole de l’abandon des gestes barrière et des masques par une caste de privilégiés. A tel point que les boss de Cannes, Thierry Frémaux et Pierre Lescure, ont dû faire un démenti officiel après un tonitruant rappel des règles de base à l’adresse des festivaliers. Léa positive, une bonne dose de mauvaise pub (même si l’actrice aurait chopé le virus sur un tournage hors Cannes) pour la Croisette où elle ne pourra pas arpenter le tapis rouge pour ses films en compète ou ailleurs (The French Dispatch de Wes Anderson, L'Histoire de ma femme de Ildikó Enyedi, Tromperie d'Arnaud Desplechin, France de Bruno Dumont). Un petit détail amusant : Variety relativise l’incident en le qualifiant de “plot twist digne de la série Dix pour cent” -appelée Call My Agent ! dans la langue de Spike Lee. Un signe que la série portée par Camille Cottin (présente à Cannes pour Stillwater avec Matt Damon) est devenue une référence chez nous comme ailleurs.

Positive au Covid, Léa Seydoux devra-t-elle annuler sa venue à Cannes ?

L'image du jour : Ramzy Bedia et JoeyStarr sur les marches pour Cette musique ne joue pour personne

JoeyStarr et Ramzy Bedia

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