GALERIE
L'Atelier Distribution

Le cinéaste écossais propose un regard original et dopé à l'absurde sur le quotidien d'un demandeur d'asile syrien coincé dans une petite île de pêcheurs écossais en attendant de connaître son sort.

Limbo est votre deuxième long métrage, cinq ans après Pikadero (resté inédit en France). Mais à quand en remonte l’idée ?

Ben Sharrock : Avant que je me lance dans le cinéma, j’ai fait des études d’arabe et de sciences politiques à l’université d’Edimbourg et dans la foulée, j’ai passé en 2009 un an en Syrie quelques mois avant que la guerre éclate. Donc ce sujet m’intéresse depuis longtemps. Puis j’ai fait une école de cinéma et j’y ai développé un projet de court métrage que je voulais tourner dans un camp de réfugiés situé dans le sud algérien. Pour m’y préparer, j’ai vécu dans un de ces camps en y travaillant pour une ONG. Mon projet de court métrage n’a finalement jamais vu le jour mais l’intérêt pour ce sujet et l’impact qu’a le statut de réfugié sur l’identité d’une personne ne m’ont jamais quitté. D’autant plus qu’au fil des années, cette question des réfugiés a de plus en plus occupé l’espace médiatique. Donc je savais qu’un jour j’en ferais un film. Restait juste à en trouver la trame

Comment avez- vous construit celle de Limbo ?

D’abord en décidant que le porte d’entrée du récit serait un réfugié et non un regard occidental sur le sujet. Ensuite, en utilisant le ton qui n’hésiterait pas à aller sur le terrain de l’humour absurde pour créer un contraste avec la tragédie de la situation. Ce fut un long processus d’écriture pour en arriver là où je suis allé à la rencontre de réfugiés et de membres d’ONG pour qu’ils m’autorisent en quelque sorte à aller sur ce terrain- là. Et la plupart m’ont expliqué que je ne faisais pas fausse route précisément parce que dans le quotidien dramatique qu’ils vivent, l’humour est leur bouée de secours. Depuis, d’ailleurs, la réalité a d’ailleurs rejoint la fiction. Quand j’ai imaginé cette situation absurde de demandeurs d’asile venus d’Afrique qui se retrouvaient coincés sur une petite île de pêcheurs écossais en attendant de connaître leur , j’étais à mille mieux d’imaginer que c’est ce qui se produit bel et bien aujourd’hui.

L’équilibre entre humour et tragédie est complexe à créer à l’écriture ? Avez- vous des garde- fous ?

Je ne résonne pas en termes de dosage car, dans Limbo, l’humour naît vraiment des personnages. J’essaie d’imaginer comment ils réagiraient face aux situations que j’ai imaginées et ensuite comment le traduire en termes de dialogue mais aussi de composition de cadres, de couleurs, de direction d’acteurs. Je n’écris jamais de mon point de vue à moi, je ne force jamais la comédie.

LIMBO: UN REGARD AUDACIEUX SUR LE QUOTIDIEN DES REFUGIES [CRITIQUE]

Votre film fait beaucoup penser au cinéma de Kaurismäki. Est- ce une référence que vous avez partagé avec votre directeur de la photo Nick Cooke ?

Pas vraiment. Car tout part vraiment du scénario en lui- même et de la continuité du travail que nous avions déjà fourni ensemble avec Nick sur Pikadero. Plutôt que de s’appuyer sur des références d’autres films, on a essayé de prolonger le style qu’on avait créé.

Qu’est ce qui vous a donné envie de confier le rôle central à Amir el- Masry ?

C’est le fruit d’un long processus de casting, aux quatre coins de la planète. Et de grands moments d’angoisse ! (rires) Car le temps défilait et on ne trouvait pas. Du coup, je me suis mis à passer mes nuits sur Internet à tenter de trouver la possible perle rare. J’avais une idée très précise de ce personnage et soudain quand le visage d’Amir est apparu à l’écran, ce fut une évidence. C’était une photo de la série The Night manager. On l’a contacté dès le lendemain et ces essais n’ont fait que confirmer cette première impression. Amir a d’emblée compris le personnage et le ton du film. Puis on longuement répété avec lui et les autres personnages principaux pour trouver la manière de jouer le ton que j’avais écrit, entre humour et moments plus dramatiques. Je leur ai aussi montré Pikadero pour qu’ils comprennent l’atmosphère que j’allais créer à l’écran. L’équilibre du film repose aussi sur leur jeu. Limbo leur doit énormément.