Le réalisateur et le producteur se confient sur cette suite à "l'approche artistique plus radicale", qui emprunte à Leone et Kurosawa.
Le Chat potté dormait dans un tiroir de DreamWorks depuis 2011, attendant un hypothétique retour sur grand écran. Onze longues années durant lesquelles de nombreux artistes du studio se sont cassé les dents sur un projet de suite. Jusqu'à l'arrivée du réalisateur Joel Crawford (Les Croods 2) et du producteur Mark Swift, qui ont décidé de réinventer la formule sur le fond comme sur la forme. Les trente premières minutes du Chat potté 2 : la dernière quête présentées en exclusivité à Annecy - le film ne sortira que le 7 décembre prochain - ont agi comme un révélateur : non, la franchise Shrek n'est pas morte et elle a même de très, très beaux restes. L'histoire met évidemment en scène le charismatique chat-héros, qui a épuisé huit de ses neuf vies. Poursuivi par un grand méchant loup chasseur de primes (scène très sombre et absolument géniale), il se voit obligé de raccrocher la cape et l'épée et se retrouve à végéter dans la maison d'une vieille dame, en compagnie de dizaines de chats... Jusqu'à ce que la redoutable Boucles D’Or et son gang des Trois Ours débarquent, à la recherche d'une mythique étoile, capable de réaliser n'importe quel souhait. L'occasion pour le Chat potté de retrouver ses neuf vies ?
Visuellement, Le Chat potté 2 se rapproche des peintures impressionnistes avec un rendu assez superbe et totalement inédit dans la franchise Shrek. A cheval entre un conte de Grimm, un western de Sergio Leone et un film de samouraïs d'Akira Kurosawa, le long-métrage (s'il tient ce rythme dingue sur la longueur) s'annonce comme un shoot surexcitant de cinéma. Rencontre avec Crawford et Swift, lors de leur passage au festival d'Annecy.
Pour être totalement transparent avec vous, je n'étais pas très emballé par l'idée d'un deuxième film Chat potté... Mais ces trente premières minutes m'ont convaincu de l'intérêt du projet.
Mark Swift : Tant mieux ! Ecoutez, on est tout à fait conscients de ce qui entoure le film a priori. On savait qu'en faisant une suite à une franchise en sommeil depuis si longtemps, on n'avait pas d'autre choix que de secouer le cocotier. Et je crois qu'on a réussi.
Joel Crawford : Ca se résume beaucoup à trouver la bonne histoire, celle qui justifie de continuer. Et je sais que DreamWorks bossait dessus depuis des années.
MS : On n'était pas sur le projet à l'époque, mais on a pu regarder tout ce qui a été fait.
JC : Et évidemment, c'est un énorme avantage ! Tu comprends très vite ce qui fonctionne et ce qu'il faut laisser de côté. Cette idée que le Chat potté a neuf vies, et qu'il en a déjà utilisé huit, c'était de l'or en barre. Mais qu'est-ce que ça voulait vraiment dire, au-delà d'être vachement rigolo ? Assez logiquement, on en est arrivés à la conclusion qu'il fallait que ce soit une histoire sur la valeur de la vie et la façon dont on en fait l'expérience. Parfois à la dure.
MS : Dans cet univers, le Chat potté est une sorte de rock star, et il adore ça. Il aime être adulé. Et donc on s'est demandé ce que ça ferait si d'un coup il ne pouvait plus être un héros. Quel serait le sens de sa vie, son but ? C'est là qu'on a su qu'on tenait le film.
JC : Le studio a validé l'idée très vite, mais après il fallait qu'Antonio Banderas accepte... S'il disait non, Le Chat potté 2 était mort... Et en fait, il a été super emballé et extrêmement content de pouvoir emmener le personnage vers des territoires plus sombres, un peu plus profonds. Ca dépassait la blague, et je crois que ça lui a parlé.
Visuellement, le film est très différent de tout ce qu'on a pu voir dans la franchise Shrek. On croirait voir des tableaux animés.
MS : On est très fiers de nos choix visuels. Shrek a 20 ans déjà, et à l'époque les outils graphiques étaient très limités. En plus, tout le monde courait après le photoréalisme, ce qui n'est plus du tout le cas, ou très peu. On avait la liberté d'avoir une approche artistique plus radicale. Au début du film, il y a un carton qui dit : « Ceci est un conte de fées ». Ce qui est une façon de préparer le public au fait que ce qu'il va voir sera un poil différent de ce qu'il a connu.
JC : Et ça vaut pour le visuel du film comme pour le storytelling : « Ce sont les personnages que vous avez toujours aimé, mais un peu augmentés ». On s'est autorisés à changer de ton. C'est une comédie bien sûr, mais ça n'empêche pas d'aller régulièrement lorgner vers le drame ou quelque chose d'un peu plus flippant.
Quelle était la limite à ne pas dépasser pour ne pas dénaturer le Chat potté ?
MS : Visuellement, il a fallu trouver le bon équilibre. On voulait ce rendu proche de l'impressionnisme, mais parfois on est allés trop loin. Le Chat potté doit avoir l'air « réel », autant que possible. C'est un personnage qu'on doit avoir envie de prendre dans ses bras, il faut qu'il soit tangible. Et on a pu perdre ça lors de certains de nos essais.
JC : En plus, tout l'aspect comique du Chat potté tient dans le fait que c'est un petit chat qui a l'ego d'un géant (Rires.) Et pour que ça marche, il faut croire au personnage, presque physiquement. On a fait beaucoup, beaucoup de recherches avant de tomber sur le style graphique qui convenait. D'ailleurs, à ce propos, je pense que Spider-Man : New Generation a vraiment ouvert la voie à une plus grande liberté visuelle des artistes. Ca a montré à l'industrie que le public était prêt à voir autre chose, à explorer ce que peut être l'animation. Mark parlait du photoréalisme qui était la quête ultime pendant un moment, mais pourquoi chercher à reproduire le vrai monde alors qu'on est capables d'inventer de nouveaux univers ?
MS : Honnêtement, il y a dix ans, je pense que les executives du studio n'auraient pas validé nos choix. Le succès de Spider-Man : New Generation a certainement fait évoluer les esprits : « Oh, en fait les spectateurs sont plus sophistiqués que ce qu'on croyait... »
Si Le Chat potté 2 est un succès, voyez-vous la franchise Shrek renaître de ses cendres ?
MS : Ca fait une dizaine d'années qu'il n'y a pas eu de film dans l'univers de Shrek, et pourtant ça reste sans aucun doute la plus grosse franchise de DreamWorks. Il y a des mèmes partout sur Internet, Shrek est encore un élément de pop culture très important. Mais pour que ça continue, je crois profondément qu'il faut aller de l'avant, et ne pas se contenter de jongler entre les attentes des fans et celles du studio. C'est pour ça que Le Chat potté 2 devait être différent de ce qui l'a précédé, mais tout en restant dans une forme de tradition. Donc pour vous répondre, je ne sais pas si la franchise Shrek est destinée à reprendre vie prochainement, mais on aura tout fait pour !
Le Chat potté 2 : la dernière quête, le 7 décembre au cinéma.
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