Festival du film francophone d'Angoulême- jour 2
Jour 2 Fête/ Pan Distribution/ Le Pacte

Bilan quotidien de la 17ème édition du festival du film francophone d’Angoulême.

Le film du jour : Barbès, Little Algérie de Hassan Guerrar

Il y avait foule hier matin dans la salle du Cinéma de la Cité pour découvrir Barbès, Little Algérie. Une salle comble pour un premier long métrage emballant. Celui d’Hassan Guerrar, figure bien connu des journalistes car attaché de presse de films (dont la Palme d’Or La Vie d’Adèle) et de comédiens (Gérard Depardieu, Isabelle Adjani…) depuis des années. Encouragé par Audrey Diwan (qu’il a accompagné pour L’Evénement) qui a participé au scénario, il a sauté le pas et s’est lancé dans sa première réalisation. Comme son titre l’indique, on met ici le cap sur le quartier parisien de Barbès dans lequel son personnage principal, un quadragénaire célibataire, emménage et accueille son neveu fraîchement arrivé d’Algérie. Le point de départ d’une chronique toute en finesse, portrait de la communauté algérienne qui vit et fait vivre ce lieu du nord de la capitale. Parce qu’il connaît son sujet sur le bout des doigts, Guerrar la raconte avec un œil débordant d’amour mais jamais dupe.

Résultat : à l’écran, au-delà du fait que l’action se situe au cœur de la récente crise sanitaire, chaque scène nous fait découvrir un Barbès qu’on n’a jamais vu à l’écran, à la manière d’un village caché aux yeux de ceux qui ne savent pas la regarder. A l’intérieur de ce village, co- existent la plus grande des fraternités et la plus triviale des violences. Et, au gré de personnages riches en couleurs, Barbès, Little Algérie évolue en permanence entre ces extrêmes, au fil d’un récit riche en rebondissements, mené avec un vrai talent de conteur, capable de faire vivre énormément de sous-intrigues sans jamais abîmer sa colonne vertébrale. Chez Guerrar, l’émotion s’écrit avec un E majuscule. Elle est le moteur d’un film qui dialogue avec le récent Goutte d’Or. Jusqu’à la puissance tout en finesse de son acteur principal : Karim Leklou chez Clément Cogitore, Sofiane Zermani chez Hassan Guerrar. De plus en plus présent sur grand écran (Avant que les flammes ne s’éteignent, La Vénus d’Argent…), il y franchit ici un nouveau cap

Sortie le 16 octobre


 

La légende du jour : Pierre Richard pour Fêlés

Happy birthday, Mr Richard ! Angoulême a fêté hier le 90ème anniversaire de l’éternel Grand blond, avec la présentation de deux longs métrages. La Vallée des fous (en salles le 13 novembre), le nouveau Xavier Beauvois où il tient un rôle secondaire, celui du père de Jean- Paul Rouve. Et Fêlés, inspiré par une histoire vraie, qui marque ses retrouvailles avec son réalisateur des Vieux fourneaux, Christophe Duthuron où il tient, là, le rôle central. Le fondateur de L’Arc- en- Ciel, une association de Marmande qui accueille des personnes brisées par l’existence et les aide à affronter ces petites choses du quotidien devenues montagnes impossibles à gravir. Et, au fil d’une intrigue reposant sur l’expulsion menaçant cette maison d’accueil, sa fantaisie lunaire épouse à merveille le ton du film entre rires et larmes. Un "personnage" de cinéma qu'il ballade de film en film, depuis Le Distrait en 1970, sans jamais bégayer ou lasser. Car en y apportant à chaque fois des nuances tel un peintre façonnant jour après jour une toile en faisant évoluer par d'infinis détails le regard qu'on pose sur elle.

Sorti le 28 août


 

L’actrice du jour : Audrey Lamy dans En tongs au pied de l’Himalaya

Le titre, forcément, intrigue. Mais il décrit pourtant à la perfection la situation vécue par son héroïne : la mère d’un enfant souffrant d’un trouble autistique, perdue, désarmée, avec une certaine tendance à noyer ses soucis dans l’alcool au moment de passer la quarantaine quand, se séparant de son compagnon et sans revenu fixe, elle va devoir apprendre à vivre seule tout en enseignant l’autonomie à son enfant. Aux commandes de ce film, on retrouve quelqu’un qu’on n’attendait pas forcément dans ce registre si émotionnel : John Wax, le co-réalisateur de Tout simplement noir avec Jean- Pascal Zidi. Mais Wax est ami avec Marie-Odile Weiss, dont En tongs au pied de l’Himalaya s’inspire tout à la fois de la vie et de la pièce seule en scène qu’elle en avait tirée mais qui n’avait connu qu’une représentation avant que le lendemain, la France n’entre en confinement.

Il a donc eu envie de porter sur grand écran ce récit d’une reconstruction peuplée d’obstacles a priori insurmontables en faisant un sort au classique « film à sujet » avec ce parti pris de glisser de l’humour dans des situations forcément poignantes sans que jamais cela paraisse artificiel ou à marche forcée. Grâce à la qualité de l’écriture évidemment (à laquelle a participé Marie- Odile Weiss) mais aussi à la pertinence du choix (face à un gamin absolument dément, Eden Lopes) de son interprète principale. On connaît depuis son seule en scène Dernières avant Vegas le talent comique d’Audrey Lamy. On avait eu trop peu d’occasions (Polisse de Maiwenn, Les Invisibles et La Brigade de Louis-Julien Petit) d’admirer son aisance à gravir des pentes plus dramatiques comme elle s’y emploie ici avec une fluidité, une justesse, une amplitude qui portent le film vers des sommets. Un tour de force.

Sortie le 13 novembre


A lire aussi sur Première

En tongs au pied de l'Himalaya : entre rires et larmes [critique]

Audrey Lamy impressionne en mère d’un enfant atteint d’autisme au fil d’un film qui ne sacrifie jamais à la facilité du chantage émotionnel.

Barbès, Little Algérie : magistral Sofiane Zermani [critique]

Un portrait tout en finesse de ce quartier parisien souvent caricaturé et de la communauté algérienne qui y vit. Un premier long débordant d’humanité.