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La durée monstre du film était un indice. Le sujet casse-gueule (dix ans de la vie d’un Melvil Poupaud qui décide de changer de sexe), aussi. Après deux coups d’essais qui l’avaient érigé en coqueluche à houppette de la Croisette, Xavier Dolan, 23 ans, était manifestement prêt à changer de braquet, à livrer son Citizen Kane générationnel pour jeunes gens modernes. C’est d’ailleurs lui-même qui le disait, dans des interviews d’une prétention délirante, où il expliquait, grosso modo, que toute son œuvre future serait jugée à l’aune du chef-d’œuvre autoproclamé Laurence Anyways.OK. Calmant les ardeurs de Dolan, Thierry Frémaux a préféré montrer le film à Un Certain Regard, jugeant qu’il n’était pas assez mûr pour la Compèt’, et déclenchant au passage une bronca chez les supporters du québécois précoce. C’est dire si, dans l’autre camp, chez ceux qui considèrent J’ai tué ma mère et Les Amours Imaginaires comme des broutilles atrocement surestimées, on attendait Laurence Anyways le couteau entre les dents. Et pourtant : 2h40 plus tard, beaucoup de ceux qui s’apprêtaient à ricaner ont été surpris en train de sécher leurs larmes. Avec sa vitesse d’exécution tuante, son énergie folle, son appétit de cinéma monstrueux, ses shoots musicaux outranciers et son Melvil Poupaud en apesanteur, le film a l’immense mérite de faire céder les dernières résistances critiques sur le cas Dolan. Il est en tout cas suffisamment fort, personnel et ovniesque pour qu’on ferme les yeux sur les restes de tics ados et de dialogues sitcomesques.La prochaine fois, c’est sûr, ce sera la bonne. Frédéric FoubertY a-t-il un âge légal pour être en compétition à Cannes ?Xavier Dolan regrette de ne pas avoir la chance de gagner la Palme d'orSuivez toute l'actu cannoise sur notre dossier spécial avec Orange Cinéday