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L’actrice et productrice de Jane Got a Gun revient sur sa difficile gestation et les raisons pour lesquelles ce projet lui tenait tant à cœur.

Comment avez-vous vécu le départ de Lynne Ramsay, le premier jour de tournage ?
Ca a été compliqué. Ce fut une épreuve très dure à traverser. Le fait que Lynne parte comme ça nous a tous affectés. Mais je remercie vraiment Gavin O’Connor d'avoir pu arriver aussi vite. Qu’il débarque avec sa propre vision et qu’il laisse son empreinte sur le film fut vraiment une bénédiction.

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Le ton du film a-t-il beaucoup évolué avec le changement de réalisateur ?
Oui, évidemment. Deux cinéastes différents produisent forcément deux films complètement différents. Lynne et Gavin ont des visions radicalement différentes, et manières différentes de raconter des histoires ; en tant qu’actrice je voulais me glisser dans la vision du réalisateur, je voulais la servir. Ca a été compliqué de changer, mais pour moi, le cœur du travail d’un acteur est aider un réalisateur à imposer sa vision.

Sauf que dans ce cas précis, vous n’étiez pas qu'actrice. Vous étiez aussi productrice.
A la fin, il n’y a qu’un film qui est fait. Et qui sait ce qu’aurait fait Lynn ? Je suis très fière de ce qu’a réalisé Gavin et c’est toujours fou de penser que, malgré de si difficiles circonstances, on a réussi à livrer un film ; encore plus un film dont on puisse être fier.

Vous avez porté le projet pendant des années. Qu'est-ce qui vous intéressait ?
L’idée d’une femme au cœur d’un western. Et d’un western classique. Jane se retrouve au beau milieu d’une situation compliquée. Elle devrait fuir, mais elle ne peut pas et décide de se battre, de se battre pour elle ! C’est un voyage très fort pour ce personnage et forcément, ce parcours-là, cette résistance, me fascinait.

Vous avez un attrait particulier pour ce genre ? Vous avez joué dans Cold Mountain...
J’aime bien les westerns. Je ne suis certainement pas une experte mais j’aime l’idée de ce genre très américains, le mythe recontextualisé dans l’Ouest, même si les plus grands westerns ont été réalisés par des non-Américains. J’aime les étendues sauvages, l’optimisme et les valeurs qui s'en dégagent...

La relation entre Jane et Colin est centrale dans le film, mais j’ai l’impression que le cœur de ce western c’est l’enfant que Jane veut protéger, l'enfant qu’elle a perdu et qu'elle veut venger ?
Hmmm. Intéressant.

Mais vous n’êtes pas d’accord ?
Il y a toujours plusieurs façons de voir un film. Aucune n’est vraie, aucune n’est fausse. On en ressort avec sa propre vision et j’aime toujours savoir ce que les gens emportent d’un film. C’est ça le plus intéressant.

Et quel serait le sujet de Jane Got A Gun pour vous ?
C’est un film d’amour au temps du Wild West. Jane doit retrouver l’ancien père de sa fille et elle est prise entre l’homme qui s’est occupée d’elle et l’homme qui ne l’a pas forcément bien traitée mais qu’elle a aimé. Le hasard les réunit et ce triangle va devoir se battre pour survivre. C’est ça qui m’intéressait, ça et le parcours de Jane.

Comment avez-vous approché ce rôle ?
J’ai lu beaucoup de romans sur les pionnières. Les journaux intimes des femmes de l’époque. Ce qui est frappant c’est la violence qu’elles subissaient. Je crois qu'on n'imagine pas ce qu'elles enduraient. Les maladies, les bagarres, les intempéries, la mortalité, les sauvages…

Vous avez vu The Homesman ?
Le film de Tommy Lee Jones ? Non, il paraît qu'il évoque ça très bien aussi...

Oui, c'est le thème de son film. Et on y pense parfois devant le vôtre. Doit-on voir un écho entre le fighting spirit de Jane et la difficulté d’être une femme à Hollywood ?
Ah ahah. Ce que vivent les femmes à Hollywood n’est pas un problème de vie ou de mort. Mais se battre pour la vie d’un film peut parfois revêtir les allures d’un combat. C’est dur d’être une femme et d’avoir une position de pouvoir quels que soient le lieu et la société. Je suis chanceuse dans mon travail. Je ne vais pas me plaindre, mais c’est effectivement compliqué. Rien à voir cependant avec l'odyssée de Jane !

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On a l'impression que vous êtes arrivée à un moment spécial de votre carrière. Comme si vous étiez à la croisée des chemins. Actrice, productrice, réalisatrice...
Oui, mais je n’ai pas envie de choisir. D'ailleurs, je ne sais pas s’il faut choisir. J’aime essayer des choses différentes.

Mais que représentent ces différents choix pour vous ?
Je suis productrice parce que je veux créer des rôles pour moi. Je n’avais pas forcément les auteurs ou les matériaux que je désirais. Ni les rôles. Quand tu n’es qu’actrice, tu es censée faire ton travail et c'est tout, et je suis arrivée à un moment où j'ai envie d'un peu plus.

D'où également le passage à la réalisation pour A Tale of Love and Darkness ?
Quand j’ai lu le livre de Amos Oz – je vous parle de ça qui date d’il y a 10 ans – il m’a émue aux larmes, d’une manière très intense, très profonde. Je voyais le film qui défilait devant mes yeux. Je savais dès le début que je devais le réaliser. Cette histoire d’une femme immigrée, c’est l’histoire de ma grand-mère. C’est l’histoire de ma mère. Et c’est mon histoire. J’appartiens à la troisième génération et je comprends le paradoxe qui est au cœur du livre. Je comprends que l’immigrant idéalise le lieu où il va et que une fois qu’il s'y trouve, il idéalise le lieu d’où il vient. C’est l’histoire de toute ma famille et c’est pour ça que c'était important que je le fasse. Et puis... Et puis, il y a Oz, l'inspirateur du mouvement pour la Paix… Tout ça était capital pour moi.

Vous avez été dirigée par les plus grands réalisateurs. Pourriez vous me dire en un mot ce que chacun vous a appris ou apporté ?
Mike Nichols m’a appris qu'il faut toujours se rappeler quelle histoire on raconte. Et qu'il faut toujours le rappeler à son équipe. Et la raconter encore et encore et encore à chacun des membres. Darren Aronofsky lui m’a enseigné qu'il fallait traiter chaque acteur différemment ; Minghella... Minghella, c'est la surprise. Il m'a fait comprendre qu'il faut toujours surprendre les acteurs. Et Terrence Malick m’a fait comprendre que je devais me libérer de tous les rituels et qu'il fallait utiliser les erreurs qu'on commet.

Comment s'est passé le tournage de Knight of Cups ?
C’était incroyable ! On a l’impression qu’il vit les choses, qu’il les fait pour la première fois. Il pense à tout et semble voir le monde d’un œil neuf tous les jours. On a parlé du personnage, de son background et il m’a donné des livres à lire et des films à voir. Raymond Carver, La Strada, beaucoup de cinéastes italiens... C'était fou.

Une dernière question : Ewan McGregor face à Natalie Portman et Joel Edgerton… ca fait beaucoup de personnages de Star Wars sur un seul film non ?
Ah ah ah. Jane a été un tournage difficile mais également amusant. Avec Ewan, on se connaît depuis très longtemps. Quand on s’est rencontrés, ses enfants étaient bébés et maintenant ils sont au collège.

Quand on vous arrête dans la rue, c'est pour Star Wars ?
Les enfants me reconnaissent pour Padmé, mais on m’aborde finalement plus pour Black Swan ou Léon.

Jane Got a Gun de Gavin O'Connor avec Natalie Portman, Ewan McGregor, Joel Edgerton est dans les salles.