Birdman est le grand gagnant des Oscars cette année avec 4 statuettes : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleure photo. Mais où est Michael Keaton ? L'interprète de Riggan Thomson/Birdman n'a pas été honoré cette nuit, c'est Eddie Redmayne qui a reçu l'Oscar du meilleur acteur pour son incarnation du scientifique handicapé Stephen Hawking dans Une merveilleuse histoire du temps.
Birdman est un éblouissant tour de force
Le talent du jeune comédien n'est plus à démontrer : Redmayne est en effet excellent dans ce biopic très classique du savant devenant peu à peu paralysé. Beaucoup s'attendaient pourtant à ce que Keaton soit récompensé. Parce qu'il est meilleur que son concurrent ? Leurs performances n'ont rien à voir, elles sont concrètement difficiles à comparer. En revanche, remettre la statuette à ce dernier aurait été une manière de récompenser une prise de risque courageuse. Car contrairement à Eddie Redmayne, Benedict Cumberbatch, Steve Carell et Bradley Cooper, qui concouraient pour l'Oscar dans cette catégorie, Keaton ne jouait pas un personnage existant ou ayant existé. Tous les autres étaient les stars d'un biopic, alors que lui a dû tout construire pour coller au concept d'Alejandro Gonzalez Inarritu en s'inspirant de sa propre carrière (le super-héros Birdman fait ouvertement écho à ses deux interprétations de Batman en 1989 et 1992) et en poussant sa folie à son paroxysme. Birdman, c'était en quelque sorte "son" biopic. Sans lui, le film aurait été très différent.
Le résultat était-il trop "méta" pour plaire aux votants ? En incarnant un comédien dont le parcours rappelle le sien, qui plus est en pleine préparation d'une pièce parlant justement du rôle de l'acteur dans la société (Parlez-moi d'amour de Raymond Carver), Michael Keaton joue un acteur qui fait l'acteur. Ce n'est pas le premier film à se construire sur des mises en abîmes, mais peu vont aussi loin dans ce concept. Pour illustrer au mieux l'évolution de ce personnage en pleine quête existentielle, la caméra le suit, dans un faux plan séquence visuellement hallucinant.
Comme Shining, Birdman est rempli de faux raccords
Avec une telle construction, les limites entre la réalité et la fiction sont difficiles à déceler dans Birdman. La vulnérabilité de Riggan est palpable. Jusqu'à quel point est-elle celle de la star en personne ? Idem pour son côté dément. Si Michael Keaton a été choisi, c'est en partie parce qu'il a cette folie dans le regard qui le rend imprévisible. Le comédien exploite cette carte à fond dans le film, jouant avec les attentes des spectateurs pour mieux les perdre... Au final, à travers cette histoire de comeback, il revient plus que jamais au devant de la scène et parvient à réussir le sien. Sur ce point, c'est grand art !
Birdman : comment a été tournée la scène du slip ?
En remettant à ce récit alambiqué les Oscars du meilleur film et du meilleur scénario, les membres de l'Académie ont prouvé qu'ils avaient apprécié cette construction originale. En récompensant également son réalisateur, Alejandro Gonzalez Inarritu, et son chef opérateur, Emmanuel Lubezki, ils ont également montré qu'ils avaient été charmés par sa mise en scène hors du commun. Du coup, refuser le prix du meilleur acteur à celui qui porte l'ensemble du concept sur ses épaules et pour le moins déroutant...
Elodie Bardinet (@Eb_prem)
Birdman sortira mercredi en France. Voici sa bande-annonce :
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