DR

Une étude publiée dans le cadre du festival de Sundance montre (confirme) que le cinéma est un art sexiste. Non seulement les femmes y sont minoritaires derrière la caméra, mais cette absence entraîne aussi celle des femmes à l'écran et influe directement sur le contenu des films. Quand elles en font effectivement, les réalisatrices ont plus tendance que leurs collègues masculins à s'intéresser à des personnages féminins et à des sujets cérébraux qu'à la violence et aux flingues. Le jour où sort Zero Dark Thirty, on ne peut s'empêcher de noter par contraste que Kathryn Bigelow est décidément une figure hollywoodienne à part, voire unique.Les auteurs de l'étude, commandée par le Sundance Institute and Women in Films, soulignent que "les réalisatrices ont plus tendance à suivre des filles et des femmes à l'écran que les réalisateurs", et qu'elles impactent "la nature même des histoires". L'analyse de 900 longs métrages montre qu'"on a moins de chance de voir de la violence, des armes et du sang à l'écran quand c'est un femme qui produit ou réalise, et qu'il est en revanche plus probable de voir traiter des sujets qui donnent matière à réflexion".Male members onlyLes films de Kathryn Bigelow donnent certes matière à réflexion, mais ils traitent essentiellement de violence et ne s'intéressent pas particulièrement aux personnages féminins. En 2010, la cinéaste fut la première femme de l'histoire à recevoir l'Oscar du meilleur réalisateur pour Démineurs. Un thriller guerrier dont les femmes sont quasiment absentes, qui met en scène la violence et l'interroge ; pas vraiment un film de gonzesse, comme on dirait dans Les Tontons flingueurs. Et si dans Zero Dark Thirty, thriller magistral sur la traque obsessionnelle de Ben Laden, elle a choisi de traiter son sujet à travers un personnage féminin (Jessica Chastain), il s'agit d'un agent de la CIA, sans mari, sans enfant ni vie privée, seule dans un océan masculin de militaires, d'agents et de politiques - un genre de double fictif de la réalisatrice dont la position à Hollywood est assez similaire. Comme dans Démineurs, la cinéaste questionne frontalement la violence, si bien qu'on lui reproche de faire l'apologie de la torture, et s'impose brillamment sur un terrain que l'on pense réservé aux hommes.Mais Kathryn Bigelow est donc une exception. L'étude du Sundance Institute rappelle la règle : le cinéma américain, même indépendant (un univers réputé moins verrouillé que les gros studios), est sexiste. Entre 2002 et 2012, seulement 24% des films américains présentés à Sundance (le grand rendez-vous du cinéma indé) étaient réalisés par des femmes. Un chiffre dont la faiblesse n'est rien comparée à celle du box office : sur la même période, seuls 4% des films du top 100 sont l'oeuvre de femmes. Ironiquement, cette étude paraît dans un contexte nouveau : il se trouve que l'édition 2013 du festival de Sundance marque une première, dans la mesure où la moitié des films présentés en compétition sont réalisés par des femmes. En 2012, ils n'étaient que trois. Rendez-vous l'année prochaine.Vanina Arrighi de CasanovaKathryn Bigelow : "C'est impossible de mettre un point final à l'histoire"Zero Dark Thirty, l'anti James Bond