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Le cinéaste nous présente The Visit, et évoque aussi la possibilité d'un Incassable 2.

Night, vous vivez une sorte de renaissance. Avec le succès de votre série Wayward Pines, et The Visit, un film distinctement Shyamalanesque : espiègle, retors, pennsylvanien…

Ces deux dernières années ont été fructueuses en termes d’expériences narratives. J’ai écrit un livre sur le fossé de l’éducation aux Etats-Unis, « I Don’t Know Anything », qui heureusement a été bien reçu. J’ai produit ma première série et réalisé un film hors-système, que j’ai payé de ma poche (5 M $, ndr). C’était fun, ça m’a redonné du jus.

The Visit est un film sur la mise en scène : la jeune héroïne a un film à tourner et elle le tournera coûte que coûte. L’idée qu’un formaliste tel que vous s’essaie au « found footage » avait de quoi surprendre…

Mais je fais une distinction entre « found footage » et documentaire. Pour moi, il a toujours été question du documentaire que tourne cette jeune fille sur sa famille. Ce film est important, pour elle, pour son entourage, sinon sa valeur serait celle d’un train fantôme éclairé à la lampe-torche. Dès que j’y ai réfléchi sous cet angle, ça m’a libéré du « problème » du found footage… Il y a une seule séquence purement found footage, à la fin ; elle dure douze minutes. Mais le reste a un feeling documentaire, ce qui me fournissait une bonne excuse pour composer des plans et paramétrer une intention cinématographique, même si la fille n’a que 15 ans. Il y a une chaleur et un romantisme dans ce qu’elle tourne. Un film fait avec amour.

Contrairement à ces bozos qui tiennent la caméra dans un « found footage », elle s’inquiète du cadre et de la lumière…

Ça change tout. Si quelqu’un se fait courser par un chien fou dans le noir, il n’en a plus rien à foutre de la lumière et du cadre… C’est le principe de ces films.

Elle dit « Je ne fais pas de l’exploitation, j’ai une morale de cinéma ». Je me demande de qui elle parle…

Ahah ! Et son frère répond : « Qui en a quelque chose à foutre, franchement ? ». Oui, j’ai du mal à regarder un film qui n’a pas conscience de ce qu’il est. Un panoramique qui vient grossièrement chercher un personnage en plan moyen... Bon, ça m’ennuie. Le plan ne dit rien. La lumière, le cadrage, la direction artistique ne disent rien… « Mais qui a en a quelque chose à foutre, franchement ? ».

En quinze ans, qu’est-ce qui a changé dans le cinéma d’horreur ?

L’industrie est plus permissive. On peut vraiment y aller ! Le curseur de la noirceur s’est déplacé. Avant, Chris Nolan et David Fincher étaient perchés dans leur bulle dépressive, avec leurs films sombres et dangereux. Aujourd’hui, ils sont au coeur de la matrice. Ça me va très bien… 

Vous êtes enclins à vous moquer de vous-même, aussi bien dans The Visit que dans Wayward Pines, qui frôle l’auto-parodie…

Je baigne dans la comédie dark. Wayward et The Visit sont des mystères à clefs propulsés par un humour inapproprié. C’est l’humeur du jour. Le film que j’écris actuellement est de la même trempe. Je pense beaucoup à David Lynch ces temps-ci, ça vient sûrement de là...   

Vraiment ?

Et Pedro Almodovar. Ses films les plus étranges comme Attache-moi. Est-ce que je suis censé rire ? Flipper ? J’adore ça… C’était présent dans Incassable, mais je ne pense plus qu’à ça : la détente et la gâchette. 

Incassable 2 ? Comment faire en sorte de ne pas montrer Bruce Willis tabasser l’homme de verre ? Et l’homme de verre s’effriter en petits morceaux ? Comment rester les pieds sur terre ? 

C’est le problème, n’est-ce pas ? Ça ne peut évidemment pas devenir Marvel. J’ai quelques idées mais le format serait choquant, le ton extrêmement réaliste. Ce serait un film très, très inhabituel…

Ils se battent… mais on ne les voit pas se battre ?

Oui. Ça ne peut pas être autre chose.
Interview Benjamin Rozovas

The Visit de M. Night Shyamalan est déjà dans les salles