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« Le cinéma d’horreur moderne a perdu la notion de danger. Les personnages adolescents y sont de la chair à pâtée, un accessoire appelé à disparaître avec la prochaine scène de meurtre. Pire : les kids ont souvent l’air de se détester à l’intérieur même du film. Ils se font buter les uns après les autres, mais ils continuent de courir sans se retourner. Ca m’a toujours profondément ennuyé…Le film est né d’un amour immodéré pour l’horreur, mais en cours de route il a évolué vers quelque chose de complètement différent. C’est un film sur le genre humain à son stade actuel d’évolution, qui interroge les moyens par lesquels la société éprouve le besoin de marginaliser sa jeunesse, de la sacrifier. C’est le cas dans le cinéma d’horreur bien sûr, mais c’est une idée profondément ancrée dans les civilisations modernes. Chaque jour, partout dans le monde, que ce soit sur un champ de bataille ou dans une émission de télé, on envoie nos enfants livrer nos combats à notre place. Pourquoi les donner en sacrifice à nos Dieux ? Voilà de quoi parle La Cabane dans les bois… Je n’ai pas voulu faire un film de peur avec La Cabane. J’aime tous les registres de l’horreur, les films trains-fantômes qui amusent comme ceux qui font peur. Là, très clairement, on a voulu s’amuser »5 clichés du cinéma d’horreur… vus par Drew Goddard1/ Le vieux type chelou de la station service« C’est l’idée du mauvais présage, qui n’est pas unique au cinéma d’horreur et très représentée chez Shakespeare et dans la tragédie grecque : l’annonce d’un grand malheur si, par folie, vous décidez de poursuivre votre chemin et de vous rendre dans cet endroit  - et, bien sûr, vous y allez quand même… C’est devenu un incontournable du Slasher Movie, notamment. Et oui, campagne oblige, il prend souvent l’apparence d’un vieil obsédé édenté aux mains baladeuses ». 2 / Le quaterback, le stoner, la salope, l’héroïne vierge…C’est l’un des points qu’on essaie de soulever dans La Cabane ; tous ces stéréotypes n’ont pas été inventés par Halloween, ils ont existé bien avant le cinéma d’horreur. Ils sont dans notre culture depuis que les premiers hommes ont appris à dessiner sur les murs de leur grotte. De tout temps, en mythologie, il y a cette nécessité de réduire un personnage à une représentation générique « bigger than life ». Cela existe depuis qu’on (se) raconte des histoires… 3 / La vieille légende liée à un endroit mauditLà encore, un héritage fort de la littérature gothique, le concept inépuisable de la maison hantée. Je ne peux pas trop en révéler sur l’intrigue de La Cabane dans les bois mais… On savait que le film devait péter les plombs dans son troisième acte, et on avait besoin d’un motif familier pour l’acte 2, de prendre le public par la main avant de lui mettre la tête dans le four… C’était soit ça (et je vous laisse la surprise de ce qu’on a choisi), soit les vampires, et, très franchement, j’en peux plus des vampires…4 / La scène sexy avec des nichons et/ou des bisous avec la langueLa sexualité est partie intégrante du genre, et on ne voulait pas se dérober. L’idée d’un puritanisme caché derrière le zigouillage systématique de la fille la plus délurée du groupe, la force symbolique du monstre putride et de la fille pure, l’éveil sexuel mis en relation avec la mort imminente… Tout ça est dans La Cabane. Mais je tenais à marquer le coup ; j’ai tourné ma scène « sexy », tout en plans moyens langoureux et en feu de cheminée crépitant. Pareil, je vous en laisse la surprise…5 / La fin « à twist » qui change le sens de tout ce qu’on vient de voirC’est délicat ; le film entier fait du twist sa religion, La Cabane ne sera d’ailleurs jamais mieux résumée que par son affiche « Rubik’s Cube ». J’ai toujours aimé ça, peu importe le genre, lorsqu’un film se révèle un peu plus fou et un peu plus profond que ce qu’il vous a fait croire. Et la surprise, dans le cinéma d’horreur comme dans la comédie, est une mécanique essentielle. A ce propos, je ferais sans doute mieux de me taire…  Recueilli par Benjamin Rozovas