Ils sont à l’affiche de Diplomatie, la pièce de Cyril Gely, mise en scène par Stephan Meldegg. Le premier incarne le général von Choltitz, le second le diplomate suédois Raoul Nordling, lors de cette fameuse nuit du 25 août 1944 où Paris fut sauvé de la destruction.Propos recueillis par M.-C. Nivière C’est au bar du Lutétia que nous nous retrouvons. Lieu symbolique qui amuse les deux comédiens. Je souligne en riant que les attachés de presse auraient pu choisir le bar de l’hôtel Meurice, l’endroit où se situe l’action de la pièce. Nous évoquons alors le film de René Clément, Paris brûle-t-il ?, sa pléiade d’acteurs, et surtout la fameuse scène entre von Choltitz (Gert Froebe) et Nordling (Orson Welles). Niels Arestrup précise que ce n’est pas Paris qui allait être détruit, plutôt des endroits stratégiques, « mais le symbole demeurait fort ». En tant que membre du jury de la Fondation Diane et Lucien Barrière, qui lui a décerné le Prix Théâtre 2010, j’avais lu la pièce de Cyril Gely. L’auteur a imaginé la négociation entre les deux hommes cette fameuse nuit. « Le fait que Paris ne brûle pas n’a tenu qu’à un fil, explique André Dussollier. Gely a écrit une histoire fictive avec des personnages qui ont existé. Il y a un enjeu capital, c’est le moment où tout bascule. La décision étant d’appuyer ou pas sur le bouton. Cela reste d’une grande actualité. »Pour Cyril Gely, Nordling revient après un premier entretien dans le but de faire basculer la décision du gouverneur de Paris. Niels Arestrup poursuit : « On sait que Nordling n’est pas revenu et que von Choltitz a pris sa décision seul. Il est persuadé qu’Hitler est fou et sait que sa demande est irréalisable. La guerre étant perdue, il est impossible de suivre les ordres. » Ce qui marque à la lecture de la pièce, c’est que l’auteur a su rendre l’atmosphère du moment. « Il y a la vie extérieure, les Allemands, les résistants, les chars. Une pendule qui marque le temps. Gely a écrit cela pour que l’on joue en temps réel. » raconte Niels Arestrup. André rajoute : « Et puis il y a Paris, la nuit, le décor, l’ambiance. » Comment incarner de tels personnages ? Pour André Dussollier : « Avec appétit ! Nous ne restituons pas ce qu’ils sont. Il nous faut montrer la partie cachée. Pièce rhétorique, Diplomatie est une partie d’échecs. » Quant à Niels Arestrup, il est très clair qu’il ne cherche pas à « incarner » cet homme qui a existé : « Ce qui m’intéresse, c’est d’incarner une problématique. Ici, c’est avant tout un militaire, né et éduqué dans cette discipline, pour qui il est difficile de contester un ordre. Il ne peut pas désobéir, même face à l’absurdité. » André Dussollier le coupe : « Et Nordling introduit le stylet dans la brèche. » Niels Arestrup acquiesce : « La question que pose von Choltitz à Nordling “Que feriez-vous à ma place ?” est celle que pose la pièce aux spectateurs ». Quand on leur demande ce qui les a séduits dans ce projet, en chœur, ils répondent que la présence de l’autre a énormément compté. André Dussollier explique : « Déjà, trouver une bonne pièce n’est pas fréquent. Ce qui a retenu mon attention, c’est que cela racontait quelque chose, que c’était captivant de l’entendre aujourd’hui. La manière dont Gely a tricoté leur rapport est passionnante. Derrière l’histoire, il y a deux hommes qui se rencontrent. Nous sommes dans la dualité des masques. » Niels Arestrup poursuit : « C’est une situation très forte, avec des personnages complexes. C’est une pièce qui fait réfléchir. Eternelle question : Qu’est-ce que j’aurais fait ? Aurais-je été un résistant ? Un collabo ? Je n’en sais rien. Bien sûr, j’aurais souhaité être un résistant… C’est tout le mystère de l’homme. Les deux personnages se connaissaient dans la vie, avaient de l’estime l’un pour l’autre. Ce n’est donc pas deux camps qui s’affrontent, mais deux hommes avec des arguments. »Leurs noms accolés sur une affiche sont la promesse d’une belle rencontre entre deux brillants comédiens. Ils affichent tous les deux un sourire qui ne peut que cacher une certaine anxiété, celle des répétitions. L’heure du doute, même pour les plus grands. André Dussollier respire un grand coup : « Merci, mais cela met une pression. En ce moment, tout est à faire. Une cuisine interne qui est difficile à raconter. » Niels Arestrup enchaîne : « Le théâtre, c’est tellement mystérieux. Rien n’est jamais acquis, cela ne pouvait que nous faire peur. » André Dussollier confirme : « C’est une alchimie. On ne sait jamais pourquoi cela prend. » Je peux vous dire que tout est réuni pour qu’elle prenne. C’est tout le mal qu’on leur souhaite.Diplomatie au Théâtre de la Madeleine>> Réservez vos places pour le spectacle !
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