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Mis en scène par Georges Werler, les deux comédiens sont réunis pour la première fois dans cette pièce de Ronald Harwood qui raconte la « Collaboration », en plein régime nazi, entre le compositeur Richard Strauss et l’écrivain Stefan Zweig pour écrire l’opéra « la femme silencieuse ».Propos recueillis par M-C. NivièreComment incarner des personnages qui ont existé ?Michel Aumont : on ne cherche pas à imiter, à ressembler comme au cinéma.Didier Sandre : le projet de Harwood n’était pas de faire une biographie véridique, mais de raconter une situation, celle de deux grands artistes pris dans la tourmente des événements historiques.Monsieur Aumont, comment va être votre Richard Strauss ?Mon problème est qu’il est allemand et moi français, je suis très latin. On dit qu’il était hautain, rigide, psychorigide même. Je n’ai pas le physique, j’ai fait un effort sur la moustache, pour les cheveux blancs cela n’a pas été difficile. Le texte parle pour moi. Je vais essayer de le ramener à moi, imaginer ce que je ferais dans une situation similaire.Et vous monsieur Sandre, votre Stefan Zweig ?Mon Zweig ! J’ai tenté de le comprendre de l’intérieur. C’est un humaniste, profondément européen. Il a consacré la moitié de son œuvre à parler des autres, Marie-Antoinette, Romain Rolland, Marie Stuart… Il était en empathie avec les gens, d’une grande générosité, mais aussi d’une certaine candeur.Nous sommes au cœur de bien des histoires, celles des hommes pris dans la grande histoire…M. A. : Strauss n’était pas antisémite et pas antinazi. C’est le grand Monsieur qui voit arriver les événements en se disant : « Là, ils exagèrent ! » Quand Zweig lui annonce qu’il ne veut plus travailler avec lui, que le régime lui interdit cette collaboration, Strauss déclare : « Ils nous emmerdent et je fais ce que je veux. »D. S. : à l’époque de « La femme silencieuse », Zweig était en résistance, pas en dépression. Ce pacifiste convaincu pensait, au début, qu’en restant, il pourrait lutter de l’intérieur. La pièce tourne autour de l’ambiguïté, celle des compromis que l’ont fait avec la politique, la vie et aussi l’amour. Quand Zweig prend conscience de l’horreur, tout s’effondre.C’est aussi une amitié entre deux hommes que tout oppose ?M. A. : on voit naître entre eux une amitié forte, profonde. Ils s’admirent l’un l’autre. Ils se comprennent, s’entendent, mais il y a un accident extérieur, le nazisme naissant, qui va bousculer tout cela, sans conflit néanmoins. Ils sont très différents, mais ont ce point commun d’être des artistes pour qui l’art est plus important que tout le reste.La pièce va crescendo, comme bien des symphonies…D. S. : cela débute comme une comédie. Strauss est l’imperator. Avec sa femme (Christiane Cohendy), il forme un couple hors norme, assez extravagant. Puis arrive Zweig, un garçon emprunté, admiratif. Ce choc-là doit faire rire, avant que les personnages plongent dans la tragédie de l’histoire.Collaboration au Théâtre de la Madeleine