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Deux amants immortels et leur soubrette travelo organisent une partouze dans un décor des années 80 au son d'un "juke-box émotionnel". Les invités arrivent. Il y a la Chienne (une jeune nymphomane), l'Adolescent (un fugueur très beau, interprété par Alain Fabien Delon), la Star (une actrice capricieuse). Il y a des citations de Leconte de Lisle, des visions sur la mort et le rêve, des décors cheap façon Perceval le Gallois de Rohmer. Les Rencontres d'après minuit, premier long-métrage de Yann Gonzalez (présente à Cannes pour son Grand Central, Rebecca Zlotowski est créditée à la "collaboration au scénario"), a tout du pensum arty et nanar. Surtout que le film est présenté à la Semaine de la critique de Cannes 2013, la sélection auteurisante du Festival.

Mais lorsque l'un des invités s'appelle l'Etalon -doté d'un pénis énorme qui déforme son pantalon- et qu'il est joué par Eric Cantona, le festivalier ouvre grand les yeux et les oreilles. L'Etalon se lance dans un monologue sur son enfance marquée par le don de la poésie, puis sur le choc causé par sa puberté, "mon pénis d'enfant qui s'est transformé en monstre". Et le film d'enchaîner sur un flash back où Cantona est dans une cage, gardé par deux flics, quand "Madame le Commissaire" arrive : Béatrice Dalle, vêtue de fourrure et coiffée d'une chapka ornée de la faucille et du marteau. Et la voilà en train de fouetter Cantona en slip et à quatre pattes (pendant que les policier matent et se masturbent). Canto et Dalle dans une scène qu'on croirait sortie d'Ilsa - La Tigresse du goulag.

Une fois le flash-back achevé, la partouze commence timidement et l'Etalon d'exhiber son sexe, une prothèse (enfin, on le suppose) de forte taille qui sera caressée par la soubrette-travelo (qui s'appelle Udo -en référence à Udo Kier ?), qui finira elle-même sodomisée par l'Etalon... Plus le film avance, au gré de récits racontés par chacun des protagonistes façon Chaucer, plus le film devient psychédélique au son d'une bande originale démente signée M83 (Oblivion). Les Rencontres d'après minuit joue carrément dans le champ du nanar façon Jess Franco : le surréalisme érotique, les discours pompeux sur l'art, le rêve, la mort. Et c'est loin d'être désagréable. Les Rencontres après minuit interroge en tous cas la virilité de King Eric en le montrant comme un grand sensible frustré d'être réduit à une grosse bite -"je suis un poète, un artiste, et je maudis ma queue qui m'a détourné de mon destin." La ficelle, comme l'organe, est un peu grosse.

Mais on est loin de la pure provoc comme les dernières exhibitions phalliques du Festival, comme la fameuse fellation de Chloë Sevigny à Vincent Gallo dans Brown Bunny en 2003 ou la "crémation mexicaine" de Heli la semaine dernière. Comme le dit Eric dans le film, "j'étais sur le point de montrer ma queue. Qui sait, ça va peut-être relancer la soirée". Et oui : le Festival est relancé. Chez Canto, il y a tout ce qu'il faut.