Dans le deuxième film de Pierre Godeau, Guillaume Gallienne joue un directeur de prison qui tombe amoureux d’une détenue. Un rôle à contre-emploi et un scénario inspiré d’une histoire vraie.
Le film ne dit jamais pourquoi le personnage d’Adèle Exarchopoulos est en prison. Mais vous vous inspirez d’une histoire vraie (la prisonnière est celle qui a servi d’appât dans l’affaire Ilan Halimi). Peut-on imaginer que la fascination du directeur s’explique en partie par sa connaissance du dossier ?
Guillaume Gallienne : Tordu ! Le directeur de prison connaît le dossier mais il ne se pose pas comme juge. Je ne pense pas que la connaissance du crime va forcément l’exciter plus. Quand on est confronté aux détenus, ce fantasme est très vite abandonné par l’échange humain qui s’installe. Avec parfois des réactions d’immaturité affective très ancrées. Il y avait beaucoup d’anciennes détenues qui tournaient avec nous et j’ai fait exprès de ne pas la jouer copain-copain avec elles, pour les aider à être naturelles dans leur jeu face au directeur. C’était intéressant de voir les réflexes qu’elles pouvaient avoir quand je rentrais dans la pièce, entre certaines qui étaient très intimidées, d’autres qui essayaient de fayoter, d’autres dans la séduction… Bon, en même temps chacun son trip, si le vôtre est de savoir ce qu’il y a dans le dossier !
La fascination pour la femme criminelle existe !
Bien sûr, et d’ailleurs je ne crois pas qu’on devienne directeur de prison juste comme ça. En tout cas pour ce directeur de prison là, le coup de foudre n’est pas lié au crime de cette détenue. Ce qui m’intéressait, c’était de savoir lequel des deux était finalement le plus emprisonné, vu que lui aussi avait visiblement quelques carcans dont il avait besoin de s’échapper.
Vous jouez beaucoup avec votre apparence dans ce film, et vous dégagez une sexualité très forte. Ce rôle me semble très éloigné de ce que vous avez fait avant. Vous l’avez ressenti comme une étape marquante dans votre carrière ?
J’ai l’impression d’être assez sexuel dans Yves Saint-Laurent aussi…
Oui, mais différemment.
De fait ! Mais là j’ai essayé de ne pas mettre des réponses sur tout, parce que je savais qu’Adèle, avec son jeu à elle, allait me bousculer. Il ne fallait pas trop prévoir. Et tant mieux, je voulais voir comment j’allais réagir. Le seul truc qu’on a décidé en amont, c’était son look. Et je décelais une forme de narcissisme chez ce mec. Il aimerait ressembler à Keanu Reeves, mais ce n’est pas vraiment ça. D’où le lissage brésilien. Le type qui se la raconte un peu quoi, bien dans sa quarantaine, content de lui. Je voulais raconter ça au début pour voir comment cette image parfaite allait se fissurer.
Elle est impressionnante comme partenaire de jeu, Adèle Exarchopoulos ?
Oui et je voulais absolument m’y frotter. J’avais un maître, François Florent, à qui j’expliquais qu’on me faisait toujours le même compliment, on me félicitait sur la précision de mon jeu. Et ça me faisait peur, sans que je sache pourquoi. Il me disait : « Tu as raison d’avoir peur, car dans précis, il y a précieux, il y a prévisible. Et toi tu dois travailler l’imprécis, l’imprévisible, l’improbable, l’imparfait, l’impressionnant… Travaille le ‘im’ qui doit précéder ton jeu ». Et l’occasion de rencontrer des actrices comme Adèle, c’est assez rare. Je savais que j’allais pouvoir travailler le ‘im’. Je ne pouvais pas être dans la précision avec elle. Je voulais qu’elle me bouscule, que je n’ai rien à décider en amont. Il fallait qu’il se dégage une vérité au bout du compte, et pas la chronique du fait divers.
Les scènes de sexe sont assez crues et il y a une alchimie évidente entre vous, un truc un peu animal. Comment ça s’est passé sur le tournage ?
On se parlait très simplement de ça avec Adèle, mais tout dépendait de la manière dont on souhaitait le jouer. Est-ce qu’on voulait quelque chose de bestial ? Ou au contraire de très romantique de sa part à lui, et elle qui part tout de suite dans un truc très fiévreux… Que ce ne soit pas juste du cul pour du cul, ça n’avait aucun intérêt. C’était important qu’on ait les intentions, au-delà de la chorégraphie. Ces cinquante secondes d’état amoureux ou sexuel devaient raconter quelque chose, avec forcément une évolution. Après, le baiser de L’Affaire Thomas Crown il dure beaucoup plus de cinquante secondes et c’est toujours le même état. Mais dans un tout autre contexte !
Eperdument, de Pierre Godeau, avec Guillaume Gallienne, Adèle Exarchopoulos… Sortie le 3 mars 2016.
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