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Le film du réalisateur qu'il faut revoir ce soir.

Jonathan Demme s'est éteint ce mercredi à 73 ans. Pour lui rendre hommage, rien de mieux que de regarder son Dangereuse sous tous rapports, le chef-d'oeuvre caché de sa filmo.

Mort de Jonathan Demme, le réalisateur du Silence des agneaux et de Philadelphia

Si la théorie selon laquelle un cinéaste atteint le sommet de ses capacités (créatives, intellectuelles, physiques) pendant une décennie, ce film marque précisément le moment où Jonathan Demme entame cette fameuse période privilégiée. Elle intervient douze ans après son premier film pour Roger Corman (5 femmes à abattre) qui lui a permis de prouver sa capacité à subvertir un genre réputé impur pour transmettre des idées novatrices. Avec Dangereuse sous tous rapports, il passe à un niveau très supérieur en opérant avec virtuosité un mélange des genres acrobatiques. Le script (de E. Max Frye, futur auteur de Foxcatcher) contient en effet des éléments de road movie, de comédie romantique, de drame passionnel, de voyage initiatique et de peinture de mœurs, et la liste est non exhaustive. On y suit un jeune cadre en mal d’aventure (Jeff Daniels) qui se laisse draguer par une fille délurée (Melanie Griffith) dont les motivations ne sont pas claires immédiatement. Au fil des nombreux tournants que prend le film, la fille révèle une personnalité aux multiples facettes, figurées par autant de  changements de coiffure et de tenues, tandis que dans le même temps, le yuppie coincé se découvre des potentialités insoupçonnées. 

Demme réussit comme par miracle à mêler des registres a priori peu compatibles (comédie, sexe, violence). Il y a ajoute une touche de réalisme social, dans sa façon de définir ses personnages par rapport à leurs origines, mais sans les condamner au déterminisme. Au contraire, ils sont libres de choisir leur destin. Et le film manifeste cet esprit de liberté dans tous les domaines, depuis les cameos (John Waters, John Sayles, sans oublier les mères respectives de David Byrne et de Demme) jusqu’à  la bande son réjouissante, totalement en phase avec son époque. Il y a chez Demme une fraîcheur et une spontanéité qu’on aura du mal à retrouver chez ses suiveurs, qui exploiteront la culture populaire au point de la réduire à une formule, ouvrant la porte au cynisme et à l’ironie, dont il n’y a aucune trace ici. 

Dangereuse sous tous rapports est ressorti en 2015 dans une copie restaurée en BR, ainsi que trois autres films oubliés des années 80 (Fletch, Hot spot et Les rues de feu) qui n’ont rien en commun, sinon d’illustrer une décennie mouvementée, très féconde mais inégale, qui a produit le meilleur et le pire.