26 Oscars, 13 films qui ont rapporté 7 milliards de dollars depuis Toy Story en 1995 : le studio Pixar, fondé chez LucasFilm en 79 et racheté par Steve Jobs en 1986 et dirigé de facto par John Lasseter depuis, est un des piliers du cinéma mondial. Et pourtant, les accueils mitigés reçus par Cars 2 et Rebelle (3D) sonnent peut-être la fin de l’âge d’or pour Pixar.Box-office et critiques mitigéesAvec 221 millions de recettes US, Rebelle vient tout juste de dépasser Le Lorax, gros carton surprise de chez Universal/Illumination (Moi, moche et méchant) et ses 214 millions yankees qui le plaçaient en tête des films d’animation 2012. Mais ce succès est à relativiser : pour l’instant, le film n’est que le neuvième plus gros succès de Pixar sur le territoire américain, sur les treize films estampillés du studio. Au-dessus de Ratatouille, Toy Story (1995), Cars 2 (2011) et 1001 pattes (1998). On est loin des chiffres affolants des autres prod maisons. Et l’amour-propre du studio en a pris un coup : Rebelle ne recueille que 77% d’opinions positives sur Rottentomatoes, le site qui compile toutes les critiques américaines. Bien au-dessus de Cars 2, qui coulait avec 38%. Mais tout juste au-dessus de Cars premier du nom et de ses 74% d’opinions positives. Aucun des dix autres métrages de Pixar n’était descendu sous la barre des 92% depuis 1995…Rebelle, seulement de nom ?Pourquoi tant de tiédeur ? A première vue, avec sa princesse revêche, son script très classique, ses sidekicks oubliables, Rebelle apparaît à tout le monde comme le moins Pixar de tous les Pixar et certainement le plus Disney d’entre eux. Co-écrit par Irene Mecchi (Le Roi Lion, Le Bossu de Notre-Dame, Hercule…), on est en tous cas à des années-lumière des high concepts qui ont fait la réputation du studio comme Ratatouille, Wall E, Là-haut... La réalisatrice Brenda Chapman a certes été virée du projet en cours de route pour être remplacée par Mark Andrews, mais cela s’est déjà produit chez Pixar, pour Toy Story 2 et Ratatouille. La faute viendrait-elle du rachat de Pixar par Disney, qui devint majoritaire dans le studio en mai 2006, avec un investissement de 7,2 milliards de dollars ? En réalité, les rapports Disney/Pixar ont toujours été complexes. Un deal entre Pixar et Disney existe depuis le premier Toy Story, la firme de Mickey ayant produit le film de 1996 à hauteur de 26 millions de dollars. Steve Jobs a toujours lutté pour l’indépendance de Pixar vis-à-vis de la firme de Mickey, refusant notamment de produire des suites ou des spin-offs.Au programme : suites, prequels, spin offsLes choses ont donc changé depuis que Dinsey est devenu actionnaire majoritaire. Jusqu’ici, seul Toy Story avait le privilege de connaître des suites. Cars 2 (2011) a donc ouvert le bal, Monstres Academy sera en 2013 le prequel de Monstres et Cie (2002). Parmi les hypothèses, on parle d’une suite aux Indestructibles, mais aussi au Monde de Nemo que doit réaliser Andrew Stanton après le flop de son film live John Carter. Et enfin, Cars connaît un spin off en DTV, Planes, qui parle d’avions et qui rappelle les suites sorties directement en VHS comme La Revanche de Jafar ou encore Le Roi Lion - L’Honneur de la tribu. Des films purement opportunistes financièrement qui n’ont laissé de souvenirs que dans les vidéoclubs.Les conversions 3DAutre signe peut-être plus inquiétant que les suites : les sorties de conversion 3D des films Pixar. C’est Le Monde de Nemo (2003) qui ouvrira le bal en septembre prochain. Avec l’énorme carton du Roi Lion 3D en septembre 2011, puis la sortie de La Belle et la bête 3D en janvier dernier, on peut s’attendre à une conversion de tout le catalogue Pixar, et des titres les plus importants de chez Disney (La Petite sirène arrivera en relief en 2013). De quoi remplir le calendrier à peu de frais, le coût d’une conversion 3D (10 millions en moyenne) étant bien inférieur à celui d’un nouveau film… Le tout au détriment de la nouveauté et de la créativité ?Les projets originauxTrois projets originaux sont en cours de développement chez Pixar : The Good Dinosaur en mai 2014 (une Terre uchronique où les dinosaures auraient survécu), et deux projets sans titre : l’un réalisé par Lee Unkrich (Toy Story 3) qui aurait pour thème la fête mexicaine du día de los muertos (le « jour des morts » où l’on rend hommage aux défunts de façon festive) ; et un mystérieux projet pour 2015 signé Pete Docter (Là-haut) qui se déroulerait dans l’esprit d’une jeune fille, « dont les émotions seront les personnages du film », dixit John Lasseter. Qui, lors du rachat de 2006, devint officiellement grand manitou de l’animation chez Disney (dont il est issu), avec pouvoir de donner le feu vert aux projets de longs-métrages de chez Walt Disney Animation (i.e. hors Pixar) et qui semble privilégier la stratégie de l’alternance (« un film pour eux, un film pour nous ») : pour preuve le très original Les Mondes de Ralph (novembre 2012) -où l’on suit des personnages de jeux vidéo qui vivent dans les câbles des machines- sera suivi du plus classique Frozen (alias La Reine des neiges) (novembre 2013), relecture épique d’un conte d’Andersen où une jeune fille affronte la magicienne qui a plongé son pays dans les glaces.Attaques et concurrentsC’est donc sur les nouveaux concepts que Pixar est attendu au tournant. Car le marché du cinéma d’animation, avec ses chiffres énormes (les quatre plus gros succès US de 2012 ont rapporté 1,8 milliard de dollars sur la planète), représente un fort appétissant gâteau. Surtout lorsque les films pour enfants peuvent plaire aussi aux adultes, comme l’a si bien su faire Pixar : ainsi le studio est-il attaqué sur ses propres plates-bandes par Blue Sky (la saga L’Age de glace) ou Illumination (Moi, moche et méchant, Le Lorax). Mais c’est surtout DreamWorks Animation qui reprend le flambeau avec panache : outre les cartons des licences Kung Fu Panda et Madagascar, la présence dans leur line up de films pixariens comme Me and My Shadow (l’histoire d’un homme et de son ombre), Turbo (l’escargot le plus rapide du monde) rappelle cruellement que si Pixar a peut-être perdu son mojo, au moins son esprit -un mélange d’audace grisante, de surpassement technique et de liberté narrative- s’est semble-t-il répandu dans le monde de l’animation. « Si tu cherches mon monument, regarde tout autour de toi », aurait écrit Michel-Ange en guise d’épitaphe.S.P.Bande-annonce de Rebelle, actuellement en salles françaises :
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