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5 ans, 5 ans sans nouvelle d’Alejandro Amenabar. C'est long. Depuis Mar Adentro, le surdoué espagnol n’était pas repassé derrière la caméra. Agora (l'histoire d'amour entre une philosophe et un esclave chrétien) prouve qu’il reste pourtant l’un des plus grands filmeurs du moment. Avec ce peplum métaphysique, il confirme ses ambitions esthétiques et narratives. On le sait depuis Ouvre les yeux : Amenabar envisage chaque nouveau projet comme un défi et déteste la routine. Ouvre les yeux redéfinissait le fantastique espagnol ; dans Mar Adentro, "l'académisme" cachait des idées de cinéma démente. Agora est donc un pur fantasme de cinéaste : ressusciter un genre moribond pour en bouleverser les codes et le porter à son firmament. Amenabar - comme Kubrick auquel on pense souvent - s’empare donc du peplum hollywoodien pour le transfigurer. Apex classique, fresque postmoderne gonflée, Agora convoque des références écrasantes (Ben-Hur), pose sa réflexion sur la liberté de pensée et emballe le tout dans une histoire pleine de bruit, de discours et de fureur. "J'avais dès le début imaginé de garder un point de vue comique sur cette histoire d'amour. Je ne voulais pas que les clichés du peplum me paralysent" nous confiait le cinéaste, "je voulais explorer des questions essentielles". De fait, plus dense et plus puissant que n’importe quel drame en costume aperçu récemment, Agora est d'abord un grand film d'amour (avec une sublime Rachel Weisz) qui s’interroge sur l’opposition entre raison et sentiment, savoir et intolérance, religion et pyrrhonisme. Lyrique, viscéral, Agora raconte finalement comment une civilisation stable et raffinée meurt rongée par le fanatisme. Les barbus étaient chrétiens hier, aujourd’hui ce sont les talibans. Et à travers l'histoire d'Alexandrie, c’est du monde contemporain que parle Amenabar dans un film aussi virtuose et passionnant que ses explications... Magnéto.