Hugo blick eric rochant
Première

Le créateur du Bureau des Légendes et celui d'Honourable Woman ont évoqué leur approche, parfois divergente, d'un genre très en vogue sur le petit écran.

Ce sont deux des plus grands maîtres de l'espionnage à la télévision qui étaient réunis, hier, sur la scène de Séries Mania. Eric Rochant, créateur du Bureau des Légendes, a pris quelques heures loin de la saison 5 attendue prochainement sur Canal +, pour venir parler de son métier et discuter du genre avec son confrère britannique, Hugo Blick, créateur entre autres de The Honourable Woman et Black Earth Rising.

"Ce genre de l'espionnage marche particulièrement bien avec l'exploration des personnages", explique d'abord Blick. "D'une manière générale, je crois qu'il n'y a aucune raison de s'intéresser à un personnage, s'il na pas un défaut fondamental. Et en ce sens, le secret est un excellent défaut à scruter. Dans The Honourable Woman, puis dans dans Black Earth Rising, je me suis penché sur ce que voulait dire la notion de secret. Dans la première, la question était de savoir si on contrôle le secret ou si le secret nous contrôle."

Pour Eric Rochant, l'approche est un peu différente : "On m'a dit une fois que le milieu de l'intelligence, c'est découvrir ce que l'Etat ne veut pas que vous découvriez. Mais pour arriver à percer ces secrets, il faut porter un masque", analyse de son côté le scénariste français. "Du coup, ces officiers des services de renseignements font ce qu'on aimait faire quand nous étions enfant. Ils se déguisent, ils mentent, ils prétendent être quelqu'un qu'ils ne sont pas. Ce sont vraiment des jeux d'enfants et c'est fascinant de voir que des gens, qui se prennent très au sérieux, font des choses aussi puériles. Leur job, c'est de jouer. C'est fascinant. Mais l'autre point important dans tout ça, pour construire une série, c'est que quand quelqu'un ment, cela génère du drame et donc de la fiction. Mentir, tromper, ce sont des comportements très intéressants pour les créateurs de fiction. Ce sont des éléments de narration très forts, qui créent de la passion, de la souffrance. Et qui dit souffrance dit bonne histoire. Et puis l'espionnage - ou plutôt la série de renseignements pour être précis - c'est un thriller, un affaire de vie ou de mort, mais qui parle du monde, et pas de choses personnelles." 

Son homologue avoue que si le thriller peut être un moyen, "en fait, je ne m'intéresse pas tellement à l'espionnage. Je m'intéresse plus aux gens qui se mentent à eux-mêmes. Le public cherche à savoir qui se cache vraiment sous le déguisement de mes personnages. Dans The Honourable Woman, par exemple, on finit par découvrir qui elle est vraiment. Mais ce n'est pas une femme forte, c'est une femme brisée. Je crois que je suis plus intéressé par l'aspect intérieur de mes histoires, que par l'aspect extérieur. C'est vrai que je me sers du décor géopolitique local, pour faire monter la tension. Mais ce qui m'intéresse réellement, c'est que pense-t-elle au fond ? Qui est-elle ? Et pourquoi ?"

Alors comment écrire toutes ces histoires ? Comment coucher sur le papier ces idées d'espionnage ? Eric Rochant et Hugo Blick ont deux visions très différentes du processus : "Pour moi, l'écriture n'est pas quelque chose d'agréable. Ce n'est pas quelque chose que j'ai envie de faire. C'est un passage obligé". Pas pour l'auteur anglais, qui confie, lui, avoir "plutôt du mal à m'arrêter ! Je suis trop en colère, j'ai trop de choses à dire."

Côté casting, Eric Rochant note que le plus important, quand on joue un espion, "c'est de reste soi-même. C'est de se mettre dans la peau d'un personnage, mais de rester soi-même en même temps. Parce que sinon, on ne joue pas bien. C'est ce que je dis à mes acteurs : la meilleure façon de mentir, c'est d'être sincère. De cacher la vérité, avec la vérité, pas avec des mensonges."

Finalement, les deux créateurs expliquent ne pas avoir tout à fait le même point de vue sur le réalisme des séries d'espionnage, portée par un cadre géopolitique international. "Je ne fais pas un documentaire ou un essai politique. Je fais du drama. Et ce qui m'intéresse, c'est la vérité des personnages, plus que le reste", répond Hugo Blick. En revanche, Rochant confie que les "agents des services de renseignements ont un job central : dire la vérité sur le monde aux gouvernements. Ils doivent raconter la vérité comme elle est. Sans la déformer ou l'édulcorer. On vit dans un monde très complexe et ces agents se doivent de respecter la complexité de ce monde. Et je crois que nous, on se doit de retranscrire ça au mieux."