Il avait annoncé arrêter le cinéma, et semblait absent de ses derniers films, mais Cronenberg est de retour. Dès les premières minutes, il est question de corps opérés, d’abdomens qu’on ouvre, de folie et de branchement multiprise des individus. Dans un futur proche dévasté par la crise climatique, on suit les péripéties d’un couple. Saul Tenser (Viggo Mortensen) est un performeur qui met en scène la mutation de ses organes internes dans des spectacles d’avant-garde. Caprice (Léa Seydoux) est sa complice. Alors que leur numéro prend un tour plus sexuel, un fonctionnaire pose des questions, un flic entre dans la danse et un groupe d’activistes cherche à profiter de la notoriété de Saul. Les crimes du futur ressemble donc à un atlas de la psyché cronenbergienne, revenant inlassablement au corps, à la technologie, au sexe et à la maladie… Mais il possède une dimension plus personnelle que ses grands opus 80s et 90s. Comme si, en vieillissant, les fétiches du cinéaste devenaient étrangement plus intimes. Le film fonctionne ainsi comme un tour du propriétaire, littéralement une mise à nu (poétique avec ces décors décrépits d’une beauté vénéneuse qui convoquent le spectre de Resnais), dans laquelle Cronenberg s’amuse à multiplier les références tout en développant son intrigue politique. Surtout l’ensemble est chargé d’une subtile dérision. La musique de Shore, le jeu halluciné de Stewart, les exagérations presque comiques de certaines situations, la structure dodécaphonique ou les bavardages parfois absurdes installent une distance amusée. C’est cette distance qui rend cette fable SF étrange, ludique et hypnotique.