Primé à Angoulême, le nouveau Philippe Lacôte nous entraîne au cœur du quotidien d’une des prisons les plus peuplées d’Afrique de l’Ouest, entre réalisme et fantastique.
Un lieu que le cinéaste connaît bien
Récemment primé pour sa mise en scène au festival du film francophone d’Angoulême (doublé d’une récompense pour la BO signée Olivier Alary) un peu plus d’un an après sa première mondiale à la Mostra de Venise, La Nuit des Rois de Philippe Lacôte nous entraîne dans la MACA d’Abidjan, une des prisons les plus surpeuplées de toute l’Afrique de l’Ouest. Un lieu qu’il a eu l’occasion de connaître à son corps défendant dans son enfance, comme il le confiait à Angoulême. « Ma mère y a été emprisonnée quand j’étais enfant pour s’être opposée à la politique et aux dérives du Président Félix Houphouët- Boigny et des siens. J’allais donc lui rendre visite une fois par semaine. Et les conditions singulières de ces visites m’ont permis de m’imprégner de cet endroit et de comprendre son fonctionnement. Il n’existait par exemple aucun parloir individuel donc nous, visiteurs, nous retrouvions dans une grande salle, au milieu des prisonniers. Sa réalité me sautait donc à la figure. » Et c’est avec en tête certaines des images et des sons de cette époque qu’il a construit le scénario de La Nuit des rois et reconstruit la MACA dans des bâtiments de la ville de Grand- Bassam, à une heure d’Abidjan.
Un film inspiré par une certaine réalité
On a découvert le cinéaste franco- ivoirien Philippe Lacôte en 2014 avec Run, fable initiatique qui dressait un saisissant portrait de la Côte d’Ivoire. Son nouveau long métrage met en scène un jeune homme qui, incarcéré dans la fameuse MACA, se retrouve forcé à se plier à un rituel ancestral : celui du Roman qui consiste à obliger un prisonnier à raconter une histoire pendant toute une nuit pour assurer sa survie. Ce qui donne à ce film très réaliste une ambiance de Contes des 1001 nuits tout en s’appuyant sur des faits bel et bien réels. « Choisir un prisonnier et l’obliger à raconter des histoires sans fin toutes les nuits existe dans ce lieu. C’est un ami d’enfance qui y a été incarcéré qui me l’a rappelé. Et je peux dire que c’est cette idée qui a donné naissance à La Nuit des Rois où je dramatise cette réalité avec cette idée de la mort comme épée de Damoclès qui, elle, n’existe pas entre les murs de la MACA ».
Un casting de longue haleine
Il a fallu deux ans à Philippe Lacôte pour trouver l’ensemble du casting de La Nuit des rois. « Je n’avais pas envie de m’entourer de comédiens professionnels pour ce film, à quelques exceptions près comme Denis Lavant. Donc on a sillonné les quartiers populaires d’Abidjan en privilégiant des danseurs, des chanteurs, des acrobates, des pratiquants d’arts martiaux car La Nuit des rois est un film très physique. Je les ai ensuite entourés de figurants dont beaucoup étaient d’anciens prisonniers. Et j’ai travaillé avec eux deux mois en amont du tournage pour les préparer à cette aventure. » Et c’est ainsi qu’on découvre à l’écran Bakary Koné, impressionnant dans le rôle principal et vierge de toute expérience devant une caméra jusque là.
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