Coup de foudre pour ce ce film audacieux, porté par un quatuor dément : Chiara Mastroianni- Benjamin Biolay- Vincent Lacoste- Camille Cottin
A Cannes, il arrive souvent que les films dialoguent entre eux… Comme aujourd’hui. « Tous les mecs trompent leurs copines », balance t’on sans ménagement au personnage d’Hafsia Herzi dans Tu mérites un amour (son très réussi premier long métrage découvert ce dimanche à la Semaine de la Critique) pour la secouer après que son mec soit en effet allé voir ailleurs. Chez Christophe Honoré, c’est son héroïne, Maria (Chiara Mastroianni) qui se révèle être une serial- croqueuse d’hommes, seul moyen à ses yeux de faire durer son couple de 20 ans peu à peu gangréné par l’habitude. A condition bien sûr de le faire en douce. Sauf qu’un soir Richard (Benjamin Biolay), ledit mari, découvre un SMS qui ne laisse gère place au doute sur la joyeuse partie de jambes en l’air qui a eu lieu l’après midi avec un dénommé Asdrubal, étudiant dont Maria est tout à la fois la prof et la maîtresse depuis des mois. Elle ne nie pas. Le ton, forcément, monte. Alors, elle part. Pas loin. Juste en face. Dans une chambre d’hôtel du quartier parisien de Montparnasse, où vont défiler différents personnages liés à sa vie passé ou présente qui ont en commun d’avoir, chacun, une idée très précise de ce qu’elle doit faire de son couple. Vont ainsi s’y succéder le Richard d’il y a 20 ans (Vincent Lacoste), sa prof de piano (Camille Cottin) dont il se dit qu’il aurait dû faire sa vie avec elle, sa mère, les différents hommes de sa vie ou plutôt d’une nuit ou encore… sa « Volonté » qui prend donc forme humaine, en l’occurrence celle d’un vrai- faux sosie de Charles Aznavour !!!
Ce drôle d’inventaire à la Prévert donne le ton du film. On va y parler du sujet le plus sérieux du monde – l’amour - avec un mélange exquis de profondeur et de légèreté. Honoré met tout sur la table de dissection : la passion qui s’émousse et mue au fil du temps, nos fantasmes de jeunesse qui, en grandissant et vieillissant, prennent une valeur de plus en plus essentielle puisqu’ils ont de moins en moins de chance d’être réalisés…. Chambre 212 confronte la réalité du moment qu’on a tendance à voir toujours un peu trop en noir, le passé qu’on ne peut s’empêcher d’enjoliver et le futur où nos rêves non réalisés forment comme un phare lumineux mais inaccessible dans l’horizon. Et quoi de mieux pour donner corps à tout cela que la théâtralité proposée par Honoré dans ce huis clos en chambres. Où la confrontation entre la beauté cruelle des mots que se balancent ses différents protagonistes et la délicatesse poétique des décors évoquent un mélange inattendu et audacieux entre le Trop belle pour toi de Blier (et pas uniquement parce que Carole Bouquet apparaît ici le temps d’une scène… où elle n’a jamais été aussi juste et déchirante depuis le film de Blier) et Cœurs d’Alain Resnais.
Mais le plaisir infini à s’abandonner devant ce petit bijou romanesque en diable repose aussi énormément sur le quatuor majeur de comédiens réunis par Honoré. La facétie fantasque et poignante à la fois de Chiara Mastroianni. La sensibilité extrême de Benjamin Biolay, colosse brisé aux pieds d’argile. Eux qui furent un couple dans la « vraie » vie et à qui forcément des petits gestes en apparence anodins et pourtant si parlants échappent. La jeunesse espiègle de Vincent Lacoste. Et une Camille Cottin renversante de sensibilité à qui ENFIN un cinéaste propose un terrain de jeu au- delà des pâles copies de son génial personnage de la série Dix pour cent.
En un an depuis la présentation de Plaire, aimer et courir vite à Cannes, Honoré a monté Les Idoles à l’Odéon, mis en scène un opéra (Don Carlos) à Lyon et donc réalisé ce film. Et chacun de ces travaux d’Hercule a nourri l’autre. Mieux même, c’est sans doute cette urgence qui rend Chambre 212 aussi beau, aussi puissant, aussi flamboyant. En plus on y entend Aznavour, Ferrat et Donna Summer… Un coup de foudre saisissant !
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