Pourquoi Captain Marvel s'annonce comme un événement

Après Black Panther en 2018, Captain Marvel s'apprête à chambouler le Marvel Cinematic Universe en 2019.

Si le titre de cet articile provoque immédiatement chez vous, chers lecteurs et lectrices, une réaction alergique, on va tenter de désamorcer ce problème tout de suite : à notre époque, la sortie d'un blockbuster Marvel Cinematic Universe donne le tempo de l'industrie hollywoodienne. La diffusion de la première bande-annonce de Captain Marvel hier a été en tous cas un événement dans le paysage du cinéma : non seulement parce que ce trailer était très efficacement monté dans le genre aventure superhéroïque spatiale, mais aussi par les promesses qu'il contient. Déjà, Captain Marvel est le premier film du Marvel Cinematic Universe à donner à une femme le premier rôle, après dix ans d'existence (même Ant-Man et la Guêpe ne l'a pas fait). Et pas à un personnage déjà existant comme la vétérane Black Widow (Scarlett Johansson), mais à un tout nouveau personnage (incarné par Brie Larson). Cette année, Black Panther donnait toute la place à un casting afro-américain en se nourissant de mythologie panafricaine (résultat : 1,3 milliard de dollars de recettes sur la planète). Le choix d'engager une femme comme co-réalisatrice (Anna Boden, auteur avec son comparse Ryan Fleck du sympathique Under Pressure avec Ryan Reynolds et Ben Mendelsohn en gamblers essoufflés) relève évidemment du même bon sens marketing. Kevin Feige, le boss du MCU, sait d'où souffle le vent de l'histoire.

Star 90
Captain Marvel s'annonce également comme un film d'action nostalgique : le deuxième plan de la bande-annonce montre la superhéroïne se crasher dans un magasin Blockbuster, fameuse chaîne de locations de cassettes vidéos aujourd'hui disparue (enfin, presque : il reste un magasin dans l'Oregon). Le film se déroulera effectivement dans les années 90, tout en présentant des versions rajeunies de Nick Fury (Samuel L. Jackson) et de l'agent Coulson (Clark Gregg), mal ressuscité dans la série télé Agents of SHIELD et qui fera ici un meilleur comeback, espérons-le. Captain Marvel surfe sur la grande vague rétro hollywoodienne où l'on puise dans un catalogue déjà existant d'idées et d'images (comme dans un vidéoclub, donc) : en l'occurrence l'imaginaire du cinéma à gros budget des 90s (le numérique a redonné à Samuel L. Jackson son visage d'Une journée en enfer) façonné par les productions Bruckheimer/Simpson comme Top Gun. Pas étonnant, non plus, que Caroll Danvers alias Captain Marvel soit une pilote de chasse de l'US Air Force, maniant des bolides hypertechnologiques, derniers symboles du triomphe de l'Amérique à la fin du 20ème siècle. Avec son héroïne, amnésique à la recherche d'un destin messianique interstellaire, ce trailer de Captain Marvel charrie une nostalgie de la toute-puissance perdue.

Interstellaire
En même temps, comme il s'agit du premier film Marvel à sortir depuis Avengers 4 (on va considérer qu'Ant-Man et la Guêpe était une grosse récré), il s'agit pour Captain Marvel de redynamiser la cosmologie du MCU en attendant justement le quatrième Avengers (prévu pour mai, soit presque tout de suite après Captain Marvel). Infinity War vous avait donné une impression de routine malgré ses enjeux colossaux ? Attendez que Captain Marvel ne vienne rebattre les cartes. Le film mettra en scène les Skrulls, de méchants aliens capables de changer de forme. De quoi autoriser des twists éhontés (on les voit venir en mode "en fait, Captain America était un Skrull depuis le début...") qui réécriront l'histoire du MCU tel que vous le connaissez comme dans les pires/meilleurs -c'est selon- crossovers galactiques des BD Marvel utilisés par l'éditeur quand les ventes étaient faiblardes. Même si les films du MCU sont en pleine forme du point de vue box-office (Ant-Man et la Guêpe a fait des chiffres très moyens, mais l'enjeu était moindre), Feige sait que la lassitude menace facilement. Et qu'il faut donner au public à la fois du nouveau (une femme aux manettes, un univers 90s et militaire) et du classique (du space opera façon Gardiens de la Galaxie) pour exciter les foules. Au vu des réactions lors de la diffusion du trailer, la partie semble gagnée : on voit mal comment Captain Marvel ne pourrait pas cartonner à sa sortie en mars 2019 aux USA, d'autant que Dark Phoenix, l'ultime film de la franchise X-Men qui se passe aussi dans l'espace ET dans les années 90 évidemment, sera déjà sorti depuis trois semaines là-bas et que les chiffres de la X-saga sont bien inférieurs à ceux des grosses machines Marvel.

Donc, en termes de représentation, et d'importance industrielle, Captain Marvel a déjà gagné la bataille. S'agira-t-il, en plus, d'un bon film de cinéma ? Réponse le 6 mars 2019.

Bande-annonce de Captain Marvel :