Alors que Ça vient de sortir (et cartonne !) aux Etats-Unis, retour sur les films, téléfilms et séries tirés des oeuvres de Stephen King.
Soixante-douze entrées au total, ciné, télé et vidéo confondus, soit un sous-genre de l’horreur à part entière et un bric-à-brac improbable où se mêlent navets carabinés et pépites d’horizons divers. Sans compter les innombrables sequels avec lesquels King n’entretient aucun rapport...
Allez, n’ayez pas peur. Prenez une lampe torche. Tout se passera bien.
Par Benjamin Rozovas
Note : * = adaptations ciné / ° = adaptations TV, DVD, VOD
Stephen King : "Je ne m’attendais pas à ce que le nouveau Ça soit aussi bon"
1977 * Carrie au bal du diable
Le Hollywood 70s. Premier roman. Première adaptation. Un casting de feu et de sang mené conjointement avec celui de Star Wars : Sissy Spacek, John Travolta, Amy Irving (qui devait être Leia, puis épousera Spielberg), Nancy Allen (future Madame De Palma)… S’il y a un instant « T » dans la carrière du King, c’est celui-là. Parce qu’il évoque intimement l’adolescence (les règles et la puberté en général) dans ce qu’elle a de plus terrifiant avec le style si caractéristique (voyeuriste) de son metteur en scène, Brian De Palma, Carrie est de ces rares classiques instantanés. Intemporel. L’échec des remakes ne cesse de le rappeler.
40 ans plus tard, Carrie est toujours au top
1979 ° Les Vampires de Salem
Mini-série avec Hutch (David Soul) et James Mason, par Tobe Hooper. À voir en VHS de préférence.
1980 * Shining
Difficile de croire qu’à sa sortie Shining ait pu faire enrager King et décevoir les groupies de Kubrick. L’un se considérant trahi, les autres n’y voyant qu’un banal film d’horreur. Truffé des obsessions du King (l’alcoolisme, les démons de l’écrivain), le film est avant tout kubrickien. Le temps répare tout (parfois) et permet de voir que le cinéaste s’intéressait moins au côté schizo du sujet qu’à l’empreinte physique du folklore et des superstitions. Comme l’hôtel Overlook, le film est d’ailleurs lui-même hanté.
Pourquoi Stanley Kubrick a changé la fin de Shining
1982 * Creepshow
Le charme pulp prend aux tripes, en dépit de la qualité variable des sketches. Un seul tient le coup : le dernier, avec E. G. Marshall infesté de cafards.
1983 * Cujo
Une fois la mise en place évacuée (Dee Wallace se retrouve coincée dans sa voiture à repousser les attaques d’un saint-bernard enragé parce qu’elle trompe son mari ?), on rentre dans le vif du sujet : le combat sale et chiffonnier de la nature contre elle-même, une bataille d’instinct et d’usure, sous un soleil de plomb, entre un chien fou et une maman terrorisée. Signé Lewis Teague, le film est une merveille de précision, de soustraction, laissant Dee Wallace le plus souvent seule à l’écran. Les forces de la nature vibrent à travers elle. Mais le chien n’est pas mal non plus.
* Dead Zone
Sans doute l’année où tout s’inverse dans le rapport de force entre King et les studios de cinéma. Il devient un Midas de l’horreur qui transforme tout ce qu’il touche en frissons. À l’époque, David Cronenberg n’est encore qu’un petit réalisateur de B prometteur. On le sent d’ailleurs à l’étroit dans l’univers du romancier. C’est surtout la performance hallucinée de Christopher Walken qui illumine encore aujourd’hui la froideur chirurgicale du Canadien.
* Christine
L’amour de la jeunesse américaine pour les voitures est-il réciproque ? Le réservoir du film est à moitié plein. Mais John Carpenter transforme la Plymouth en icône de cinéma.
Christine : 5 choses à savoir sur l'adaptation de Stephen King par John Carpenter
1984 * Les Démons du maïs
Enfants sacrifiés, piques, fourches, Linda Hamilton crucifiée dans un champ de maïs… Un Z bête à manger du foin, inexplicablement culte aux États-Unis. À la clé ? Une franchise vidéo.
* Charlie
Traquée par le FBI, Drew Barrymore enflamme des objets par la pensée… Sommet de médiocrité. Et vrai modèle de Stranger Things, même si les frères Duffer ne s’en vantent pas.
1985 * Cat’s Eye
Film à sketches lié par un chat surnaturel (et Drew Barrymore). Méchant et malicieux, plus qu’effrayant. Au programme : James Woods arrête de fumer.
George R.R. Martin à Stephen King : "mais comment écris-tu aussi vite, bordel ?"
* Peur bleue
Doit-on accepter ses blessures pour en guérir ? Le loup-garou croit-il en Dieu ? On ne sait pas exactement de quoi parle Peur bleue. Le ton du film, lui aussi, est un peu off : moitié Goonies, moitié George Romero. Son réalisateur, Daniel Attias, admet volontiers que « c’est le bordel ! ». Allez savoir pourquoi, tout ça aboutit en montage de charme. Gary Busey vole le film en tonton sceptique qui finit par aider les deux gamins à piéger le monstre...
1986 * Maximum Overdrive
Une comète transforme les objets mécaniques en machines à tuer. King s’essaye à la réalisation. Sous coke H-24, de son propre aveu. Il n’essaiera plus jamais.
* Stand By Me
Première adaptation de l’anthologie mélancolique Différentes saisons, Stand By Me marque la première tentative hollywoodienne d’accoler le nom de King à un film non fantastique ou d’horreur. Rob Reiner signe un coup de maître. Coming of age story nostalgico-macabre sur les expéditions en forêt et les escarmouches avec la mort, Stand By Me est aujourd’hui ce vieux jean’s démodé qu’on n’enfile plus trop mais qu’on garde dans l’armoire par nostalgie. Justement.
1987 * Creepshow 2
Romero remplacé par son chef op. L’hommage comics tourne à vide.
* Running Man
Schwarzy au plus haut de sa gloire 80s fluo. Rien à voir avec Stephen King. D’ailleurs, c’est tiré de Richard Bachman (son pseudo).
1989 * Simetierre
Propulsé à la première place dans notre recensement récent des grandes peurs du cinéma, Simetierre ne souffre aucunement de la distance qui nous sépare de sa réalisation. Au contraire, il gagne en puissance mortifère. Déjà étranges en 1989, la musique mélo, les acteurs B (venus de la télé) et le grand-angle rajoutent à la folie… Truffé d’images inoubliables (le chat décollé du pavé, le bras inerte du petit Gage), le film de Mary Lambert présente sans doute l’une des visions les plus sombres et déprimantes que le cinéma ait donné de l’existence ; celle d’un long matin calme et endeuillé, d’une salle d’attente pour les vivants. L’envers frauduleux de la mort, en quelque sorte. Un diamant noir et rocailleux qui continue de peser lourd sur le subconscient.
1990 * Darkside – Les Contes de la nuit noire
Dernière anthologie « kingienne » distribuée en salles. Ça n’existera plus. La Créature du cimetière Une chauve-souris géante attaque des mineurs.
* Misery
L’Oscar sur la cheminée de Kathy Bates. Pour sa seconde adaptation de King, Rob Reiner fait appel au scénariste vétéran William Goldman, l’auteur de Princess Bride. Parangon des obsessions du King (l’écrivain dépassé par sa création), Misery tape dans le mille en dépit d’une mise en scène à la patte lourde. Le casting fait le job : James Caan, alité, est une image de l’impuissance, et Bates, tout en roulement d’yeux et frictions capillaires, explose les compteurs de son homonyme (Norman). À la masse !
° Ça – Il est revenu
Ça a traumatisé une génération et lancé la mode des scary clowns. Tout le crédit au maître.
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1991 ° Les Démons du passé / Vengeance diabolique
Des voitures et des revenants. Pour les fans de Tim Matheson.
° Contretemps
Un concierge victime d’une explosion dans un labo vieillit à l’envers. Une saga télé interminable.
1992 * Le Cobaye
Nanar de réalité virtuelle, précurseur de l’imagerie CGI. Stephen King attaqua en justice pour que son nom soit retiré du générique.
* La Nuit déchirée
Une mère et son fils (vampires) s’établissent dans une ville en quête d’une vierge à dépuceler. Moins bien que ça en a l’air.
1993 * La Part des ténèbres
L’écrivain attaqué par son pseudo. Romero ne transcende pas la commande mais Timothy Hutton s’éclate.
* Le Bazaar de l’épouvante
Film de studio, gros cast, inspiration téloche. Comment l’esthétique King peut vite tourner au ramassis de poncifs.
° Les Tommyknockers
Du propre aveu de King : son pire livre. L’adaptation est en ce sens particulièrement fidèle.
1994 ° Le Fléau
À l’époque, événement télé. L’apocalypse en format carré. Un tour de force épique. C’était il y a longtemps.
Le Top 5 des meilleures séries adaptées de Stephen King
* Les Évadés
Que le maître de l’horreur moderne soit à l’origine du Autant en emporte le vent des films de prison reste un mystère à éclaircir. Hit absolu du genre carcéral, Les Évadés (ce titre…) préfigure, deux ans avant Titanic, la fin d’un certain classicisme hollywoodien. Il est plus souvent associé à Frank Darabont et aux acteurs (Morgan Freeman et Tim Robbins) qu’à King lui-même, qui ne sert pas toujours d’argument marketing. Il peut aussi fournir du matériel à Oscars.
1995 * The Mangler – La Presseuse diabolique
On commence à racler les fonds de tiroir. Littéralement le ticket de teinturier de SK adapté par Tobe Hooper.
° Les Langoliers
Gros téléfilm. Dean Stockwell aux commandes. Laisse curieusement un meilleur souvenir que le bouquin.
* Dolores Claiborne
Pas Misery 2 : une plongée mélo dans les souvenirs d’une femme qui a tout sacrifié pour sa fille. Kathy Bates on fire.
1996 * La Peau sur les os
Un avocat renverse une Gitane qui le condamne à perdre du poids. Le pitch est plus drôle que le résultat.
1997 ° Shining – Les Couloirs de la peur
L’adaptation si longtemps attendue par Stephen King et ses fans. Effectivement « canon ». Et alors ?
° Les Camions de l’enfer
Adaptation fauchée de la nouvelle Trucks, donc remake Z de Maximum Overdrive. Ah ah ah. Il fallait y penser.
° Quicksilver Highway
Anthologie TV signée Mick Garris avec Christopher « Doc » Lloyd en Mr. Loyal. L’une des histoires est de Clive Barker.
* Les Ailes de la nuit
Une série B signée Mark Pavia qui réussit le coup de l’envoûtement. Attiré par le scoop, un reporter de tabloïd cynique (Miguel Ferrer) prend en chasse une sorte de vampire-pilote qui subjugue et tue ses victimes sur les tarmacs d’aérodromes. L’enquête piétine, le temps se dilate… Et bam ! La promptitude du dénouement vous renvoie au visage toute l’horreur contenue du film en un flash d’images gore traumatisantes. C’est fini. Vous émergez. Et, comme sortis d’un rêve, vous ne savez pas exactement comment vous êtes arrivés là...
1998 * Un élève doué
La fascination du jeune anti-héros pour le vieux nazi se noie dans celle de Bryan Singer pour ses acteurs.
1999 * La Ligne verte
Tom Hanks sous cortisone. Darabont en implosion mégalo. Les Évadés tiendrait-il du miracle ?
° La Tempête du siècle
Un étranger corrompt une petite ville du Maine pendant l’orage. Mini-série appréciée des fans.
2001 * Coeurs perdus en Atlantide
David Morse se remémore sa jeunesse passée avec sa mère dans un petit meublé et cet été où le vieux Brattigan (Anthony Hopkins, superbe) s’était installé à l’étage du dessus et avait changé leur vie à tous. Initiation, élégie de l’enfance, proximité du fantastique… Ça ressemble à un digest de King. Mais peint à l’aquarelle, par un artisan doué, Scott Hicks. Très joli film, plutôt oublié.
2002 ° Rose Red
Le traitement télé roupillon adapté à un semi-plagiat de La Maison du diable, que King vénère.
° Dead Zone
Anthony Michael Hall joue le médium sorti du coma. La série résout des crimes mais a l’âme romantique.
° Carrie
Quand les options de droits tombent, les remakes pleuvent. « Carrie, téléfilm, 2002 ». Affaire classée.
2003 * Dreamcatcher – L’Attrape-rêve
Sorte de contre-chef-d’oeuvre. Boursouflure d’auteur et série Z surbudgetisée, surcastée. Cultissime.
2004 ° Kingdom Hospital
Curiosité : une mini-série initiée par King mais adaptée d’une série culte de Lars Von Trier, dont il était fan.
° Salem’s Lot
Seconde adaptation télé, et simple actualisation du second roman. Avec Rob Lowe, cette fois. Encore raté.
* Fenêtre secrète
Un écrivain est accusé de plagiat. Cousu de fil blanc et ruiné par Johnny Depp.
° Riding the Bullet
Un type confronte son deuil en faisant du stop. « Mon préféré parmi les miens », dit Mick Garris.
2006 ° Désolation
Adaptation télé par le fidèle Garris. Avec Ron Perlman et Tom Skerritt. Très 2006.
° Rêves et Cauchemars
Énième collection télé. Tournée en Australie et ça se voit.
2007 * Chambre 1408
Après trente minutes de bon thriller mental, le film s’écroule et rate sa vocation de « Shining de chambre ».
* The Mist
La Ligne verte penchait vers le bas. The Mist est juste loupé. Brume, la nouvelle originale, reste un chef-d’oeuvre.
* No Smoking
Preuve du rayonnement de King dans le monde : cette version Bollywood de la nouvelle Desintox, Inc.
2009 ° La Cadillac de Dolan
La vengeance d’un homme contre le gangster qui a tué sa femme. Pour Christian Slater, à la rigueur.
° Les Démons du maïs
Célèbre nouvelle (Les Enfants du maïs). Succès ciné en 1984 signé Fritz Kiersch. Des seaux et des seaux de suites nulles.
2010 ° Les Mystères de Haven
Tout se fabrique avec King. Comme cette série qui fit bosser acteurs et techniciens pendant cinq ans.
2011 ° Bag of Bones
Pierce Brosnan. Mick Garris. Stephen King. Mini-série. Dodo.
2013 * Carrie – La Vengeance
Les scènes de l’original en moins bien, Chloë Grace Moretz à la traîne… Juste très médiocre.
° Under the Dome
Cette histoire de ville sous cloche l’est un peu (cloche). La série tient trois saisons.
2014 ° Détour mortel
Mélange les obsessions de King pour les autos et la victimisation des écrivains. Un téléfilm Lifetime.
* A Good Marriage
Le théâtreux Peter Askin adapte une nouvelle mineure. Joan Allen découvre que son mari est un serial killer.
° Mercy
Production Blumhouse DTV. Adaptée d’une nouvelle de Brume. Un gamin croit sa grand-mère possédée.
2016 * Cell Phone
Sam Jackson et John Cusack fourvoyés dans un Z en Roumanie.
° 22.11.63
Après un pilote ambitieux (trop ?), la série s’écroule. Boucle temporelle ou toujours le même épisode ? Mort-né.
Pourquoi 22/11/63 est l'une des meilleures séries du moment
2017 * La Tour sombre
Voilà ce qui arrive quand on met l’univers avant les films. Un naufrage.
La Tour sombre inadaptable ? Les premières critiques sont mitigées
* Ça
Le film d’Andrés Muschietti ne remplit peut-être pas le premier de ses contrats (foutre une trouille bleue), mais son amour des monstres et l’immense générosité avec laquelle il choisit de les dépeindre (comme des astres fascinants, des sirènes ensorcelantes) lui assurent déjà une place de choix au panthéon de l’horreur. Pour la première fois, ce carnaval de cauchemars qu’on appelle l’imaginaire « kingien », ce bazar cosmogonique qui se définit aussi par son abondance, prend corps à l’écran avec une grandeur et une autorité (et un budget) dignes de ce nom. Les fans apprécieront.
Plus d'infos dans notre dossier Ça
° The Mist
Nul.
The Mist : la brume de Stephen King fait-elle toujours autant d'effet ? (critique)
° Castle Rock
Série Hulu « connectée » qui réunit en une seule histoire les personnages les plus fameux de King. J. J. Abrams produit.
Castle Rock : la série adaptée de Stephen King s'offre Carrie
° Mr. Mercedes
David E. Kelley adapte King avec Dennis Lehane, pape du polar bostonien. Curieux mélange. Pilote intrigant.
° Jessie
Mike Flanagan (The Mirror) adapte Stephen King pour Netflix. L’histoire d’un jeu sexuel qui tourne mal.
° 1922
Netflix encore : Zak Hilditch (These Final Hours) filme un mystère criminel en costumes. Parfum d’Évadés.
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