Arrivé à vingt ans à Paris pour étudier le violoncelle au Conservatoire, il y reste jusqu'à sa mort, réalisant, le plus souvent seul et méconnu, une vingtaine de films, dont les premiers figurent parmi les plus belles uvres du cinéma indépendant de tous les temps : l'Ironie du destin (1922) n'existe plus, mais Ménilmontant (1926) et Brumes d'automne (1929) prouvent à l'envi le génie de ce cinéaste qui s'est formé lui-même tout en jouant un moment, comme Grémillon, dans l'orchestre du ciné Max Linder. Refusant les intertitres et misant tout sur l'image, il rend périmée la fameuse opposition de Bazin : comme Epstein, il est autant un cinéaste du montage (fait dans la caméra, même dans la scène ultrarapide du meurtre de Ménilmontant) qu'un cinéaste du réel (qui tourne en extérieurs, la caméra à la main).Dans Brumes d'automne, aussitôt imité aux États-Unis, il élabore autour de son héroïne, Nadia Sibirskaia, son épouse, vedette de ses premiers films grâce à la surimpression, aux subtiles gradations lumineuses, aux reflets, aux fondus , un climat poétique de nostalgie qui annonce les films « subjectifs » les plus modernes (de Brakhage à J.-P. Dupuis). De ses autres films, souvent des besognes alimentaires comme Quartier sans soleil (1945 ; RÉ : 1939) ou le Crâneur (1955), il ne retenait lui-même en 1955 que Deux Amis (1946), Arrière-Saison (1950) et Mort d'un cerf / Une chasse à courre (1951). Pourtant Rapt (1934), tourné en Suisse d'après Ramuz et où l'image est subtilement synchronisée à une musique semi-bruitiste de Honegger et Arthur Hoérée (avec recours aux ondes Martenot), ne manque pas d'intérêt.