Le space opera de James Gunn revient ce soir sur TF1.
"Ooga-chaka Ooga-Ooga !" Sorti en 2014 au cinéma, Les Gardiens de la Galaxie a été un grand succès, en récoltant plus de 770 millions de dollars sur la planète. Un carton plein, qui a immédiatement imposé les héros incarnés -ou doublés- par Chris Pratt, Zoe Saldana, Dave Bautista, Bradley Cooper et Vin Diesel comme des figures importantes de la "team" des Avengers au sein du Marvel Cinematic Universe. Pour Première, cet accueil chaleureux de la part du public était pleinement mérité. Voici notre critique :
Way of the Gunn
Les meilleurs films américains sont des films de commande, nés -en caricaturant à peine- de cette tension permanente entre l’industrie lourde hollywoodienne et une vision artistique plus personnelle. Kevin Feige, le grand gourou des studios Marvel, sait à quel point le choix du réalisateur d’un des super-films du Cinematic Universe (deux films par an, vous connaissez le topo) est crucial du point de vue publicitaire. Même si l'heureux élu devra, in fine, se soumettre au système comme tout le monde. Pour Thor : Kenneth Branagh et la "caution shakespearienne". Pour Thor : Le Monde des ténèbres : Alan Taylor, "réalisateur de Game of Thrones". Pour Avengers : Joss Whedon, "le plus grand geek du monde". Pour Iron Man 3 : Shane Black, le "vrai auteur de la saga cinéma". Et pour Les Gardiens de la Galaxie, outsider autoproclamé de Marvel puisqu'adapté d’un comics que personne n’a lu, Feige a l’intelligence de choisir un autre outsider. Le fond et la forme. Le réalisateur des Gardiens, donc, est James Gunn, qui fait partie de ces réals geeks biberonnés à la VHS et à la télé, connu pour son film d’horreur crado référentielle (Horribilis) et son traitement de super-héros ramenard frangin de Kick-Ass (Super). James s’est donc confronté à l’industrie lourde avec Les Gardiens de la Galaxie. Mission : faire un blockbuster PG-13 tout ce qu’il y a de plus inoffensif. Le fait que Gunn soit parvenu jusqu’au bout de sa tâche -alors qu’Edgar Wright s’est barré d’Ant-Man du même studio, et que le génie des Soprano Alan Taylor a vécu un tournage difficile- montre à quel point c’était dans son ADN d’être grand public. A l’instar des Peter Jackson et Guillermo Del Toro, qui ne reviendront jamais à leur infra-genre d’origine, Gunn réalise son rêve : signer un film à 150 millions qui en rapportera cinq fois plus.
Misfits
Au bout de cette introduction un peu chiante, le lecteur se demande si on finira par parler du film, bon sang. Voilà. En lui-même, le film vit très bien séparé du reste des super-films Marvel, même s’il y a des références discrètes aux autres métrages (le McGuffin des Gardiens renvoie à Thor 2 et Avengers) de Feige. Il s’agit surtout d’un space opera où une bande de misfits réunis un peu par hasard se retrouve à devoir sauver la galaxie d’un méchant comme on n’en fait plus, qui veut faire péter une planète pour cause de haine héréditaire. Le film parvient à nous présenter les Gardiens d’une façon réellement équilibrée et tout à fait marrante. Oui, Vin Diesel double un homme-arbre naïf et ça marche. Oui, Bradley Cooper incarne un raton-laveur taré et ça marche (meilleur personnage cinéma de l’année ?). Oui, Zoe Saldana a un rôle badass à sa mesure (on s’en doutait depuis Colombiana). Oui, l’ex-catcheur Dave Bautista se révèle très doué pour jouer un guerrier mélancolique infoutu de comprendre le second degré (source inépuisable de dialogues très cons). Très clairement, c’est la relation entre cette "bande de cons" comme les appelle un flic de l’espace qui fait tout l’intérêt du film : les voir s’engueuler et se battre est un vrai bonheur -surtout que les scènes de baston sont bien écrites et filmées, toujours très ludiques. L’équipe de designers de Marvel a fait un boulot dément : par exemple, on n’est pas prêt d’oublier ce planétoïde qui est en fait la tête coupée "d’un être galactique très puissant" (sic), flottant dans un espace multicolore psychédélique. Ca flingue, ça drague, ça vole, ça tape, et c’est bon. Tellement bon qu’on ressent ce frisson typiquement hollywoodien de l’excitation cinéma, ce plaisir d’avoir filé dix balles pour s’injecter deux heures de pur plaisir à gros budget (merci l’industrie). A l’arrivée, l’exploit chez Marvel est de faire cohabiter dans le même univers ce trip de space opera hyper fun, des délires façon Thor 2, des oeuvres plus terriennes comme Captain America : Le Soldat de l’hiver et des blockbusters proches de la perfection comme Captain America (oui, le premier) et Avengers.
Spielberg style
Mais c’est le personnage principal, Peter Quill alias Star-Lord -pirate de l’espace cool, dragueur priapique et tchatcheur- qui révèle en creux le projet du film : prendre définitivement la relève des prods Amblin 80’s de Steven Spielberg dans un dialogue référentiel constant (via le gadget-walkman, voir plus loin), parfois irritant, parfois plaisant. Le prologue du film est situé en 1988 -année fond du trou pour Spielby faisait suivre son flop Empire du soleil avec le futur flop Always-, et Peter enfant assiste à la mort de sa mère, un walkman Sony 1980 à ses oreilles susurrant "I’m not in love" de 10CC. Fou de chagrin, Peter sort de l’hôpital et court dans la campagne nocturne brumeuse éclairée d’une pleine lune. Un vaisseau spatial multicolore, surgi de l’espace comme un sapin de Noël, le kidnappe. Fin du prologue. Vous aurez reconnu, sans trop vous forcer, le trauma parental spielbergien, et les visuels d’E.T. Le générique, quant à lui, est une version cool de l’ouverture des Aventuriers de l’arche perdue. Etc. Heureusement, le film n’est pas que ça : il s’agit surtout de livrer un film d’aventures spatiales comme le Star Wars de la grande époque, mais sans le premier degré pulp qui a valu un flop à l’excellent John Carter (qu’il faudra bien réhabiliter un jour). Cette dialectique référentielle -non seulement à Spieberg mais au cinéma lui-même- avec ses vannes méta et sa playlist démente (Ch-ch-ch-ch-cherry bomb !) est bien de son temps et assurera le carton du film, qui ne se prend jamais au sérieux. Les détracteurs de Marvel appellent cette attitude, présente depuis l'Iron Man de 2008, cynisme. On préférera parler de pragmatisme, de nécessité industrielle, si l'on veut.
Sylvestre Picard (@sylvestrepicard)
Bande-annonce des Gardiens de la Galaxie :
Les Gardiens de la Galaxie : Pourquoi baby Groot s'arrête-t-il de danser quand Drax le regarde ?
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