Ce fut compliqué d'organiser un rendez-vous entre Laurent Lafitte et Vincent Macaigne, le tandem inattendu de Tristesse Club, de Vincent Mariette. Un dîner fut d’abord prévu. Mais finalement non. Et puis d’ailleurs, Macaigne ne viendra pas pour l’interview. « Enfin, il viendra pour la photo, pas sûr qu’il ait le temps de rester pour l’interview. » En définitive, « Big Mac » fait irruption dans le studio avec une heure de retard, annonçant qu’il a « quarante minutes, pas plus » à nous consacrer. Après une séance photo très physique, les deux garçons nous rejoignent, essoufflés, pour un tête-à-tête, disons, un peu rétif.Vincent, jusqu’au dernier moment, on ne savait pas si tu viendrais... Vincent Macaigne : J’ai un emploi du temps compliqué en ce moment, je suis en plein montage de Don Juan à la Comédie-Française. D’où vient ce Monsieur... (Il désigne Lafitte.) Laurent Lafitte : (Jusqu’à présent, il nous tournait le dos, plongé dans la lecture d’un magazine.) Oui, mais moi, je ne suis pas dans Don Juan...Vous connaissiez-vous avant Tristesse Club ? Laurent : Non. La vie nous avait épargné ça. (Rire.)Pensiez-vous quelque chose l’un de l’autre avant de vous rencontrer ?Laurent : J’avais peur qu’il soit moins drôle qu’il ne l’est en réalité. J’avais une image un peu... Vincent : ... pas drôle ?Laurent : Subventionnée. Chiante. Qui pue le Avignon double Off.Vincent : Moi je pensais que les gens de la Comédie-Française parlaient toujours très fort. Laurent : (Il crie.) Je t’interdis de dire ça !Tristesse Club est un peu schizo, installé dans une ambiance à la Blier, mais avec des embardées à la Max Pécas et de jolis plans symétriques qui rappellent Wes Anderson... Laurent : Anderson et Blier, ce sont des références qui reviennent souvent. Ce que j’aime bien, c’est l’importance du décor. Le lieu est un personnage à part entière. Ca me fait penser aux scènes dans la forêt à la fin de Buffet froid. À cette ambiance onirique mais pas forcément joyeuse. C’est un film très mélancolique. Vincent : C’est le plan où on est assis sur des transats qui te fait dire ça ?Que ça ressemble à du Wes Anderson ? Vincent : Non, à du Blier.Non, c’est l’humeur générale... comédie noire et dépressive pleine de mots d’auteur et de ruptures de ton...Vincent : C’est vrai.Laurent : Je pense que Vincent (Mariette, le réalisateur du film) est plus Truffaut que Blier.On a l’impression que vous êtes seuls au monde dans ce film. Les personnages occupent des espaces vides.Laurent : Oui, c’est une déambulation qui fait penser aux Valseuses, en moins sexué.Et il y a cette musique électro planante de rob qu’on croirait issue d’un giallo... Vincent : Un quoi ?Un giallo, ces thrillers d’exploitation italiens entre horreur et cul. Vincent : Tu veux dire qu’il y a plusieurs univers différents dans le même film ? Laurent : Là on cite beaucoup de références parce que c’est rassurant, surtout pour un premier long métrage, quand on ne connaît pas encore bien l’univers d’un cinéaste. Mais le film n’est pas si référencé que ça. Il est nourri de la culture de Vincent, bien sûr, en restant malgré tout personnel et singulier.Vincent (Mariette) évoque la capacité d’écoute de Vincent (Macaigne), qui lui rappelle Depardieu. Quand c’est au tour de votre partenaire de dire sa réplique, il paraît que vous bougez imperceptiblement les lèvres en même temps que lui... Vincent : Comment ça, je bouge les lèvres ? Laurent : C’est une tactique pour que tout soit monté sur lui.Vincent : Voilà, c’est ça.Il dit que c’est ce qui te rend vivant dans le cadre.Vincent : Il dit que c’est ce qui te rend vivant dans le cadre.Laurent : Ah bon ?Vincent : Ah bon ? Hyper relou le mec qui répète tout. Super chiant.Non, pas du tout...Vincent : Non, pas du tout. (Les deux acteurs sont hilares.)Et donc il dit n’importe quoi Mariette ? Vincent : Quand il dit que je répète le texte des autres ?Laurent : Le type qui sait pas jouer du tout, quoi. Il compte le nombre de mots pour savoir quand c’est à lui de parler.Vincent : En fait, j’ai un mot repère. Quand j’entends le mot repère, je dis ma réplique. Laurent : Il apprend le dernier mot de la phrase de l’autre, et pendant que l’autre parle, il pense à la réplique qu’il doit dire après le mot. Vincent : Voilà, c’est ça mon secret. Laurent : Le problème, c’est qu’après, tout le monde risque de jouer aussi bien que toi. (Ils s’étouffent de rire.)Interview Benjamin Rozovas(Un entretien à retrouver dans son intégralité dans le nouveau numéro de Première, samedi dans les kiosques)Tristesse Club de Vincent Mariette avec Laurent Lafitte, Vincent Macaigne et Ludivine Sagnier sort aujourd'hui dans les salles
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- Laurent Lafitte : "Vincent Macaigne ? J'avais une image un peu chiante, qui pue le Avignon double Off"
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