Après Crazy Heart, son premier film en demi teinte, qui avait valu à Jeff Bridges une nomination à l’oscar, Scott Cooper revient avec un film d’une noirceur inattendue qui rappelle, sans souffrir de la comparaison, les grands films du genre. Avec son héros accablé dans un décor de crise, Les brasiers de la colère aurait pu être écrit au tournant des années 50 pour Robert Mitchum. Plus proche, on pense à The indian runner pour l’histoire de fratrie mal engagée et le contexte Springsteenien d’une Amérique industrielle et rurale dévastée.Le film commence au fond du trou. Christian Bale, dans un de ses rôles marquants, joue Russell Baze, un ouvrier métallurgiste qui fait tout ce qu’il peut pour survivre dignement, soigner son père malade et préserver des ennuis son frère Rodney (Casey Affleck) qui n’a rien trouvé de mieux pour échapper à l’usine que de s’engager dans l’armée. Au lieu de s’arranger, les choses vont de de mal en pis. Gravement perturbé par des séjours répétés en Irak, Rodney gagne de l’argent dans des combats clandestins à mains nues, qui sont l’équivalent de la roulette russe de Voyage au bout de l’enfer auquel Scott fait souvent allusion.De fil en aiguille, Rodney se met à dos le pire bookmaker du monde, un trafiquant de drogue qui règne dans un recoin si reculé des Appalaches que même la police n’ose pas y mettre les pieds. Il est joué par Woody Harrelson, lui aussi dans un de ses grands rôles.Le film n’est pas parfait, à commencer par la discutable et inutile première scène qui présente Harrelson comme le mal absolu, peut-être pour annoncer l’inéluctable confrontation finale. Autrement, Scott Copper est un ancien acteur, et il n’est pas étonnant qu’il obtienne d’excellentes performances de tous ses interprètes. Il sait leur lâcher la bride quand il faut, et il est à l’aise dans tous les registres, qu’il s’agisse de capter les regrets et l’impuissance à l’occasion d’une scène de retrouvailles sans espoir entre Zoe Saldana et Christian Bale, ou de canaliser l’hostilité du criminel psychopathe incarné avec l’intensité adéquate par Woody Harrelson. Il y a aussi quelques démonstrations étonnantes de mise en scène virtuose, comme l’assaut par les flics d’un repaire de dealers.Sans discussion, le film noir du mois.Gérard Delorme
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