Le cinéaste italien parle de la liberté du format télé et du sérieux de son sujet.
Qu'est-ce qui vous a attiré au format de la série télé ?
J’y ai vu la possibilité de faire ce que le cinema ne permet plus : des films d'auteur sans contrainte de temps. Il n’y a plus de public pour ces formats longs en salles. Mon espoir était de faire un film d'auteur pour la télévision.
Comment avez-vous adapté votre façon d'écrire ?
La grande difference entre l’écriture cinema et l’écriture série, c’est le temps. Le cinéma incite à élaguer pour gagner du temps, ce qui oblige à réduire le degré de détail alors qu'ici, j’ai pu enrichir et experimenter beaucoup plus que dans un film. J'ai pris la liberté de faire des digressions, de lâcher mon protagoniste pour suivre un personnage secondaire pendant un épisode entier.
Y a-t-il des règles différentes à respecter ?
La principale d'entre elles a déterminé la seule règle que je devais suivre impérativement : celle qui consiste à exciter la curiosité à la fin de chaque épisode avec un cliffhanger. Lorsque j'ai réalisé mes sept longs métrages précédents, j'avais tendance à minimiser l'importance de la narration. Cette fois, je l’ai développée davantage, en multipliant les rebondissements et les coups de théatre.
Il y a beaucoup d'ironie et de provocation. Quelle est votre intention vis-à-vis de l'Eglise catholique ?
Mon intention n’est pas de faire dans la provocation. Mais effectivement, on ne peut pas s'en rendre compte à la seule vision des deux premiers épisodes. La foi est un sujet très sérieux, qui sera développé par la suite avec l'importance qu'il mérite. Comme pour moi, il s’agit d’une affaire personnelle, l'attention sera concentrée sur le point de vue du pape, mais je n'en dévoilerai pas plus.
The Young Pope est un monument de télé
C’est un personnage très contradictoire, comme le montrent les deux discours qu’il prononce, l’un en rêve et l’autre en vrai.
Ce n'est pas contradictoire. Le premier discours est un cauchemar et on voit vite que son conservatisme ne lui permettrait jamais de prononcer de telles paroles. C'est un personnage complexe, qui se révèle en dix heures de narration et a besoin d'être développé dans cette durée. La question qui travaille la série est comment un être humain, investi de la mission de guide spirituel d'un milliard d'hommes, peut-il laisser ses propres souffrances de côté ? Autrement dit, comment notre vie privée peut-elle impacter notre comportement public ou professionnel.
Ses obligations d'apparaître en public lui posent quelques problèmes, qui font de lui une star et rapprochent son métier du show business. Quelles instructions avez-vous donné à Jude Law dans ce sens ?
Pour la scène du rêve, je lui ai dit d'agir à l'encontre de la nature de son personnage, c'est-à-dire comme un showman. Après, je lui ai dit que son personnage était incapable de donner un discours face à la foule, et c'est la raison pour laquelle il décide ne pas se montrer en restant dans l'ombre. A l'évidence, un pape sait qu'il doit communiquer face à une vaste masse de gens. Comment faire lorsqu'on n'a pas le tempérament d'un homme de spectacle ?
Vous êtes-vous inspiré de papes existants en terme de sensibilité politique ou de leur approche de la fonction ?
Non, nous ne nous sommes inspirés d’aucun pape existant. Nous avons délibérément évité toute référence à des figures historiques. C'est un pape que nous voulions original et inédit, meme si ses vues conservatrices le rapprochent de souverains pontifs du passé. Il aurait tès bien pu avoir sa place avant le concile Vatican II.
Souhaiteriez-vous voir un tel pape à la tête de l'Eglise ?
Non, mais je ne suis pas sûr que le pape que nous avons maintenant est le bon.
C'est la troisième fois que vous tournez en anglais. Comment vous débrouillez-vous avec la langue ?
Sans aucun problème. J'ai fait exactement comme dans mes précdents films anglophones. J'écris en italien, et une interprète en qui j'ai toute confiance traduit. Je lui explique en détail les personnages.
Je pensais à la direction d'acteurs. Comment savez-vous s'ils sont justes ?
Bien que je ne maîtrise pas encore la langue, je crois que j'ai développé une capacité à juger de la musicalité de l'anglais. Je sais quand ça sonne juste.
The Young Pope de Paolo Sorrentino est diffusé à partir de ce soir à 20h55 sur Canal+.
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