Première
par Christophe Narbonne
Ne vous fiez pas au résumé : on peut aborder des choses graves, pour ne pas dire glauques, avec causticité. C’est le cas de ce premier film gonflé qui pèche presque par excès de gourmandise. L’arrivée tardive de la fille suicidaire de Lynn au beau milieu de cette ménagerie insensée, c’est un peu la goutte d’eau qui fait déborder le vase des rancoeurs et des dysfonctionnements familiaux. Festen, à côté ? Du Disney ! Mais voilà qu’à notre tour, on exagère... Sam Levinson a retenu la leçon du chef d’oeuvre de Thomas Vinterberg, qui cherchait moins à choquer qu’à décrire des personnages complexes en butte à une intolérable omerta familiale. L’humour, dans les deux cas, a pour effet de désamorcer pas mal de situations tendues, impossibles à filmer autrement : le commentaire neutre du père à la confession de sa fille battue (« ça doit faire du bien de se décharger d’un tel fardeau »), la bêtise crasse des soeurs-langues-de-vipère de Lynn, les « farces » des petits-enfants à leur grand-père grabataire... La vision de la mère américaine, tantôt indigne (la grand-mère), tantôt dépassée (Lynn), tantôt pouffiasse (la belle-soeur), fait, quant à elle, passer les desperate housewives pour des parangons de vertu ! Mais l’atout maître de Levinson, c’est le casting. Outre les deux Ellen (Barkin et Burstyn), parfaites en mère et fille comme chien et chat, on observe le retour fracassant de Demi Moore et la confirmation du talent d’Ezra Miller, gueule d’ange et rebelle attitude incarnée.