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Certainement un futur classique du genre.

En 1998, Steven Soderbergh et Scott Frank faisaient équipe pour signer l'excellent Hors d'atteinte. Vingt ans plus tard, le duo se retrouve sur Netflix et montre qu'il flingue encore juste. Ensemble, ils ont créé le premier western original de la plateforme américaine : Godless, sorti ce mercredi 22 novembre. Une chevauchée sauvage, à l'ancienne, mais bordées de thématiques contemporaines, qui exaltent le récit.

Godless, c'est l'histoire d'une petite bourgade du Nouveau-Mexique, appelée LaBelle, fondée par des pionniers, où l'on ne trouve... que des femmes ! Les hommes sont morts à la mine, quelques mois plus tôt. Tous les hommes, ou presque. Ne restent plus en ville que le Shérif et son très jeune adjoint. Alors en cette fin de XIXe siècle, dans cette région encore indomptée de l'Amérique, les filles de LaBelle se retrouvent livrées à elles-mêmes, obligées de prendre leur indépendance et de s'émanciper. Ce que certaines acceptent naturellement, et d'autres moins. Mais tout va être remis en question par l'arrivée impromptue d'un cavalier grièvement blessé, en pleine nuit, aux abords du ranch d'Alice Fletcher. Roy Goode est un hors-la-loi. L'un des hommes de main du terrible Frank Griffin et de sa bande. C'est même le chouchou, le petit protégé du boss. Or, Roy a décidé d'arrêter la vie de Desperado. Il s'est fait la malle, avec le butin du dernier braquage. Fou de rage, Griffin met alors l'Ouest à feu et à sang pour le retrouver. Une traque impitoyable, qui va inexorablement le mener à LaBelle...


Pour les fans de Deadwood, qui se morfondent depuis une décennie, en attendant une éventuelle suite, voilà de quoi recharger le six coups. Godless est une pure série de genre, un western magistral, sagement classique de prime abord, mais bien plus moderne dans le fond. Scénariste de Minority Report, Get Shorty ou plus récemment de Logan, Scott Frank a écrit - avec Steven Soderbergh - une histoire de Far West, qui fleure bon le rodéo, le tord-boyaux, la Winchester encore fumante et la musique country. Mais fort de son support et du temps offert par Netflix, il prend surtout soin d'explorer ses personnages et au passage, la sociologie de l'Amérique sauvage. Notamment la place de la femme, dans ce monde de mâles dominants.

Il dessine ainsi des pionnières fortes et attachantes, des femmes libres, puissantes, à une époque où elles n'avaient pas droit de cité. Il dessine des hommes perdus, abrupts, sanguinaires et presque carnassiers. Bref, une guerre des sexes improbable, dans l'ambiance poussiéreuse de la conquête de l'Ouest. Toute une galerie de figures insensées, merveilleusement incarnées par un casting droit dans ses bottes. S'il faut un peu de temps pour s'habituer à voir la "so british" Lady Mary Crawley de Downton Abbey (alias Michelle Dockery) en éleveuse de chevaux du Far West, on reste bluffé par la performance de Merritt Wever (la discrète Denise de The Walking Dead), insaisissable en cowgirl libérée et indomptable. La star de la série Halt and Catch Fire, Scoot McNairy, incarne, lui, un touchant shérif au bout du rouleau. Et puis Jeff Daniels est aussi méconnaissble que glaçant, dans la peau du tueur sans foi ni loi.

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Évidemment, si vous avez déjà du mal à encaisser les deux heures et quelque d'un bon vieux Clint Eastwood, vous risquez de trouver le temps long, devant les 7 épisodes de Godless, qui font près d'1h15 chacun ! Non, la série de Frank et Soderbergh ne se binge pas. Elle se déguste, morceau par morceau, pour apprécier un peu plus chaque personnage et chaque storyline. Pour apprécier la jubilation visuelle de Scott Frank, qui profite du temps qu'il a pour faire de belles images des grands espaces et de sa stupéfiante reconstitution historique. D'accord, Frank (qui a dirigé toute la série) est un réalisateur inexpérimenté, qui abuse parfois des looooongs plans de chevaux galopant au loin. Certes, quelques épisodes sont un peu trop contemplatifs. Mais on se laisse agréablement transporter dans sa luxueuse diligence, qui file tout droit jusqu'au grand face à face final, ce "gun fight" palpitant et magistralement mis en scène, promis dès les prémices du récit.

Oui, il faut du temps pour y arriver. Mais jamais on ne s'ennuie ou ne s'impatiente. Godless restera alors comme un grand western de 9 heures, qui parvient, au bout de son épique chevauchée, à livrer tout ce qu'il a dans le ventre.

Godless, mini-série en 7 épisodes, tous disponibles sur Netflix à partir du mercredi 22 novembre.